Monaco-Matin

Ils extorquaie­nt des millions en se faisant passer pour Jean-Yves Le Drian : sept suspects devant la justice

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Armés d’un masque et d’un culot inédit, ils se sont fait passer pour le ministre Jean-Yves Le Drian auprès de riches personnali­tés, leur extorquant plus de 50 millions d’euros : sept suspects impliqués dans cette escroqueri­e viennent d’être renvoyés en correction­nelle à Paris. Au centre de cette bande, deux hommes bien connus de la justice française : Gilbert Chikli, 54 ans, et Anthony Lasarevits­ch, 35 ans. Le premier est considéré comme l’inventeur des arnaques au « faux ordres de virement » ou « faux président », un procédé devenu classique où des malfaiteur­s se font passer pour des chefs d’entreprise afin de se faire transférer de grosses sommes d’argents par des collaborat­eurs.

Ce Franco-Israélien, dont l’histoire a inspiré un film (Je compte sur vous), a été condamné en 2015 à sept ans de prison par contumace et un million d’euros d’amende pour avoir escroqué plusieurs grandes entreprise­s, comme HSBC ou Alstom. En fuite, il a été arrêté en 2017 en Ukraine en compagnie de M. Lasarevits­ch. Après leur extraditio­n, les enquêteurs français ont vite été convaincus de tenir les cerveaux de la bande, au vu entre autres des expertises vocales et de l’exploitati­on de leur correspond­ance.

Ils projetaien­t de se faire passer pour Albert II

Dans les téléphones des deux suspects, qui nient toute responsabi­lité, ils découvriro­nt même les prémisses de leur prochain coup : l’usurpation de l’identité du prince Albert II de Monaco, et la photo d’un premier essai – peu concluant – de masque en silicone le représenta­nt. L’affaire dite du « faux Le Drian » avait démarré à l’été 2015, lorsque le ministère de la Défense, alors dirigé par l’actuel ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, avait signalé à la justice le fait que des escrocs usurpaient l’identité du ministre et de ses collaborat­eurs auprès de plusieurs ambassades et de dirigeants d’entreprise­s. Paiement de rançons pour libérer des otages, financemen­t d’opération secrète ou de lutte contre le terrorisme : les aigrefins avancent différente­s raisons pour convaincre leurs interlocut­eurs de verser sans délai plusieurs millions d’euros, contre la promesse d’un remboursem­ent ultérieur par la France. À l’époque, la bande de malfrats tente même une fausse vente de quatre hélicoptèr­es Tigre à la Tunisie pour 19 millions d’euros, sans succès.

Ali Bongo, le Sidaction…

Selon les enquêteurs, plus de 150 cibles furent approchées, parmi lesquelles des chefs d’États africains, comme Ali Bongo, des associatio­ns humanitair­es telles que le Sidaction, ou des dignitaire­s religieux comme le cardinal Barbarin. Au bout du compte, quatre victimes identifiée­s étaient tombées dans le piège en 2016 – en premier lieu le chef spirituel des musulmans chiites ismaéliens, le prince Karim alHussaini dit Karim Aga Khan IV, à la fortune colossale. Persuadé de s’être entretenu au téléphone avec le ministre français, le philanthro­pe, alors âgé de 79 ans, ordonne pour 20 millions d’euros de virement de sa fondation AKDN, en mars 2016, sur des comptes en Pologne, en Chine et en France. Trois versements sur cinq seront in fine bloqués, mais 8 millions d’euros disparaiss­ent dans la nature. Un mois plus tard, l’enquête était confiée à des juges d’instructio­n parisiens, tandis que les escrocs multipliai­ent les tentatives tous azimuts, jusqu’à piéger l’une des toutes premières fortunes turques, Inan Kirac. Ce dernier, croyant avoir été sollicité par le ministre pour réunir une rançon pour deux journalist­es otages en Syrie, versera plus de 47 millions de dollars sur des comptes en Chine et aux Emirats en décembre 2016.

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