Pourquoi pompiers des A.-M. ont manifesté à Paris
« Sursollicités », mal considérés et parfois agressés, 250 à 300 sapeurs-pompiers du département se sont rendus hier à Paris. Pour dénoncer une tendance de L’État à se défosser de ses missions
Il est remonté. Au point de s’être rendu hier à Paris pour rejoindre les rangs des sapeurs-pompiers en colère. Parmi 250 à 300 professionnels du département des Alpes-Maritimes, André Goretti a battu le pavé entre République et Nation. Sous les couleurs de la fédération autonome, qu’il préside, première organisation syndicale du secteur avec 7 000 adhérents revendiqués sur un effectif national de 40 000.
Ce coup de force, plus de trois mois après le début du mouvement le 26 juin dernier, était une façon d’exprimer le ras-le-bol, la fatigue et même un certain écoeurement. Ce dernier suscité notamment, si l’on veut simplifier, par une tendance des services de l’État à se défausser sur les pompiers d’une partie de leurs missions.
André Goretti, au nom du SNSPPPATS, dénonce une « sursollicitation permanente » qui amène de sa part un constat : « On nous appelle pour tout et n’importe quoi. » Un exemple : l’ivresse sur la voie publique, qui devrait être punie pénalement. « Faute d’effectifs suffisants, les forces de police font passer ce délit pour un malaise, à charge pour nous de transporter l’individu jusqu’au centre hospitalier où il finira sans doute par errer dans les couloirs. »
Le Samu épinglé
Le pompier syndicaliste en veut aussi au Samu, « gestionnaire de la réponse médicale », censé apporter aux urgences signalées sur le 15 une solution efficace. « Il n’a plus les moyens de traiter toutes les demandes », constate André Goretti qui évoque, entre autres causes, la désertification médicale, la problématique des médecins ne voulant plus assurer des gardes la nuit ou le weekend, ou encore l’engorgement des urgences hospitalières. Là aussi, faute de moyens adéquats, le Samu se déchargerait sur les pompiers. « Quel qu’en soit le degré, la détresse d’un concitoyen en difficulté doit être prise en compte. » La vocation des pompiers est tout autre : « Les urgences vitales, un malaise dans un établissement public, un blessé en situation d’urgence avérée. »
« On nous appelle pour régler la télé »
Au lieu de cela, il arrive aux pompiers de se trouver confrontés à des non-événements qui dépassent l’entendement : «Tel individu qui nous attend à la porte de son immeuble, sa valise à ses pieds, ou tel autre qui nous demande de le conduire à son rendez-vous chez le cardiologue. »
Autre cas d’école, la personne très âgée qui appuie sur le bouton de sa téléalarme à la moindre contrariété. « A l’autre bout, des sociétés privées, souvent subventionnées, supposées alerter les proches devant se rendre au chevet. Sauf que les prestataires préfèrent envoyer les pompiers. Qui se voient sollicités pour changer une couche ou pour régler la télé… »
Pour régler la télé ? Ne pas sourire, c’est la vérité, assure André Goretti. « Plusieurs fois par semaine, à Antibes, quelqu’un qui réside toujours à son domicile, mais présente sans doute une fragilité psychologique, donne l’alerte pour toutes sortes de motifs : il est tombé de son lit ou s’est fait pipi dessus. On y va, pour finalement se rendre compte qu’il voulait juste que l’on change de chaîne, lui-même ne sachant pas le faire. »
Le Service département d’incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes, c’est 1 300 sapeurs-pompiers professionnels pour 2 600 volontaires, calcule André Goretti. Ces derniers ne sont pas épargnés, vivant peu ou prou la même chose lors de gardes postées. «Onnepeutpas nous demander d’assurer des missions de plus en plus nombreuses, surtout lorsqu’elles ne relèvent pas de notre compétence, alors que les moyens n’augmentent pas. » Il manque, selon lui, 60 à 80 professionnels dans les A.-M.
Insultés, violentés
Autre sujet à l’origine de la grogne : les violences. « On intervient sur un différend conjugal et le mari se met à nous frapper », témoigne le syndicaliste qui s’inquiète de la fréquence des actes brutaux, les agressions verbales étant quotidiennes.
« Nous supportons les mêmes maux que les forces de sécurité et que les personnels des urgences. Dans les mêmes conditions de dysfonctionnement », conclut André Goretti. Qui regrette que la prime de feu – l’équivalent d’une prime de risque – n’ait pas été revalorisée depuis 1990. «Adjudant-chef, je gagne après trenteneuf ans de carrière entre 2400 et 2600 euros, tout compris. »