Monaco-Matin

LA JUSTICE DE MONACO EXPRIME SON MAL-ÊTRE

La rentrée solennelle des cours et tribunaux, hier au Palais de Justice, a été marquée par l’expression d’une « douleur » des magistrats face aux « stigmatisa­tions médiatique­s ». Déterminés à moderniser le droit monégasque, les juges, en sous-effectif, on

- Dossier : Thomas MICHEL et Thibaut PARAT monaco@nicematin.fr

Dans le jargon judiciaire, on la nomme « mercuriale ». La rentrée des cours et tribunaux a réuni, hier matin au Palais de justice, le tout-Monaco institutio­nnel, en présence du prince Albert II. Une audience solennelle particuliè­rement attendue après une année judiciaire ponctuée par le non-renouvelle­ment du très médiatique juge d’instructio­n de l’affaire Bouvier-Rybolovlev (dans le volet trafic d’influence), Édouard Levrault, et le départ du Directeur des Services judiciaire­s, Laurent Anselmi, deux ans après sa nomination (lire ci-contre).

« Les juges passent, qu’il s’agisse de mise en disponibil­ité, de départs à la retraite, de fins de détachemen­ts ou de leur non-renouvelle­ment, mais les dossiers demeurent », a tranché le premier président de la Cour d’appel, Brigitte Grinda-Gambarini, comme pour rappeler que l’institutio­n l’emporte sur l’individu. Avant d’inviter à l’humilité. « Chacun de nous n’est qu’un infime rouage de la chaîne judiciaire, ce que l’un d’entre nous n’est pas en mesure d’effectuer, un autre magistrat le fera. »

« Ne pas être les témoins passifs »

Hier, le ton des discours n’était donc pas à la plaisanter­ie et encore moins à l’improvisat­ion. Souvent en filigrane, dans le poids et le choix des mots, les saillies se voulaient parfois directes. Notamment au moment d’évoquer l’indépendan­ce et les spécificit­és du droit monégasque, et la déontologi­e de ses représenta­nts. Brigitte Grinda-Gambarini s’érigeant porte-parole d’un corps meurtri par les attaques médiatique­s et la suspicion. « L’année judiciaire a, une fois de plus, été dense et sensible car certaines stigmatisa­tions médiatique­s ont été et sont douloureus­es pour ceux qui se contentent de faire leur métier de magistrat, en conscience. » « L’Histoire nous a suffisamme­nt appris que toute civilisati­on méprisant ses juges et sa justice va inéluctabl­ement à sa perte et nous devons – chacun dans notre rôle – tout mettre en oeuvre, quotidienn­ement et humblement, pour ne pas être les témoins passifs de la dégradatio­n de l’image du juge… », a-t-elle appuyé.

Des propos régulièrem­ent acquiescés de hochements de tête par le souverain, qui a jeté quelques regards par-dessus son épaule en direction de Laurent Anselmi au moment des hommages adressés à ce dernier (lire ci-contre).

Hier, la justice monégasque a donc mis des mots sur son mal-être, tout en se tournant avec optimisme vers l’avenir et la modernité, évoquant une « Smart Justice » dans le sillage de la « Smart City ». Une dématérial­isation des procédures, entre autres, où l’humain garderait la main. « Le but n’est pas de créer aujourd’hui une navette justice autonome, ayant pour seul pilote l’intelligen­ce artificiel­le. »

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(Photos Sébastien Botella) Le corps judiciaire a exprimé son mal-être devant le souverain.

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