Il a participé au rapport et décrypte les conséquences sur notre région
Jean-Pierre Gattuso est directeur de recherche CNRS au Laboratoire d’océanographie de Villefranche, Sorbonne Université et Institut du développement durable et des relations internationales. Il détaille...
Le dernier rapport du Giec sur l’océan et la cryosphère vient d’être approuvé par les représentants de 195 pays réunis à Monaco. Quelles sont les conclusions qui vont nous affecter ? Notre région est doublement intéressée par ce rapport. Dans le vocabulaire du Giec, « l’océan » comprend également les mers, la mer Méditerranée est donc concernée. La cryosphère, sur laquelle porte également ce rapport scientifique, est ce qui est glacé, soit pour notre région la neige et les glaciers.
❏ La hausse du niveau de la mer Méditerranée Depuis le XIXe siècle, l’eau de mer s’est réchauffée en moyenne de 0,8 °C, son acidité a augmenté de 30 %, et le niveau marin est monté de 20 cm. Ces tendances sont confirmées de manière incontestable dans notre région grâce aux mesures réalisées dans la rade de Villefranche-sur-Mer ou à Marseille. Les conséquences sont d’ores et déjà visibles.
Deux exemples : la mortalité massive d’animaux (coraux, gorgones, grandes nacres…) lors des canicules marines et l’apparition sur nos côtes de plantes et d’animaux en provenance du sud de la Méditerranée, de l’Atlantique subtropical et de la mer Rouge. Par exemple, le poisson-lapin, qui est un herbivore vorace, est entré en Méditerranée par le canal de Suez, car il y trouve désormais des eaux à une température idéale pour son confort. Que nous réserve le futur ? La Méditerranée va continuer à se réchauffer, à s’acidifier et son niveau à augmenter. Prenons l’exemple de l’élévation du niveau de la mer qui, selon nos émissions futures de gaz à effet de serre, pourrait atteindre plus d’un mètre en 2100. Les conséquences seront très importantes en Camargue, mais aussi sur le littoral bâti.
Des tempêtes de sud dévastent régulièrement la rade de Villefranchesur-Mer où je travaille. Des bateaux se retrouvent sur le quai et des restaurants sont inondés. On peut imaginer ce qui pourrait advenir avec un niveau de la mer plus haut d’environ 1 mètre. Les autres conséquences concernent la biodiversité, la pêche et le tourisme estival. ❏ En montagne tous les glaciers reculent
Les glaciers sont peu nombreux dans notre région mais ils sont, avec l’enneigement, des réservoirs d’eau importants. Or, tous les glaciers reculent. Par exemple, le glacier Blanc, dans les Hautes-Alpes, a reculé de plus de 500 m en 20 ans (30 m par an aujourd’hui), ce qui augmente les risques d’éboulement avec la fonte du sol gelé. Les études montrent que d’ici la fin du siècle, aucune station de sports d’hiver des Alpes du Sud ne pourra fonctionner sans avoir recours à l’enneigement artificiel. De surcroît, ce dernier sera rendu aléatoire et plus coûteux en raison de l’augmentation des températures. Il est estimé que seules 24 stations de ski resteront viables dans l’ensemble des Alpes françaises.
❏ Des solutions existent L’ampleur des changements futurs dépend de nos rejets de gaz à effet de serre : de ceux des décennies passées qui se sont accumulés, raison pour laquelle les changements déjà observés ne vont pas cesser de s’accentuer du jour au lendemain. Mais ils dépendent aussi de nos rejets actuels et futurs, raison pour laquelle la réduction drastique des rejets de gaz à effet de serre mondiaux doit être engagée au plus tôt. Cependant, tout ne se décide pas à Paris ou dans des réunions internationales. Les maires, conseillers départementaux et régionaux ont un rôle capital à jouer dans l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (accompagnement de la transition énergétique, promotion des énergies renouvelables, des transports en commun et de la mobilité propre), et dans la mise en oeuvre de solutions nous permettant de nous adapter aux impacts qui sont déjà inéluctables (protection des rivages, de la biodiversité, transition vers un tourisme hivernal sans neige).
Les risques du changement climatique pour nos côtes et montagnes sont réels et bien connus mais la situation n’est pas apocalyptique et des solutions existent. Il faut agir, et vite, y compris à l’échelle des villes, des départements et des régions.