L : « La violence dessert la cause »
« Au début, nous passions pour les radicaux. Aujourd’hui, nous sommes devenus les gentils, les bienveillants ! »
Les temps changent pour L214. À l’instar du regard de notre société sur les autres mammifères. « Je n’aime pas les animaux... dans mon assiette », annonce Marie-France Montanera sur son t-shirt. Cette ex-infirmière libérale âgée de 71 ans, qui vit à Saint-Jeannet, est la référente de L214 pour le bassin antibois. Elle résume les missions de l’association : « Montrer la réalité, informer, sensibiliser et accompagner dans le changement. »
L214, comme l’article du code rural qui qualifie l’animal « d’être sensible ». L214, nom de code choisi en 2008 par un couple d’enseignants, Brigitte Gothière et Sébastien Arsac, pour partir en croisade contre la souffrance animale. L214, signature de vidéos-chocs filmées dans des fermes ou des abattoirs – celui de PugetThéniers en a fait l’amère expérience en 2016.
« On nous taxe de collabos »
« L214 éthique et animaux », de son nom complet, c’est la voie choisie par Marie-France Montanera pour s’engager contre l’exploitation animale. À ses côtés, Christabel Claudin, Grassoise de 43 ans. Dont 23 de végétarisme, puis de végétalisme. Elle est la référente de L214 pour le bassin cannois.
« L214, c’est l’association consensuelle avec laquelle tous les protagonistes peuvent communiquer. Alors que d’autres sont réputées pour être obtuses », explique Christabel Claudin. Autres stratégies. Autres méthodes. Mais une même idéologie. « Nous sommes abolitionnistes, clame Marie-France Montanera. Nous ne voulons plus que les animaux soient considérés comme des denrées alimentaires ou des marchandises à notre disposition, mais comme des habitants de la Terre, avec des émotions. Comme nous. Notre envie de manger un steak est-elle vraiment plus importante que l’intérêt de l’animal à vivre ? » Ces militantes voudraient qu’on en finisse avec l’élevage, les abattoirs et les steaks. Mais elles ont appris la patience. « On sait que l’abolition pure et simple n’arrivera pas du jour au lendemain. Tout un secteur économique a besoin de temps pour se reconvertir. »
D’où la stratégie chosie par L214 : « Éduquer, sensibiliser », plutôt qu’« attaquer de front » .Aurisque de déplaire à la frange dure du mouvement animaliste. « Nous sommes souvent taxés de “collabos”. Mais nous sommes pragmatiques » ,se défend Christabel Claudin.
« Deux poids deux mesures dans la justice »
Ces dernières années, L214 a pris l’habitude de s’inviter à la une de l’actualité. Et d’amener la question animale à la table des débats. « Cela fait longtemps qu’on en parle. Des philosophes s’intéressaient déjà au spécisme. Pythagore l’évoquait déjà cinq cents ans avant Jésus-Christ !, rappelle Marie-France Montenera. Mais il y a une montée en puissance, c’est sûr. Ce sont les moyens de communication qui l’ont permis. » Facebook, Twitter, YouTube et Instagram ont éclipsé les écrits antiques. Mais pas les critiques. Vidéos à charge, employés épinglés ? Marie-France Montanera défend la méthode L214 : « Nous n’avons pas le choix. Nous sommes obligés de faire un montage. Mais nous ne ciblons pas les individus. Nous avons bien conscience qu’eux aussi sont des victimes du système. »
Vendredi, 14 militants radicaux de Boucherie Abolition passaient sur le gril judiciaire. Les porte-parole de L214, elles, désapprouvent la violence. « Nous pensons que ça dessert la cause. Après, tous les animalistes sont considérés comme des terroristes ! Reste qu’il y a deux poids deux mesures dans la justice. On oublie les cadavres derrière les vitrines. La violence, elle est quand même là ! »