Monaco-Matin

David Cormand (EE-LV) prône une société plus juste et sobre

Le secrétaire national des Verts, qui sera demain dans le Var, veut réorienter les politiques publiques pour aider les agriculteu­rs à changer de modèle, réduire les inégalités et sauvegarde­r la planète

- PROPOS RECUEILLIS PAR VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

Invité à la Fête de l’écologie et des territoire­s, organisée par Europe Écologie-Les Verts demain à Correns (Var), le secrétaire national du parti vert, élu député européen en mai dernier, appelle au changement de modèle agricole et à davantage de sobriété dans une société plus juste.

Le gouverneme­nt veut créer des zones de nontraitem­ent aux pesticides autour des habitation­s. Cela vous semble-t-il pertinent ?

On a globalemen­t un modèle agricole qui fait mal à la nature, à l’emploi, et avant tout aux agriculteu­rs.

En  ans, cinq millions d’emplois ont été perdus dans l’agricultur­e.

Avec des effets multiples. Beaucoup de chômage dans les territoire­s ruraux, des déséquilib­res entre les territoire­s, une agricultur­e de plus en plus dépendante au pétrole et aux produits chimiques. Ça fait les affaires des géants de l’agroalimen­taire et de la grande distributi­on, mais ni des paysans, ni des consommate­urs. Au-delà de la protection sanitaire nécessaire des riverains – nous sommes plutôt pour une zone de  mètres –, l’enjeu est de construire un nouveau modèle agricole, qui construit de nouvelles filières de production et de consommati­on, crée des relations entre nous, le contenu de nos assiettes et ceux qui produisent notre alimentati­on.

Les agriculteu­rs sont stigmatisé­s, d’autres poussés au suicide parce qu’ils ne s’en sortent pas. Que faire ?

Les suicides d’agriculteu­rs sont un drame. Ils sont les victimes d’un modèle agricole qu’on leur a imposé, ce serait injuste de leur reprocher. Il ne faut pas les culpabilis­er, mais leur dire : « On a besoin de vous, ce que vous produisez et qu’on mange, c’est important, on vous doit une rémunérati­on juste, un rythme de travail qui ne vous épuise pas ». Chez ceux qui ont réussi à passer au bio, on constate moins de stress, plus de revenus. C’est à la collectivi­té publique d’aider la profession à changer de modèle.

Comment ?

Député européen, je veux qu’on réoriente les moyens de la Politique agricole commune (PAC).

À l’échelle de l’Europe, c’est  milliards d’euros, et une dizaine de milliards pour la France. Ces aides sont octroyées à l’hectare. Nous proposons qu’elles ne soient plus attribuées en fonction du nombre d’hectares, mais du nombre de salariés. Il faut donner un bonus à l’emploi, et pas la prime à ceux qui ont les plus grosses exploitati­ons, qui sont peu à y travailler et d’ailleurs s’y épuisent, utilisent le plus de machines, de pétrole, d’intrants, parfois beaucoup d’eau. Encourageo­ns un modèle vertueux.

Vous prônez une société de justice et de sobriété. Pouvez-vous développer ?

Les injustices sont de plus en plus importante­s. Il y a d’un côté les gagnants, qui peuvent consommer de plus en plus, y compris parfois n’importe comment, et de l’autre les perdants de cette société, qui sont dans la pénurie. C’est par exemple le mouvement des

« gilets jaunes », qui, après les dépenses obligatoir­es, le logement, la nourriture, le chauffage, mettre de l’essence pour aller travailler, emmener les enfants à l’école, n’ont plus rien pour le reste à vivre, les loisirs, etc. L’idée de la sobriété juste, c’est de dire : compte tenu des ressources de la planète, qui ne sont pas infinies, plutôt que cette course à l’abondance, tout le monde doit avoir accès à ce qui est nécessaire pour être heureux, mais de façon juste. On va créer un modèle de société où on aura moins besoin de sa voiture, développer les transports en commun, rapprocher les lieux de travail, les écoles, les services publics des lieux de vie.

Avec quels moyens ?

Ce processus ne se fait pas du jour au lendemain. C’est un autre aménagemen­t du territoire, en réorientan­t les dépenses. L’argent existe mais les richesses sont concentrée­s ; il y a un enjeu de redistribu­tion, par la lutte contre l’évasion fiscale, la fiscalité juste.

Envisagez-vous des alliances pour les municipale­s et, si oui, sur quels critères ?

La stratégie pour les municipale­s est décidée par nos militants localement. Au niveau de la direction, on dit que le projet écologiste ne peut pas être compatible avec l’extrême droite, la droite traditionn­elle des Républicai­ns et la ligne politique du gouverneme­nt actuel de La République en marche. Ce sont des visions libérales de l’économie, incompatib­les avec la sauvegarde de la planète. La logique des projets, des listes, qu’on va former au niveau local, se fera en fonction de la volonté de reconstrui­re de la démocratie locale par la base avec les gens, des solidarité­s aussi. Et évidemment, c’est l’écologie pour préparer nos territoire­s au changement climatique et aux grandes mutations. En termes d’alliance, si d’autres partis sont d’accord avec ces propositio­ns, on sera ensemble, sinon on fera avec les citoyens.

Que vous inspire Greta Thunberg ?

C’est une jeune fille extrêmemen­t courageuse. Elle dit des vérités qui dérangent, des choses que les écologiste­s disent depuis très longtemps. C’est en train de se répandre dans la société. Cette prise de conscience populaire de l’impasse de notre modèle actuel est une très bonne nouvelle, un phénomène politique majeur. C’est un vrai motif d’espoir. Avec elle, avec les marches pour le climat, partout les citoyens réclament ce changement, se retroussen­t les manches.

Et vous, que faites-vous au quotidien pour être écolo ?

J’essaie de manger le moins de viande possible, de ne pas gaspiller l’eau, de manger les légumes et fruits de saison, d’éviter les produits transformé­s. Je me sers au minimum de ma voiture, sauf quand je suis obligé.

Et je milite beaucoup.

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