Et si on régulait la vitesse sur autoroute ?
Pour réduire les embouteillages, une solution consiste à « ralentir » la vitesse des véhicules qui circulent en amont du bouchon. « La régulation améliore le débit et retarde l’apparition de la congestion », explique Alain Reme, chef de service au Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). Comment ça marche ? « C’est comme si vous versiez des grains de riz dans un entonnoir : ça coule, mais si vous en mettez trop d’un coup, que le débit est trop fort, ça bloque, illustre l’expert. Réguler le trafic c’est avoir un débit optimal pour ne pas avoir de bouchon, ou en diminuer l’ampleur. »
Comment mettre en oeuvre cette solution ?
« Il faut des équipements de recueil de données : des capteurs permettant d’avoir la vitesse et le nombre de véhicules sur l’autoroute, en temps réel. »
Puis, des algorithmes calculent la solution, c’est-àdire quelle est la vitesse optimale en amont de l’embouteillage pour améliorer le temps de parcours. Des limitations : 110 km/h, 90 km ou 70 km, adaptées aux conditions du trafic sont ainsi proposées automatiquement pour les zones concernées. Elle est abaissée graduellement par paliers de 20 km/h. Une fois cette « bonne vitesse » définie, par secteur, il faut informer les conducteurs. « La régulation dynamique de la circulation nécessite l’équipement de l’autoroute en panneaux à message variable », poursuit Alain Reme. L’information peut aussi être donnée aux usagers sur la radio 107.7. « En cas de crise, tempère le spécialiste, la régulation classique ne suffit pas, il faut limiter les accès sur l’A8, prévoir un délestage sur des réseaux parallèles. Or dans le cas de l’A8, cette voirie secondaire n’a pas la capacité d’absorber cette circulation en heure de pointe. »
Pourquoi la mesure n’est-elle pas en service ici ?
Dans les Alpes-Maritimes, ce dispositif de régulation du trafic a été demandé en 2018 à Escota (Vinci Autoroutes), par l’ancien Préfet, Georges-François Leclerc car, estimait-il, elle « constitue la meilleure solution ». « Sur la portion de 19 km comprise entre Antibes et Nice, la régulation appliquerait une vitesse de 70 km/h aux quelques heures les plus denses de la journée. En dehors des périodes de forte fréquentation, la vitesse serait conservée à 110 km/h, excepté sur les tronçons les plus dangereux, déjà limités à 90 km/h. Cette solution, souple, pragmatique, avait évidemment ma préférence », avait expliqué le représentant de l’Etat dans une tribune publiée dans Nice-Matin.
Mais Escota a refusé de financer le dispositif, car il souhaitait en contrepartie une hausse du péage. Une demande à laquelle le préfet a opposé une fin de nonrecevoir.
Faute de régulation dynamique, une limitation de vitesse à 90 km/h entre Saint-Laurent-du-Var et Cagnessur-Mer a été décidée par le préfet. Elle est entrée en vigueur en octobre 2018.
« La porte reste ouverte à Escota pour la mise en place de la régulation dynamique, avait alors expliqué le préfet, mais sans augmentation du tarif pour les usagers ni intervention de l’État. »
Et ailleurs ?
Le dispositif est déployé depuis plus d’une quinzaine d’années en France, et à l’étranger. En 2004, sur l’axe autoroutier de la vallée du Rhône (A7), la régulation dynamique de vitesse a été mise en oeuvre sur le tronçon Orange-Valence dans le sens Sud-Nord et Vienne-Orange dans le sens Nord-Sud. Sur l’A13, à l’approche de Paris, la mesure est en service depuis 2008, sur une section très chargée qui supporte un trafic périurbain (avec des pointes par jour supérieures à 110 000 véhicules). La régulation dynamique du trafic est activée aux heures de pointe du matin. « Le système analyse en permanence les données du trafic, détecte les pré-saturations et propose alors la vitesse adaptée », détaille une étude du Cerema. Quel est l’impact de cette gestion ? « Toutes les évaluations montrent que ça fonctionne : on retarde l’apparition du bouchon, et on en réduit l’ampleur. » A titre d’exemple, sur l’A13 : l’étendue des ralentissements a été diminuée de 40 %. A Londres, sur la M25, les temps de parcours ont été améliorés, avec un gain de 9 %. Ce système est efficace. A une condition : que la vitesse affichée soit bien respectée.