Monaco-Matin

Noyades : la ministre des Sports se jette à l’eau

- PROPOS RECUEILLIS PAR FANNY ROCA

Pour toute une génération, elle restera « Roxy », la première championne du monde française de natation, sur 200 mètres dos, en 1998, et médaillée d’argent deux ans plus tard sur cette même distance, aux JO de Sydney. Celle qui a ouvert la voie aux Laure Manaudou et autres grandes stars d’une discipline à la popularité récente dans l’Hexagone. Rangée des bassins, Roxana Maracinean­u est, aujourd’hui, la ministre des Sports, choisie il y a un peu plus d’un an par le premier ministre Edouard Philippe, pour succéder à la guêpe Laura Flessel. La toute fraîche représenta­nte du gouverneme­nt, qui a lancé en avril dernier son plan « Aisance aquatique », sera l’invitée d’honneur de la Journée nationale de la prévention des noyades, qui se déroule au Palais Neptune de Toulon, à partir de 8 h 45. L’occasion de plonger un peu avec elle dans son actualité et ses nouvelles fonctions.

En tant qu’ex-championne de natation et maman de trois enfants, le sujet des noyades vous tient-il particuliè­rement à coeur ?

J’ai été appelée à cette fonction de ministre, par rapport à cette thématique. On constate une augmentati­on des noyades, notamment chez les moins de  ans où le nombre a doublé depuis . Les gens ne sont pas forcément éduqués à une vigilance de tous les instants. On a donc lancé ce plan de lutte au ministère des Sports, en invitant les ministères de l’Éducation nationale et de la Santé à être à nos côtés.

Justement, n’y a-t-il pas un travail pédagogiqu­e à réaliser en amont dans les écoles ?

Il faut que l’école s’empare aussi de ce sujet. L’une de nos missions est de réformer la natation scolaire. Actuelleme­nt, l’idée, c’est que les enfants soient capables de se déplacer en sécurité dans l’eau, à leur entrée au collège. Le constat, c’est que c’est trop tard. Il faut essayer de viser cet objectif à  ans. Pour cela, j’ai proposé qu’on passe sur des apprentiss­ages massés, des sortes de « classes bleues », en concentran­t l’apprentiss­age sur une semaine comme on le fait par exemple pour le ski. Le but est qu’à la fin de la semaine, on puisse arriver à cette aisance aquatique.

Concrèteme­nt, où en est ce plan ?

On a lancé un appel à projet sur des territoire­s. Pour  M€ ,onamisen place un plan de formation et de sensibilis­ation des profession­nels. À côté de ça,  M€ sont dédiés aux équipement­s. Des solutions nouvelles, innovantes, comme des piscines mobiles : des petits bassins, ou des camions piscines, qui pourraient s’installer dans la cour des écoles... Évidemment, on ne résoudra pas ce problème avec  M€. Il faut aussi que l’on arrive à motiver d’autres ministères.

Outre cette mission, vous avez du pain sur la planche depuis votre

nomination. Vous avez notamment pris position sur les injures à caractère homophobes dans les stades...

Ma prise de position a généré quelques remous. Mais je suis heureuse qu’elle ait permis un débat. Finalement, on se rend compte que tout le monde s’est requestion­né sur ces incivilité­s dans les stades. Que ce soit sur l’homophobie, mais aussi sur le racisme ou les violences. Un certain nombre de dirigeants, que ce soit à la Ligue ou à la Fédération, ont un peu changé leur fusil d’épaule sur ce sujet, tout comme des personnali­tés du football, comme Deschamps, Griezmann et Platini. Ça me conforte dans l’idée qu’on avance sur le bon chemin.

Les discussion­s semblent pourtant compliquée­s avec Noël le Graët, le président de la Fédération française de football...

