« J’ai très envie de tourner à nouveau sur la Côte d’Azur »
Woody Allen, le réalisateur aux 52 films, était à Paris pour présenter Un jour de pluie à New York, en salle aujourd’hui. Il se confie sur sa relation à la France, à ses acteurs… et à « la grosse pomme »
C’est dans la suite 205 de l’hôtel Bristol à Paris, un palace situé à deux pas de l’Élysée, que Woody Allen, qui vient tout juste d’achever le tournage de son prochain film, Rifkin’s Festival, à Saint-Sébastien en Espagne, fait la promotion d’Un jour de pluie à New York, une comédie romantique avec Timothée Chalamet, Elle Fanning, Selena Gomez et Jude Law qui sort en France aujourd’hui. Le célèbre réalisateur américain âgé de 83 ans est heureux que son film, tourné en 2017, soit enfin visible dans les salles françaises et européennes car il n’a pas été distribué aux ÉtatsUnis, à la suite de l’affaire Harvey Weinstein et aux accusations d’abus sexuels de sa fille adoptive Dylan Farrow. Entretien avec le cinéaste new-yorkais, qui apparaît ce matin-là en pleine forme.
Avec Un jour de pluie à New York, l’histoire de deux jeunes gens amoureux à Manhattan le temps d’un week-end, vous prouvez votre attachement à cette ville. Pourquoi vous tient-elle tant à coeur ?
Le fait est que je me sens chez moi à New York.
J’y vis et tout m’y est familier. La ville a beaucoup changé au fil des années, et pas forcément pour le meilleur. Elle reste une très, très grande cité que je connais très bien. Et même s’il m’est arrivé de faire des films à l’étranger, en Espagne (Vicky Cristina Barcelona), en Angleterre (Match Point), en France (Minuit à Paris, Magic in the Moonlight) et en Italie (To Rome with Love) cela n’a jamais changé ma vision de New York.
Pourtant, le New York de votre enfance n’a plus rien à voir avec celui des années ?
C’est évident ! Je n’aime pas ces grands buildings où les appartements sont très chers, inaccessibles pour beaucoup de gens, mais en revanche, j’adore me promener dans les rues de Manhattan, de Soho, et faire du shopping dans de petits magasins. Vous savez, je déteste le commerce en ligne. Tout comme j’adore ces taxis jaunes qui disparaissent un peu à cause des taxis Uber, que je n’aime pas vraiment.
Il y a trop de vélos, aussi.
Ils circulent en sens interdit, sur les trottoirs, etc.
C’est une plaie ! La ville a perdu un peu du charme de son passé. Vous dites justement que New York est très romantique sous la pluie…
Oui ! C’est pourquoi le personnage de Gatsby, qu’interprète Timothée Chalamet, adore la pluie, contrairement à Ashley (Elle Fanning) qui trouve ça triste. Le plus dingue avec ce film, c’est que nous n’avons pas eu une seule journée de pluie pendant le tournage. Toute la pluie a été entièrement fabriquée par les techniciens. Et j’ai pu apprécier le travail de mon directeur de la photographie, l’Italien Vittorio Storaro. J’ai eu d’ailleurs beaucoup de chance tout au long de ma carrière d’avoir de grands spécialistes de la photo, Gordon Willis, Carlo Di Palma et Darius Khondji qui ont éclairé mes films.
Quel genre de réalisateur êtes-vous avec vos interprètes ?
Après avoir écrit le scénario d’un film et choisi mes actrices et acteurs, j’ai pour principe de leur laisser une liberté assez grande pour jouer leurs rôles. Pour Un jour de pluie à New York, j’avais essentiellement des jeunes et j’ai été frappé par leur enthousiasme et leur spontanéité. De toute façon, je sais qu’ils ont envie d’être bons et de donner le meilleur.
Si vous n’étiez pas devenu acteur, scénariste et réalisateur, qu’auriez-vous aimé faire ?
Quand j’étais jeune, je ne voulais surtout pas faire un métier ennuyeux. J’avais envisagé d’être reporter et m’occuper des crimes, des vols. Détective privé, aussi. Je me voyais aussi cow-boy, joueur de casino, manipuler des cartes et gagner de l’argent au poker. J’aurai adoré perdre un jour, gagner beaucoup le lendemain. C’était fascinant. Et bien sûr, musicien de jazz, cette musique dont j’étais déjà amateur et qui rythme tous mes films.
Votre film a été produit par Amazon Studios, qui ne l’a pas sorti aux ÉtatsUnis en pleine vague #MeToo et du fait des accusations d’abus sexuels que vous avez toujours réfutées. Vous avez alors décidé d’attaquer Amazon en justice pour rupture abusive de contrat…
J’avais un contrat pour faire quatre films avec Amazon, dont Un jour de pluie à New York. Or, ils ont rompu le contrat.
Ils ont admis et reconnu que c’était d’abord une question d’argent. J’ai donc décidé de les attaquer en justice. La question est donc de savoir combien ils me doivent après avoir annulé mon contrat [Woody Allen réclame millions de dollars devant un tribunal de New York, Ndlr]. Je pense qu’on peut arriver à trouver un accord qui soit satisfaisant pour les deux parties. Si ce n’est pas le cas, le juge prendra une décision. En attendant, vous travaillez avec d’autres producteurs…
Oui avec Media Pro, une société espagnole avec laquelle je viens tout juste d’achever le tournage à Saint-Sébastien de Rifkin’s Festival avec Louis Garrel, Elena Anaya, Sergi Lopez, Gina Gershon et Christoph Waltz. L’histoire se déroule durant le Festival de Saint-Sébastien… Avant le tournage, j’avais donné plusieurs concerts de jazz en Europe : Amsterdam, Munich, Milan, Barcelone, Madrid, Bruxelles. C’était un énorme plaisir d’être sur scène.
Mais savez-vous pourquoi j’ai passé ces trois derniers mois en Europe ? C’est parce que ma femme [Soon-Yi, qu’il a épousée en , Ndlr] n’aime pas rester l’été à New York. Trop chaud, trop humide, elle veut toujours qu’on parte ailleurs. Elle adore Paris, Rome, et maintenant Saint-Sébastien. Une très belle ville au climat tempéré.
‘‘ Il y a trop de vélos, c’est une plaie !”
En , vous avez tourné
Magic in the Moonlight
sur la Côte d’Azur avec Colin Firth et Emma Stone, notamment. Aimeriez-vous y revenir pour un autre film ?
Ce fut une merveilleuse expérience que de tourner sur la Riviera française.
Et en particulier dans la ville de Mougins. On a passé du bon temps dans des maisons superbes en bord de mer, et j’ai découvert les spécialités de la cuisine niçoise. Le seul problème pour le tournage du film, c’était qu’il y avait trop de lumière et que nous étions souvent obligés d’attendre cinq ou six heures du soir pour tourner. On n’avait parfois que deux heures et demie maximum pour filmer des scènes. J’ai très envie de tourner à nouveau sur la Côte d’Azur. J’attends de trouver une bonne histoire. Tout comme j’aimerais beaucoup refaire un film à Paris, qui m’inspire à chacune de mes visites.
‘‘ J’avais envisagé d’être reporter, cow-boy, joueur de poker…”
Vous avez tourné films. À votre âge, pas question de vous retirer des plateaux ?
À moins que je ne tombe malade ou que je me retrouve handicapé, il n’est pas question de retraite. Tant que j’ai l’énergie suffisante pour tourner, la passion de travailler avec des acteurs, et surtout que je trouve des financements pour mes films, évidemment je continuerai.