Monaco-Matin

Le livre du jour

- THIERRY PRUDHON

Le dernier Chirac

« L’impuissanc­e de celui qui a connu la puissance attire mon regard.

Le déclin m’inspire. » Saïd Mahrane, rédacteur en chef au Point, l’avoue sans détour, il s’est vraiment intéressé à Jacques Chirac à partir de , quand la tornade Nicolas Sarkozy l’a relégué au rang de vieux monsieur, pantalon remonté jusqu’à mi-ventre.

Un chêne déraciné, délaissé déjà par presque tous, les fidèles Jean-Louis Debré et François Pinault exceptés.

« Il se voyait tel un grand benêt et préférait qu’on le considérât ainsi. Parler des autres pour éviter de parler de soi, telle était l’une de ses stratégies d’évitement favorites… Il aimait la terre, les poèmes corréziens, les accolades, casser un oeuf dur sur un comptoir en zinc et exhibait volontiers sa virilité. Mais il gardait pour lui sa science, sans volonté d’en faire étalage. » Saïd Mahrane rappelle que François Mitterrand le jugea « sympathiqu­e et courageux, humainemen­t le mieux de tous ». L’homme qu’il rencontre en juin , pour un article sur ses Mémoires, n’a plus rien du fauve. C’est un oiseau blessé, surprotégé par son entourage. « On aurait aimé se blottir contre lui », lâche l’auteur pour évoquer l’humanité de Chirac, sans oublier qu’il fut un tueur politique dont « les victimes se comptent par cimetières ». Au terme de sa vie, il resta aussi libre que possible,

« garnement » soutenant ostensible­ment Hollande en  pour faire enrager « le petit » , zyeutant les belles sous l’oeil noir de Bernadette ou dévorant des escargots géants avec l’ami Pinault. A Mahrane lui demandant s’il était de gauche, il répondra, dans un large sourire : « Je l’ai été… Et on peut parfois être fidèle à sa jeunesse. » Il se posait en garant de l’unité nationale, face à un FN qui fut son seul véritable ennemi. Tel était Chirac, tout de gouaille, de retenue, de chaleur et de déterminat­ion.

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