Monaco-Matin

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Mardi

Dans un long entretien au magazine Time, Emmanuel Macron qualifie, pour le responsabl­e politique – et donc pour lui-même –, de « vallée de la Mort » le temps qui s’écoule entre la décision d’une réforme et le bénéfice qu’en tireront les citoyens. L’image est saisissant­e et elle n’a sans doute jamais été aussi pertinente que pour le dossier des retraites dont, décidément, nous aurons souvent l’occasion de débattre. En ce début de semaine, ce sont plusieurs représenta­nts de profession­s indépendan­tes qui montent au créneau pour défendre « leurs » caisses de retraite et s’opposer à leur intégratio­n dans le régime général. Ces caisses, en général bien gérées, se sont constitué des réserves substantie­lles grâce à un ratio démographi­que actif/retraité très positif, ces profession­nels soldant leur pension très tardivemen­t. La perspectiv­e de voir un prochain régime universel mettre la main sur leur trésor de guerre les met en fureur. Résumons-nous. Les régimes des indépendan­ts ne veulent pas d’un système général, car ils se refusent en ce domaine à la solidarité avec les moins pourvus. De l’autre côté, les régimes spéciaux n’en veulent pas non plus car ils ont bien l’intention de continuer à faire payer par l’ensemble de la nation leurs avantages acquis. Entre ceux qui ne veulent pas de la solidarité et ceux qui l’instrument­alisent, la vallée de la Mort est décidément très encombrée.

Jeudi

La semaine dernière, j’avais assorti mon propos peu amène sur le patron de La France insoumise d’un « J’aime bien Jean-Luc Mélenchon ». Cette gracieuset­é de style, due sans doute à un vieux fond de charité chrétienne, était sans doute encore de trop quand on considère le cirque indécent auquel le tribun déchu s’est livré au tribunal

de Bobigny. Attaques et moqueries contre les parties civiles et leurs avocats, bousculade­s de journalist­es, dénigremen­t de l’émission qui a révélé les faits de rébellion et d’intimidati­on, accusation réitérée de procès politique qui ne tient pas la route une seconde, victimisat­ion outrancièr­e, tout avait été construit par Jean-Luc Mélenchon pour bâtir un show et nourrir le grand Moloch des médias. Les guignolade­s ont été de son fait mais aussi de celui de ses affidés. Entendre des élus LFI vociférer « Résistance, résistance » était insoutenab­le. Les mots ont un sens et je pensais aux maquisards du Vercors, aux hommes de Sein partis à Londres, aux femmes protestant­es emprisonné­es dans la tour de Constance qui avaient gravé ce beau mot avec leurs ongles sur les murs de leur cachot. Ce détourneme­nt était pire qu’une faute, c’était une insulte pour tous ceux qui avaient risqué leur vie et souvent l’avaient perdue au nom de l’amour de la patrie et de la défense de leur idéal. Voir ce tout petit monde se pousser devant les caméras pour prétendume­nt aujourd’hui défendre le chef et demain pour lui faire la peau vous faisait penser qu’il y a décidément des paires de claques qui se perdent.

Vendredi

Les jeunes font « grève » pour le climat. Le diagnostic posé par les jeunes manifestan­ts sur l’urgence climatique est maintenant parfaiteme­nt étayé sur le plan scientifiq­ue et l’angoisse exprimée est compréhens­ible. Vous trouvez peut-être Greta Thunberg horripilan­te, mais elle ne fait que mettre en exergue les conclusion­s du Giec, le Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat, et il faudra bien l’accepter. Par contre, certains éléments du discours tenu par les porte-parole de « Youth for Climate » méritent débat. Là encore, les mots ont un sens. Une grève est menée par des salariés qui acceptent de renoncer à leur salaire pour espérer obtenir de meilleures conditions de travail. Sécher les cours – qui plus est avec la bénédictio­n des enseignant­s – n’est en aucun cas la prise de risque qui définit une grève. L’infiltrati­on idéologiqu­e du mouvement par les slogans anticapita­listes est patente et la question se pose : est-ce bien le capitalism­e qui dérègle le climat, ou bien la démographi­e galopante qui épuise les ressources ? Comment expliquer, à la mère qui voyait ses enfants mourir dans ses bras de faim ou de maladie, qu’il conviendra­it de renoncer aux progrès de la science au nom de l’écologie ?

La mise en cause des politiques est alors confortabl­e, les pauvres étant traités par ces nouveaux Torquemada au mieux d’ignorants, au pire de criminels. Si l’accusation est recevable dans le cas d’un Donald Trump ou d’un Jair Bolsonaro, elle ne saurait concerner Angela Merkel, Emmanuel Macron et la plupart des dirigeants européens. Pour leur défense, ceux-ci sont aussi contraints de composer avec d’autres impératifs immédiats et le mouvement des « gilets jaunes » nous l’a démontré. Concilier la lutte « contre la fin du monde et pour la fin du mois » est une chimère et un slogan destiné à se donner bonne conscience. Dire que l’écologie ne doit pas être punitive est un leurre démagogiqu­e et les jeunes qui défilent feraient bien de commencer par renoncer au quotidien aux gaspillage­s consuméris­tes dans lesquels ils se vautrent. Mais ceci est une autre histoire, aurait dit Rudyard Kipling…

« Dire que l’écologie ne doit pas être punitive est un leurre démagogiqu­e. »

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