C’est un sujet, et c’est lui me l’a expliqué de vive voix, qui compte moins pour lui que la prévention du racisme, qui le touche plus personnell­ement. Néanmoins, je crois qu’il est revenu sur ses propos. Au milieu de tout ça, il y a quand même un corps très important à prendre en compte : les arbitres. C’est ce qui a créé un peu la polémique. Avant même que M. Le Graët ne dise quoi que ce soit, ils se sont saisis de ma prise de position qui prenait en compte ce qu’ils vivaient sur le terrain. Si on arrête le jeu, c’est pour pouvoir mieux le continuer. Sinon, ça devient la guerre. Et nous, ce n’est pas l’idée qu’on a du sport. Les arbitres non plus, et le grand public non plus. On met toujours en avant les valeurs du sport. Pour moi, les valeurs du sport n’existent pas. Il n’y a que les valeurs des gens qui le composent et font le sport.

En parlant de valeurs, n’y a-t-il pas encore du chemin à parcourir en ce qui concerne l’attributio­n des événements planétaire­s ? Qu’avezvous, par exemple, pensé des championna­ts du monde d’athlétisme à Doha ?

Il faut prendre en compte l’universali­té du sport. C’est-à-dire que le sport concerne le monde entier et pas seulement certains territoire­s. Mais en faisant ça, les fédération­s internatio­nales récoltent aussi certains bénéfices financiers. Quand le Qatar ou des pays qui n’ont pas l’habitude de recevoir du sport, mais qui ont de l’argent, sont candidats à l’organisati­on de certains événements, ils rencontren­t évidemment un accueil très favorable de la part de ces fédération­s.

N’avez-vous pas votre mot àdire?

Il y a un principe qui est celui de l’autonomie du mouvement sportif. En tant que gouverneme­nt, on ne fait pas le cahier des charges de l’accueil de ces événements. Néanmoins, le fait que la voix des athlètes s’élève, va peut-être nous permettre d’entamer un dialogue, et de dire : ‘‘Nos territoire­s sont davantage propices à accueillir les événements sportifs, dans le respect de la santé des athlètes, et dans l’intérêt de la performanc­e sportive.’’ Quand la moitié des participan­ts d’un marathon abandonne...

À croire que les athlètes ne sont plus que les pions d’un système économique qui dégage d’énormes bénéfices ?

Le chantier, en fait, c’est d’arriver à entrer en dialogue avec les fédération­s internatio­nales et européenne­s, choses que les États, aujourd’hui, ne sont pas en mesure de faire. Nous, nous avons la présidence de l’Union européenne en , et j’aimerais arriver à rassembler autour de cette thématique, pour avoir une discussion sérieuse.

Sur les lieux choisis, mais aussi sur les montants parfois incroyable­s qui sont demandés aux pays hôtes. Certains mettent en danger l’équilibre financier des fédération­s nationales, cela pousse les États à se désengager et à ne plus accueillir d’événements en Europe.

Et il faut aussi que l’on comprenne à quoi sert exactement cet argent.

En l’occurrence, la France accueiller­a la prochaine Coupe du monde de rugby. Avez-vous envoyé des « observateu­rs » au Japon ?

Le comité d’organisati­on de Paris- est présent durant toute la compétitio­n, et échange de façon permanente avec le Japon. C’est inédit, le comité a racheté tous les droits à la fédération internatio­nale. La billetteri­e, les droits télé, les sponsors...

On s’occupe de tout ça. Donc, on n’a pas le droit de se louper. La Coupe du monde sera d’autant plus une réussite si notre équipe de France se débrouille bien là, et dans les années à venir. Le rugby, en France, est quelque chose d’important. Je suis sûre que les stades seront remplis.

Vous êtes allées voir jouer le XV de France ?

J’y étais pour le match d’ouverture contre l’Argentine. J’y retourne pour le quart de finale. Ce sera l’occasion de faire le passage de témoin entre le Japon et nous. Si par miracle les Bleus vont en finale, j’irai peut-être avec le Président.

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La ministre des Sports Roxana Maracinean­u sera, aujourd’hui, à Toulon. (DR)

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