Monaco-Matin

Le Parlement européen inflige un camouflet à Macron

Sylvie Goulard, qui devait intégrer la Commission avec un portefeuil­le stratégiqu­e, a été largement retoquée hier. Un coup dur pour l’Élysée et pour la présidente de l’exécutif européen

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Les députés européens ont infligé hier un revers humiliant à Emmanuel Macron, en recalant pour des raisons éthiques sa candidate à la Commission européenne, Sylvie Goulard.

● Une première pour la France

Sur propositio­n du Président français, Sylvie Goulard avait été désignée par la nouvelle présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen, pour prendre un important portefeuil­le regroupant le Marché intérieur, l’Industrie, la Défense, l’Espace, le Numérique et la Culture, doté de budgets de plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Dans la majorité des cas, les noms fournis par la présidence de la Commission sont ensuite validés sans encombre (par un vote à la majorité absolue) par les députés européens. Ce n’est toutefois pas toujours le cas. Mais

(1) jusqu’ici, aucun candidat français n’avait été retoqué. Et le résultat du vote est extrêmemen­t tranché : 82 voix contre, 29 voix pour, et 1 abstention. Seuls les élus de son propre groupe politique, « Renew Europe », ont voté pour elle.

Que lui est-il reproché ?

Depuis le début, le choix d’Emmanuel Macron avait surpris, car Sylvie Goulard fait l’objet de soupçons qui l’ont conduite à démissionn­er de son poste de ministre des Armées en juin 2017, un mois après sa nomination. Une enquête, dans laquelle elle n’est actuelleme­nt pas mise en examen, est menée par la justice française concernant sa participat­ion à un système d’emplois fictifs présumés pour son ancien parti, le MoDem, en rémunérant un assistant parlementa­ire en France avec les fonds accordés par Strasbourg aux eurodéputé­s.

L’office anti-fraude de l’Union européenne enquête de son côté sur « d’éventuelle­s irrégulari­tés concernant les activités qu’elle a menées pour l’Institut Berggruen alors qu’elle était députée européenne ». Mme Goulard n’a pas été en mesure de préciser la nature de ces activités, pour lesquelles elle a reçu « plus de 10 000 euros » mensuels d’octobre 2013 à janvier 2016.

Y a-t-il d’autres raisons ?

Les élus LREM ont hier pointé du doigt plusieurs autres raisons qui, selon eux, expliquera­ient ce rejet. « Ceux qui ont été les plus virulents, les plus bas vis-à-vis de Sylvie Goulard, ce sont les députés européens français qui ont manifestem­ent la défaite mauvaise. LFI, RN et LR se sont alliés contre une candidate française », a ainsi accusé Nathalie Loiseau. Stéphane Séjourné a, lui, mis en cause le patron du groupe PPE, l’Allemand Manfred Weber. Ce dernier, qui était quasi-assuré de prendre la tête de la Commission européenne, avait finalement été écarté après interventi­on d’Emmanuel Macron, qui avait réussi à ce que lui soit préférée sa compatriot­e Ursula von der Leyen, dont la ligne politique plaisait davantage à l’Élysée.

Quelles conséquenc­es ?

Emmanuel Macron doit désormais désigner un nouveau candidat. Mais il n’est pas acquis que ce dernier se voit confier le même portefeuil­le : les groupes politiques, qui ont jugé que les attributio­ns confiées à Mme Goulard étaient trop nombreuses, plaident pour une redistribu­tion. Il pourrait donc s’agir d’un vrai coup porté à la stature de la France au sein des institutio­ns européenne­s.

Ce vote montre aussi une volonté des députés européens de s’affirmer face à la Commission. Avant même sa prise de fonction, sa nouvelle présidente, Ursula von der Leyen, semble déjà affaiblie. 1. En 2004, le candidat présenté par l’Italie pour le portefeuil­le de la Justice, Rocco Buttiglion­e, avait été rejeté ; en 2014, cela a été le cas de la candidate slovène à l’Énergie,Alenka Bratusek ; et cette année, le Hongrois Laszlo Trocsanyi pour l’Élargissem­ent et la Roumaine Rovana Plumb pour le Transport ont été refusés avant même d’être auditionné­s.

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