David Cormand (EE-LV) prône une société plus juste et sobre
Le secrétaire national des Verts, qui sera demain dans le Var, veut réorienter les politiques publiques pour aider les agriculteurs à changer de modèle, réduire les inégalités et sauvegarder la planète
Invité à la Fête de l’écologie et des territoires, organisée par Europe Écologie-Les Verts demain à Correns (Var), le secrétaire national du parti vert, élu député européen en mai dernier, appelle au changement de modèle agricole et à davantage de sobriété dans une société plus juste.
Le gouvernement veut créer des zones de nontraitement aux pesticides autour des habitations. Cela vous semble-t-il pertinent ?
On a globalement un modèle agricole qui fait mal à la nature, à l’emploi, et avant tout aux agriculteurs.
En ans, cinq millions d’emplois ont été perdus dans l’agriculture.
Avec des effets multiples. Beaucoup de chômage dans les territoires ruraux, des déséquilibres entre les territoires, une agriculture de plus en plus dépendante au pétrole et aux produits chimiques. Ça fait les affaires des géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution, mais ni des paysans, ni des consommateurs. Au-delà de la protection sanitaire nécessaire des riverains – nous sommes plutôt pour une zone de mètres –, l’enjeu est de construire un nouveau modèle agricole, qui construit de nouvelles filières de production et de consommation, crée des relations entre nous, le contenu de nos assiettes et ceux qui produisent notre alimentation.
Les agriculteurs sont stigmatisés, d’autres poussés au suicide parce qu’ils ne s’en sortent pas. Que faire ?
Les suicides d’agriculteurs sont un drame. Ils sont les victimes d’un modèle agricole qu’on leur a imposé, ce serait injuste de leur reprocher. Il ne faut pas les culpabiliser, mais leur dire : « On a besoin de vous, ce que vous produisez et qu’on mange, c’est important, on vous doit une rémunération juste, un rythme de travail qui ne vous épuise pas ». Chez ceux qui ont réussi à passer au bio, on constate moins de stress, plus de revenus. C’est à la collectivité publique d’aider la profession à changer de modèle.
Comment ?
Député européen, je veux qu’on réoriente les moyens de la Politique agricole commune (PAC).
À l’échelle de l’Europe, c’est milliards d’euros, et une dizaine de milliards pour la France. Ces aides sont octroyées à l’hectare. Nous proposons qu’elles ne soient plus attribuées en fonction du nombre d’hectares, mais du nombre de salariés. Il faut donner un bonus à l’emploi, et pas la prime à ceux qui ont les plus grosses exploitations, qui sont peu à y travailler et d’ailleurs s’y épuisent, utilisent le plus de machines, de pétrole, d’intrants, parfois beaucoup d’eau. Encourageons un modèle vertueux.
Vous prônez une société de justice et de sobriété. Pouvez-vous développer ?
Les injustices sont de plus en plus importantes. Il y a d’un côté les gagnants, qui peuvent consommer de plus en plus, y compris parfois n’importe comment, et de l’autre les perdants de cette société, qui sont dans la pénurie. C’est par exemple le mouvement des
« gilets jaunes », qui, après les dépenses obligatoires, le logement, la nourriture, le chauffage, mettre de l’essence pour aller travailler, emmener les enfants à l’école, n’ont plus rien pour le reste à vivre, les loisirs, etc. L’idée de la sobriété juste, c’est de dire : compte tenu des ressources de la planète, qui ne sont pas infinies, plutôt que cette course à l’abondance, tout le monde doit avoir accès à ce qui est nécessaire pour être heureux, mais de façon juste. On va créer un modèle de société où on aura moins besoin de sa voiture, développer les transports en commun, rapprocher les lieux de travail, les écoles, les services publics des lieux de vie.
Avec quels moyens ?
Ce processus ne se fait pas du jour au lendemain. C’est un autre aménagement du territoire, en réorientant les dépenses. L’argent existe mais les richesses sont concentrées ; il y a un enjeu de redistribution, par la lutte contre l’évasion fiscale, la fiscalité juste.
Envisagez-vous des alliances pour les municipales et, si oui, sur quels critères ?
La stratégie pour les municipales est décidée par nos militants localement. Au niveau de la direction, on dit que le projet écologiste ne peut pas être compatible avec l’extrême droite, la droite traditionnelle des Républicains et la ligne politique du gouvernement actuel de La République en marche. Ce sont des visions libérales de l’économie, incompatibles avec la sauvegarde de la planète. La logique des projets, des listes, qu’on va former au niveau local, se fera en fonction de la volonté de reconstruire de la démocratie locale par la base avec les gens, des solidarités aussi. Et évidemment, c’est l’écologie pour préparer nos territoires au changement climatique et aux grandes mutations. En termes d’alliance, si d’autres partis sont d’accord avec ces propositions, on sera ensemble, sinon on fera avec les citoyens.
Que vous inspire Greta Thunberg ?
C’est une jeune fille extrêmement courageuse. Elle dit des vérités qui dérangent, des choses que les écologistes disent depuis très longtemps. C’est en train de se répandre dans la société. Cette prise de conscience populaire de l’impasse de notre modèle actuel est une très bonne nouvelle, un phénomène politique majeur. C’est un vrai motif d’espoir. Avec elle, avec les marches pour le climat, partout les citoyens réclament ce changement, se retroussent les manches.
Et vous, que faites-vous au quotidien pour être écolo ?
J’essaie de manger le moins de viande possible, de ne pas gaspiller l’eau, de manger les légumes et fruits de saison, d’éviter les produits transformés. Je me sers au minimum de ma voiture, sauf quand je suis obligé.
Et je milite beaucoup.