Lubrizol : l’incendie éteint les inquiétudes demeurent
Au lendemain du spectaculaire incendie de l’usine Lubrizol à Rouen, les inquiétudes demeuraient hier sur les conséquences sanitaires et écologiques de cet accident industriel, et la dangerosité du site.
● Le site reste sous surveillance
Déclenché jeudi vers 2 h 40, « maîtrisé » vers 11 h, le feu était éteint hier, mais quelque 120 pompiers restaient sur place pour surveiller les points chauds, ce qui «va prendre plusieurs jours » ,a précisé le préfet de Normandie, Pierre-André Durand. Cette catastrophe industrielle n’a fait aucune victime, selon les autorités.
● Nausées et vomissements
À Rouen, une fumée blanche émanait encore de l’usine, et une forte odeur d’hydrocarbure persistait. « Ça prend la tête et ça donne envie de vomir. J’ai croisé plusieurs personnes qui portaient des masques dans la rue », a constaté un photographe en reportage pour l’AFP. Un correspondant de l’AFP a par ailleurs aperçu un agent des services municipaux de nettoyage effectuant son travail habituel mais équipé d’une combinaison blanche, d’un masque de papier et de gants. Le bâtiment de France 3 à Rouen a été évacué vers 11 h 15 car des salariés ont été « victimes de nausées et de vomissements », a expliqué le journaliste Laurent Marvyle à l’antenne de France 3 Caen. De nombreux habitants ou personnes qui se trouvaient dans la ville jeudi se plaignaient depuis d’irritation à la gorge, et trois personnes déjà atteintes de pathologies respiratoires avant l’incendie ont été hospitalisées pour des complications hier matin.
● Pas toxique selon les médecins
« Au-delà du côté irritant pour les yeux ou les muqueuses respiratoires, [...] iln’yapasde toxicité aiguë. On n’est pas confronté à un nuage de chlore », a déclaré le médecin généraliste Stéphane Pertuet sur France Bleu Normandie Seine-Maritime/Eure. L'odeur « très entêtante peut effectivement donner des maux de tête voire aller jusqu'à des vomissements, mais elle n'est pas synonyme de situation toxique » ,aconfirmé Benoît Jardel, médecin du Samu : « Le mercaptan, puisqu’il s’en est dégagé, est un gaz qui, dès une très très faible concentration, provoque des réactions de l’organisme, mais il faudrait des concentrations très importantes pour avoir des choses à long terme. »
● Des mesures prises dans communes
Mais outre ce nuage de gaz, l’incendie a entraîné a entraîné des retombées de suie – « une combinaison d’additifs d’huile de moteur et d’hydrocarbures qui s’est agglomérée du fait de la pluie », a reconnu la préfecture – dans un large périmètre.
Dans douze communes environnantes, les écoles, collèges et lycées restaient fermés hier – le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, venu sur place comme les ministres de la Santé et de la Transition écologique Agnès Buzyn et Elisabeth Borne, a assuré que « lundi matin, tous les nettoyages auront eu lieu » dans les établissements concernés. Dans ces villes, il était en outre recommandé aux personnes fragiles de rester à l’abri jusqu’à hier soir, et demandé aux agriculteurs de veiller à ce que leurs animaux « ne consomment pas d’aliments souillés ».
Enfin, des galettes d’hydrocarbures ont fait leur apparition sur la Seine, a indiqué la préfecture. Un bateau équipé d’un chalut antipollution devait les ramasser dans l’après-midi.
● Enquête ouverte sur fond de polémique
Le parquet a annoncé l’ouverture d’une enquête pour destructions involontaires, qualification qui « pourra éventuellement évoluer ». Dans le même temps, des voix critiques s’élevaient. EELV s’est ainsi inquiété de l’impact de la suie jusqu’à « plus de 30 kilomètres » de l’usine. Un « problème diffus mais majeur », a renchéri l'association écologiste Robin des bois, qui redoute « des eaux polluées qui vont aboutir ou bien dans la Seine ou bien dans la station d'épuration ». Elle réclame que « des usines comme Lubrizol soient beaucoup plus surveillées » – une demande partagée par la CGT.