Vendanges : un bon
À Nice, les raisins sont arrivés à maturité avec deux semaines d’avance, sans mildiou et riches en arômes, pour une récolte quasi-terminée
Septembre ouvre le temps des vendanges. À Bellet, ce temps-là est quasi écoulé. Sur les 60 hectares de cette appellation d’origine contrôlée enracinée entre 150 et 300 mètres d’altitude, à l’ouest de Nice, on en est à la dernière ligne droite. Il reste moins d’une semaine de travail pour tout mettre en cave. « En raison d’un été précoce et caniculaire, on a attaqué les vendanges fin août. Soit plus de quinze jours d’avance par rapport à l’an dernier, relève Jo Sergi, le président des vignerons de Bellet. Avec cette sécheresse, on va perdre un peu en quantité, de l’ordre de 25 % de moins, mais on va gagner en qualité. »
Épargnée par le mildiou, maladie de la vigne, la production moins importante, cette année, sera, selon ce viticulteur, « plus intense en arômes. 2019 s’annonce comme un bon millésime », ajoute-t-il en désignant les grains de raisin ronds et charnus. « Goûtez : c’est un délice ! À Bellet, le vin se fabrique au pied des vignes. »
Tisane de camomille et engrais bio
Sur les 600 hectares de l’appellation, 10 % sont plantés. Ils s’étalent sur trois quartiers, Crémat, SaintRoman-de-Bellet et Saquier. Neuf producteurs se partagent ces 60 hectares de vignes entièrement bio. Au sol, aucun désherbant, que de l’engrais organique. Sur le feuillage, des pulvérisations de tisanes d’orties, infusions de prêles ou de camomille, en fonction du calendrier lunaire… Une plaisanterie ? « Au contraire, c’est très sérieux, rétorque Jo Sergi qui applique ce régime très spécial dans son domaine du Clos Saint-Vincent. Cela stimule la croissance de la plante. » Sur cette terre fine et caillouteuse on trouve même des galets. Et défense d’y toucher ! « Ces galets roulés emmagasinent la chaleur du soleil et la diffusent au pied des ceps » poursuit le vigneron qui lance en désignant la terre de Bellet, la mer et les montagnes à l’horizon : « C’est cela notre terroir et il se retrouve en bouche. Cela explique qu’à cépage identique, un rolle [vin blanc] de Bellet aura une note différente d’un rolle de Provence. »
Côté vendange, justement, les rolles sont « rentrés » depuis une semaine, comme le brachet (rosé). Il manque encore à vendanger la folle noire, cépage de vin rouge.
Raisin « trié sur pied »
Sur les 60 hectares tout en restanques de l’AOP, la cueillette se fait exclusivement à la main. « Les machines sont interdites sur l’appellation par le cahier des charges. Ça permet de trier le raisin sur pied, valorise Jo Sergi en joignant le geste à la parole. Regardez ces grains abîmés, mangés par les guêpes, secs, ratatinés… Tout ça c’est à enlever et à jeter par terre pour constituer l’humus. »
Un travail minutieux, répétitif et physique, accompli souvent le dos voûté, de 7 heures à 13 ou 14 heures, sous un soleil encore généreux. Au Clos Saint-Vincent, dix-huit saisonniers, toujours les mêmes, reviennent chaque année pour les vendanges. Il y a des étudiants en quête de jobs, des retraités. Il y a aussi Frédéric, sommelier à l’hôtel Métropole à Monaco qui vient pour « voir le produit à la base, assister à la transformation ». Chacun a ses motivations pour venir transpirer au milieu des vignes. De longues matinées entrecoupées par le casse-croûte de 10 heures et ponctuées par le déjeuner que concocte sur place Valérie, l’épouse de Jo. Des traditions léguées par son beau-père, Roger Siccardi, décédé l’an dernier, que le vigneron met un point d’honneur à perpétuer : « C’est ça l’ambiance des vendanges à Bellet. Un esprit d’équipe partagé par de bons vivants. »
Une fois cueilli, le raisin part pour dix-huit mois en cuve de macération puis en élevage en tonneaux. Il faudra faire preuve de patience et attendre le 1er mars 2021 pour goûter à la cuvée 2019…