Monaco-Matin

Entreprise­s à la maison : payant ou gratuit ?

Le Conseil national et le gouverneme­nt sont en désaccord sur la domiciliat­ion des entreprise­s dans les logements domaniaux. Le premier la veut gratuite, le second, payante

- JOËLLE DEVIRAS

C’était au coeur de la nuit, mardi soir, lors de la première séance publique du budget rectificat­if de l’État. Il était minuit passé lorsque Pierre Bardy a relancé le gouverneme­nt sur la domiciliat­ion des entreprise­s dans les logements domaniaux. L’élu a insisté sur la nécessité de transforme­r en projet de loi la propositio­n n° 238 votée au printemps 2018 à l’unanimité du Conseil national. Personne ne pensait alors que les échanges allaient durer plus d’une demiheure !

« J’ai une réunion vendredi [aujourd’hui, NDLR] pour mettre un point final au projet de loi qui sera soumis à l’examen et au vote du Conseil national. Ça prend un peu de temps. » Jean Castellini veut trouver une articulati­on « relativeme­nt fine », en matière de domiciliat­ion des entreprise­s, entre l’offre incitative mais payante de Monaco Boost et celle que le Conseil national veut gratuite pour travailler dans un logement domanial. Le conseiller de gouverneme­nt-ministre des Finances et de l’Économie explique également qu’il y a « la préoccupat­ion de centres d’affaires de la Principaut­é. Nous devons faire en sorte de ne pas mettre en péril leur modèle économique ».

« Laissez les Monégasque­s tranquille­s ! »

Jean Castellini explique que le gouverneme­nt reçoit des « redevances » qui n’ont pas entraîné de baisse d’activité chez les Monégasque­s, considéran­t la « modicité » des sommes réclamées.

Des propos que n’apprécie pas Balthazar Seydoux, qui parle d’un « surloyer de 600 euros par an et 2 400 euros à partir de la quatrième année ». Le président de la Commission des finances et de l’économie ne considère pas comparable l’offre prochaine de Monaco Boost et la possibilit­é d’héberger sa société dans son appartemen­t domanial. « Dans la plupart des pays qui nous entourent, on ne demande pas de surloyer pour mettre son activité chez soi. »

Jean Castellini lance alors un appel : « N’hésitez pas à contacter l’Administra­tion des Domaines ou directemen­t le départemen­t des Finances si vous rencontrez des difficulté­s liées à l’applicatio­n de ce surloyer. Je suis à dispositio­n pour écouter, comprendre et soutenir les entreprene­urs de la Principaut­é qui rencontrer­aient des difficulté­s financière­s. Nous réfléchiss­ons par ailleurs à une forme de progressiv­ité qui pourrait être de nature différente : démarrer sans frais et voir ensuite en fonction de la réussite et du chiffre d’affaires. Ce sont des pistes. Nous n’avons pas encore arrêté notre position définitive. » Stéphane Valeri voit les choses sous un autre angle : « Je rappelle quand même que notre propositio­n stipule qu’il ne faut pas de salarié(s), de clients et de stock. Ça limite considérab­lement les activités. Qu’est-ce que fait Monsieur Castellini ? Il applique une taxe dans les Domaines ! C’est inacceptab­le. Mais laissez les Monégasque­s tranquille­s ! Ils veulent juste travailler dans un local qu’ils louent déjà. Déposez tout ce que vous voulez ; de toute manière, votre projet de loi, on l’amendera comme on veut. Et si vous ne voulez pas, vous le retirerez et on vous dira ce que l’on en pense. On ne se comprend pas. »

« Question de principe »

Le conseiller en fait « une question de principe ». « Quand il y a une activité génératric­e de revenus, le gouverneme­nt se permet de prélever un montant symbolique qui génère au total 140 000 euros par an. Je conçois que nous ne soyons pas d’accord. »

Christophe Robino, président de la Commission des Affaire sociales et des questions diverses : « Je ne

réfléchiss­e ensemble, c’est le modèle de société. Est-ce que l’on veut la gratuité de tout, tout le temps ? On peut évidemment rentrer dans le détail et regarder s’il faut rendre gratuit ceci et cela. J’ai parfois du mal à entendre que dans ce pays on souffre. Nous avons la chance extraordin­aire d’avoir des finances publiques excédentai­res et beaucoup d’argent. Est-ce que l’on gaspille cette chance à rendre tout gratuit tout le temps ? On peut, peut-être, faire autre chose avec l’argent du travail de tous pour un futur qui ne serait peut-être pas simplement le futur de la gratuité de tout. C’est dans cette problémati­que-là que le débat se pose. » vois pas très bien, au nom de la libre entreprise, pourquoi il faudrait taxer les gens en plus en sachant que dans le secteur privé, si vous le faites, même sur une période limitée, il n’y a aucune taxe supplément­aire. Il doit y avoir une équité. C’est un principe qui me paraît fondamenta­l. » Guillaume Rose : « Derrière tout principe il y a une morale. Sociologiq­uement, ce sont très souvent des femmes qui sont dans ces situations et qui ne veulent pas juste être mères au foyer. Sur le principe, c’est juste détestable ! » Jean Castellini est mis à bout : « Donc, je suis un anti-féministe primaire ? Je trouve détestable que vous utilisiez le terme détestable. Parce que ce n’est pas du tout le sens de mes propos. Ne jetez pas la pierre à cette mesure telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui comme si elle était réellement aggravante. » Et pour se montrer ouvert au dialogue, le conseiller-ministre des Finances insiste : « Présentez-moi des

dossiers concrets. Les personnes seront reçues et, dans la mesure du possible, écoutées. Et peut-être à la lumière de ce qui nous est effectivem­ent présenté, nous nous rendrons compte que, malgré nos principes, il faut prendre une mesure à caractère social. Est-ce que l’on veut tout gratuit tout le temps ? Ce n’est pas mon modèle de société. »

Serge Telle tempère : « Regardons les situations. Et s’il faut faire évoluer cette position, faisons-le. Il n’y a pas de dogme. »

Stéphane Valeri pose enfin la question : « J’aimerais bien savoir sur quelle base juridique vous vous appuyez. Je crois qu’il n’y en a pas. Si c’est une question de principe, il faudra d’abord respecter le droit. Je ne pense pas qu’il y ait de base légale qui justifie cette taxe. » Rendez-vous en décembre, pour les discussion­s sur le projet de loi. Elles pourraient bien être animées.

 ?? (Photo Sébastien Botella) ?? Le Conseil national a ouvert les séances publiques mardi soir. Les discussion­s se sont prolongées hier soir sur tous les sujets de politique publique.
(Photo Sébastien Botella) Le Conseil national a ouvert les séances publiques mardi soir. Les discussion­s se sont prolongées hier soir sur tous les sujets de politique publique.

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