« Un cheveu dans le satellite et ça bousille tout »
Quand ils n’ont pas les yeux rivés devant l’ordinateur – pour la visualisation 3D, de la conception ou le design du nanosatellite – c’est dans le laboratoire que l’on retrouve les trois ingénieurs qui planchent sur OSM1 Cicero. Tous les trois, par le passé, ont participé à l’élaboration de satellites bien plus imposants et coûteux. « Dans nos anciennes sociétés, on ne travaillait que sur une portion du satellite et on n’avait pas accès au reste de l’appareil. Là, on a la main sur tout, c’est très appréciable », souffle l’un d’entre eux. Scotchés au mur, les drapeaux de leur pays natal. La France pour Yann Gouy, spécialisé en software, comprendre le logiciel embarqué. L’Italie pour Gabriele Trani, le Monsieur mécanique de l’équipe. Et l’Afrique du Sud pour Alexander Erlank qui touche à l’électronique. Les yeux dans le microscope, l’ingénieur s’assure que la carte électronique érigée par un sous-traitant ne présente aucun défaut. « Qu’il n’y ait pas un court-circuit par exemple. Si besoin, on a les outils pour faire des soudures et réparer », expliquet-il. A son poignet, il porte un bracelet antistatique. « On évite ainsi l’électricité statique qui peut provoquer des décharges de courant et abîmer la carte électronique », poursuit-il.
Panoplie de protection pour la « salle blanche » Dans la pièce, d’infimes précautions sont prises par l’équipe. Manipulées au préalable avec des gants à usage unique, toutes les pièces – de la simple vis aux composants électroniques – qui composeront le nanosatellite passent par la case du bain à ultrasons. « On lave avec de l’eau savonneuse et on utilise aussi de l’alcool isopropylique pour éliminer la graisse. L’ultrason sert à bien détacher les particules sales qui s’immiscent dans les petits interstices. En bref, ça décape », résume Yann. Pourquoi une hygiène poussée à son paroxysme ? Car la salle blanche, où est stocké le nanosatellite, doit être vierge de saletés, poussières et autres éléments indésirables. Les conséquences pourraient être catastrophiques. «Sivousavezun morceau de matière organique, comme un cheveu, qui est pris au milieu d’un circuit, cela peut tout bousiller. Car il peut se vaporiser ou se désagréger et ainsi abîmer un composant ou créer un court-circuit. Le satellite ne fonctionnerait plus », explique Francesco Bongiovanni. Et autant dire qu’à plus d’un million d’euros pièce, c’est un scénario inenvisageable pour le fondateur et p.-d.g. d’Orbital Solutions Monaco. Même la colle utilisée ne doit pas contenir de bulles d’air – éliminées grâce à une chambre à vide – au risque d’éclater dans l’espace et de projeter des débris de colle dans le satellite.
Bref, zéro pollution permise à l’intérieur de cette fameuse « chambre propre ». Si bien qu’on y accède en pénétrant, d’abord, par un sas. Là, il faut alors revêtir toute la panoplie
de protection. Charlotte, masque, gants, blouse et chaussons… Autre gage de sécurité, la pression positive à l’intérieur de la salle. « S’il y a des poussières à l’intérieur, ça les éjecte à l’extérieur », continue Francesco Bongiovanni.
Pas d’assurance en cas de météorites
Un secteur pour le moins risqué, donc. « On a des assurances pour la construction, le lancement et la mise en orbite. Mais une fois qu’il est en orbite, non. Si une micrométéorite lui rentre dedans, aucune assurance ne prendra en charge. Après, les nanosatellites fonctionnent par flotte. Alors qu’un gros bébé de 300 millions de dollars, s’il y a un important dommage, tout est terminé. »