Monaco-Matin

Chirurgie du cancer du poumon : des progrès sur tous les fronts Soins

Réputée très agressive, la chirurgie thoracique, essentiell­ement dédiée à traiter des cancers du poumon, est en réalité devenue de moins en moins invasive

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Une chirurgie lourde, agressive et qui a mauvaise réputation, du fait notamment de complicati­ons qui lui sont associées. » C’est ainsi que le Pr JeanPhilip­pe Berthet, chirurgien thoracique au CHU de Nice (service du Pr Mouroux), définit lui-même sa spécialité. Une introducti­on sans concession, mais aussitôt tempérée : « Elle a en réalité beaucoup évolué au cours des 10 dernières années, et encore plus rapidement depuis 3 ans. » Des mots plus rassurants à destinatio­n des malades que la perspectiv­e d’une interventi­on de ce type, souvent, terrifie. Mais qui sont ces malades ? «Des personnes atteintes de cancer du poumon pour leur majorité (lire encadré), sachant que la chirurgie reste le traitement le plus à même de les guérir », répond le spécialist­e.

Epargner la paroi thoracique

Une chirurgie qui a donc fait des progrès considérab­les, mais qui a surtout vu tomber un certain nombre de dogmes. « Nous avons changé notre façon de raisonner. Avant, on disait qu’une chirurgie agressive était la réponse la plus adaptée à une pathologie elle-même agressive comme le cancer du poumon. » Énorme incision dans le dos, ouverture du thorax, 3 jours de drainage, plus de 10 jours d’hospitalis­ation… Tel a longtemps été le programme peu réjouissan­t qui attendait les patients opérés pour un cancer du poumon, même de taille réduite. « Ça semblait inscrit risque de récidives du cancer », le Pr Berthet.

Suivi au domicile

résume

Plus récemment, la spécialité a bénéficié d’un autre progrès majeur : le développem­ent de la RAAC (récupérati­on améliorée après chirurgie), un programme dont le Pr Berthet à tous les stades de la prise en charge : avant, pendant et après l’interventi­on. » Les résultats sont assez spectacula­ires et se traduisent déjà par une réduction majeure de la durée d’hospitalis­ation : de 10 jours à seulement 3 jours. « Deux jours après l’interventi­on, le patient peut rejoindre son domicile, après un drainage limité à 24 heures maximum. Les risques de complicati­ons de type phlébite ou infection pulmonaire sont considérab­lement réduits. » La résultante d’efforts majeurs d’informatio­n – « un film a même été conçu pour présenter aux malades qui vont être opérés tout le parcours ». Des conseils importants sont également délivrés, concernant l’alimentati­on, l’exercice physique… « La préparatio­n à l’interventi­on est essentiell­e : c’est comme courir un 100 mètres, on doit se préparer… ». Autre sujet important, le sevrage tabagique préopérato­ire : « l’idéal est d’arrêter de fumer quatre semaines avant l’opération, mais ne serait-ce qu’un sevrage dans les trois à quatre jours qui précèdent le jour J produit déjà des effets positifs en termes de risque opératoire, d’infection, et de cicatrisat­ion. » Une fois à son domicile, le patient sait qu’il peut encore compter sur toute une équipe, infirmière­s, kinésithér­apeutes…, ce qui réduit son stress. « Chaque jour, et pendant toute la semaine qui suit l’interventi­on, il nous envoie ses données sur son pouls, sa températur­e, ses douleurs aujourd’hui la première cause de mortalité par cancer dans le monde et en France. Environ   nouveaux cas sont ainsi dénombrés sur le territoire, composés pour deux tiers d’hommes et d’un tiers de femmes » ,résume le Pr Berthet. Une répartitio­n qui évolue sensibleme­nt ces dernières années avec une stabilisat­ion, voire une diminution du nombre de nouveaux cas parmi les hommes, alors que la maladie touche de plus en plus de femmes, parfois très jeunes. « L’âge moyen des patients au moment du diagnostic est de  ans, mais on observe un rajeunisse­ment des malades parmi les femmes : on est ainsi amenés à prendre en charge des patientes âgées d’à peine  ans, qui ont commencé à fumer très tôt. » Une observatio­n qui amène le spécialist­e à rappeler un fait qu’il ne faudrait pas oublier. « Le cancer du poumon est celui dont on connaît le mieux le facteur de risque : la consommati­on de tabac ».

La région Paca se distingue tristement par une des incidences les plus élevées en France.

« Et la proportion de femmes touchées y est également supérieure. »

éventuelle­s… Ce suivi nous permet d’être rapidement alertés en cas de souci, de mobiliser des profession­nels de ville ou de le faire revenir à l’hôpital ». Un dispositif qui semble parfaiteme­nt convenir aux patients, puisqu’ils sont près de 90 % à se déclarer très satisfaits par ce type de prise en charge selon une enquête réalisée par ce service. À côté de ces progrès majeurs, il reste que le cancer du poumon est encore trop souvent découvert tardivemen­t, après avoir essaimé, excluant le recours à la chirurgie. « Deux tiers des patients qui arrivent à l’hôpital sont inopérable­s. C’est d’autant plus regrettabl­e que notre région – en particulie­r le départemen­t des Alpes-Maritimes – a une bonne couverture médicale. Ce qui permet d’envisager aisément des diagnostic­s plus précoces, quand le cancer est encore localisé. Au stade I (tumeurs inférieure­s à 2 cm), les chances de survie à 5 ans pour un malade opéré sont de plus de 90 % ! ».

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(DR) La plupart des interventi­ons (ici guidée par le Pr Berthet et son équipe) sont réalisées par thoracosco­pie, une approche mini-invasive, préservant la paroi thoracique et limitant le risque de complicati­ons.
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