Monaco-Matin

Vivre avec une peau fragile comme les ailes d’un papillon Dossier

L’épidermoly­se bulleuse est une maladie génétique rare. Les patients ont la peau si fragile qu’au moindre choc elle s’abîme, des cloques apparaisse­nt rendant le quotidien complexe

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Imaginez : au moindre choc, votre peau s’abîme, se décolle, fait des cloques. C’est le quotidien des personnes souffrant d’épidermoly­se bulleuse, une maladie génétique rare.

Nicolas et Anne Poidevin ont deux fils, Titouan, 11 ans, et Guilhem, 9 ans, tous deux atteints d’épidermoly­se bulleuse dystrophiq­ue récessive. S’il s’agit d’une des formes sévères de la maladie, leur atteinte est relativeme­nt légère. Leur vie reste toutefois plus compliquée que celle des garçons de leur âge. Avant la naissance de leurs enfants, ni l’un ni l’autre n’avaient entendu parler de cette pathologie. « Lorsque Titouan est né, il n’avait pas de peau sur un pied, ce qu’on appelle une aplasie cutanée. À l’époque, nous vivions en Angleterre. Les médecins nous ont tout de suite dit qu’il y avait un problème et, après une série d’examens, ils ont posé le diagnostic d’épidermoly­se bulleuse, se souvient le papa. Il faut savoir qu’en Grande-Bretagne, les associatio­ns de patients sont importante­s. On nous a tout de suite orientés vers l’associatio­n Debra – qui existe dans plusieurs pays dont la France. On a pu dialoguer avec eux et recevoir des conseils. »

Rapidement, il a fallu s’organiser. « Des infirmière­s de l’associatio­n Debra sont venues former celles qui étaient à proximité de notre domicile et qui interviend­raient chez nous dans les premiers mois. » Parce que la peau est fragile comme une aile de papillon – on surnomme ainsi les bambins malades « les enfants papillons » – et s’abîme au moindre contact. Alors, le jeune couple prend des habitudes. Mets les vêtements du bébé à l’envers pour que les coutures ne le blessent pas. Prend d’infimes précaution­s lors du change, s’habitue à ne pas le porter sous les aisselles, la peau risquant de craquer... Et il a fallu apprendre à prodiguer les soins quotidiens, à faire les pansements avec du matériel spécifique (similaire à celui utilisé pour les brûlures). Impossible de mettre des pansements classiques qui collent parce qu’en les enlevant, la peau s’arracherai­t. Lorsque Titouan a commencé à faire du quatre pattes, il avait des petites genouillèr­es pour le protéger. Deux ans après son aîné, Guilhem est venu agrandir la famille, qui avait entre-temps déménagé à Grimaud dans le Var, se rapprochan­t ainsi du centre de référence du CHU de Nice. Il y avait une chance sur quatre pour qu’il soit lui aussi atteint, les parents le savaient. Il l’est, un peu plus sévèrement que son frère, mais les parents s’efforcent de tout faire pour que la fratrie ait une vie normale.

A l’école, tout s’est toujours bien passé. Les enseignant­s sont au courant et disposent du matériel nécessaire si l’un des garçons se blesse. « En première année de maternelle, pour l’un comme pour l’autre, la maîtresse a expliqué à la classe que les garçons étaient un peu plus fragiles, qu’il ne fallait pas les pousser ou les faire tomber. Eh bien, même à 3 ou 4 ans, les enfants sont réceptifs, ils faisaient attention. De ce fait, Titouan et Guilhem n’ont jamais eu de difficulté­s pour s’intégrer, ils ont des copains et s’amusent. Nous avons pris le parti de ne pas les enfermer dans une bulle mais de les laisser vivre un maximum de choses. »

À demi-mot, Nicolas avoue qu’il est forcément plus soucieux, qu’il prend davantage de précaution­s par exemple lorsqu’ils prévoient des sorties en famille. «On emporte toujours une trousse à pharmacie et un mixeur. » Pourquoi un mixeur ? Parce que le cadet souffre, lui (et pas son frère), de problèmes au niveau des muqueuses. Il a parfois des bulles qui se forment dans l’oesophage, l’empêchant de manger normalemen­t. « Il lui arrive de se blesser en avalant. Le problème, c’est que lorsque ça cicatrise, l’oesophage se rétrécit. Il a déjà été opéré plusieurs fois pour l’agrandir mais il faut tout de même être vigilant. Il n’a, par exemple, jamais mangé de chips ou de pain, qui risqueraie­nt de le blesser. Lorsqu’il a mal, les repas sont compliqués : il ne peut avaler que des purées ou du liquide. Alors, c’est vrai, il y a un peu de stress vis-à-vis de la nourriture. » Côté traitement, rien n’existe pour guérir de l’épidermoly­se bulleuse (lire encadré), il n’y a que des traitement­s symptomati­ques. Un quotidien rythmé par les soins et pansements. Des gestes à répéter inlassable­ment, ceux que font Nicolas et Anne pour leurs enfants. Rens. Associatio­n Debra www.debra.fr

 ??  ?? La famille Poidevin (Nicolas, Titouan, Anne et Guilhem) avec, à droite, le sportif Jean-Baptiste Bernaz. Nicolas participe régulièrem­ent à des régates sous les couleurs de l’associatio­n Debra et grâce au soutien du laboratoir­e Molnlycke (qui fabrique les pansements qu’utilisent les enfants) Une manière de faire connaître l’épidermoly­se bulleuse. (DR)
La famille Poidevin (Nicolas, Titouan, Anne et Guilhem) avec, à droite, le sportif Jean-Baptiste Bernaz. Nicolas participe régulièrem­ent à des régates sous les couleurs de l’associatio­n Debra et grâce au soutien du laboratoir­e Molnlycke (qui fabrique les pansements qu’utilisent les enfants) Une manière de faire connaître l’épidermoly­se bulleuse. (DR)

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