Malgré le tollé international la Turquie avance en Syrie
L’offensive d’Ankara contre une milice kurde dans le nord-est de la Syrie provoquait hier la fuite de milliers de civils face à l’avancée des forces turques, et suscité un tollé international.
À New York, à l’issue d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, les cinq pays européens y siégeant – Paris, Berlin, Bruxelles, Londres, Varsovie – ont exigé l’arrêt de cette « action militaire unilatérale » . Et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a exprimé sa « profonde inquiétude ».
Depuis mercredi soir, Ankara a lancé la phase terrestre de son offensive et ses forces ont franchi la frontière, concentrant leurs opérations dans les secteurs frontaliers de Ras al-Aïn et de Tal Abyad, contrôlés par les forces kurdes. Les forces turques ont conquis 11 villages près de ces deux villes, d’après l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), qui rapporte aussi des raids aériens. Au moins 29 combattants kurdes et 10 civils ont été tués par l’armée turque depuis mercredi, selon l’OSDH. Et d’après les autorités turques, six civils – dont un bébé et une fillette – ont été tués et plusieurs dizaines blessés par des roquettes kurdes. Côté syrien, l’offensive turque a suscité la fuite depuis mercredi de plus de 60 000 personnes, d’après l’OSDH. L’ONG « Save the Children » a mis en garde contre «undésastre humanitaire imminent ».
Daesh dans tous les esprits
La Turquie souhaite prendre le contrôle de la bande entre Ras al-Aïn et Tal Abyad, longue de 120 kilomètres et profonde de 30 kilomètres, afin d’éloigner ainsi de la frontière la principale milice kurde de Syrie, les Unités de protection du peuple (YPG). Partenaires des Occidentaux dans la lutte contre Daesh, les YPG sont considérées par Ankara comme des terroristes. La Turquie espère aussi, via cette offensive, créer une « zone de sécurité » où pourront être installés une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens vivant sur son territoire. L’offensive a été condamnée par plusieurs pays occidentaux, qui craignent l’incertitude quant au sort des milliers de djihadistes prisonniers des FDS. Quelque 12 000 combattants de Daesh – des Syriens, des Irakiens mais aussi 2 500 à 3 000 étrangers originaires de 54 pays –, se trouvent en détention dans les prisons des Kurdes. Or, les autorités kurdes – qui gèrent au total sept prisons placées sous haute sécurité – ont affirmé que des bombardements turcs ont touché mercredi une prison abritant des djihadistes étrangers. Estimant que « le combat contre Daesh risque de reprendre », le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a demandé une « réunion d’urgence » de la coalition internationale emmenée par Washington. « Ce risque d’aider Daesh à reconstruire son califat, c’est la responsabilité que prend la Turquie », a martelé de son côté le président français Emmanuel Macron, appelant Ankara «à mettre un terme le plus rapidement possible » à son offensive. La Ligue arabe, de son côté, doit se réunir en urgence aujourd’hui.