Affaire Veyrac : quinze
EXCLUSIF Trois ans après le kidnapping d’une millionnaire septuagénaire à Nice, l’enquête est bouclée. Le dossier pourrait être jugé au printemps 2020. Procès hors normes, à l’image de ce rapt rocambolesque. Récit et révélations
Accusations et contre-accusations. Amitiés et trahisons. Bande organisée et improvisation.
Ainsi va l’affaire Veyrac. Fait divers rocambolesque, galerie de portraits digne d’un roman, ce dossier qui avait défrayé la chronique à l’automne 2016 arrive à la case justice. Trois ans après, l’enquête sur le rapt de Jacqueline Veyrac – et sur un précédent avorté, fin 2013 – est bouclée. Quinze accusés, âgés de 21 à 67 ans, sont renvoyés devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Ce procèsfleuve, prévu sur quatre semaines, pourrait se tenir à la fin du printemps 2020, à Nice. À deux kilomètres du lieu du kidnapping. Lundi 24 octobre 2016, 12 h 15. Scène improbable en plein centre de Nice. Une septuagénaire est surprise par des ravisseurs au pied de son immeuble, devant son garage, dans une discrète artère du quartier des Musiciens. Elle est extirpée de son 4x4 noir et embarquée de force à bord d’un Kangoo blanc. L’utilitaire parvient à se fondre dans le dédale urbain. Alerte générale sur les ondes.
heures chrono
Cette femme est Jacqueline Veyrac, 76 ans. La propriétaire du Grand Hôtel cannois, un palace historique de la Croisette, mais aussi du restaurant La Réserve à Nice. Cette femme d’affaires, millionnaire, brille tant pour sa réussite en affaires que par sa discrétion. La voilà pourtant devenue cible d’un projet criminel. « Vous avez un problème, vous allez devoir payer », expose le mystérieux interlocuteur qui appelle sa famille.
La police judiciaire de Nice est en ébullition. La vie d’une otage est en jeu. Vie d’autant plus fragile vu son âge. Cette course contre la montre va durer 48 heures chrono. 26 octobre 2016, 12 h 30. Jacqueline Veyrac est retrouvée saine et sauve sur les collines ouest de Nice. Un riverain vigilant a repéré le Kangoo blanc, intrigué par sa fausse plaque d’immatriculation à demi détachée. De leur côté, les limiers de la crim’ tiennent déjà les chefs présumés. Des balises GPS, découvertes sous le 4x4 de la victime, les ont mis sur la voie. Surveillances téléphoniques, filatures et flair policier ont fait le reste. La PJ surprend un trio en plein débriefing au port de Nice. Attelage improbable.
La plupart nient en bloc
Il y a là un Italien fort en gueule, ex-restaurateur à succès en déconfiture financière. Un ancien membre des Forces spéciales britanniques devenu SDF. Et un paparazzi niçois passé détective privé.
Les coups de filet s’étirent jusqu’en décembre 2017. Commanditaires, ravisseurs, logisticiens... La brigade criminelle pense tenir toute la bande. La plupart nient tout. Mais leurs avocats auront fort à faire. D’autant que deux affaires (2013 et 2016) seront, au final, jugées ensemble. Un seizième mis en cause est attendu au tribunal pour enfants. Un autre a bénéficié d’un non-lieu. Cinq accusés dorment encore en prison. Dont Giuseppe Serena, le cerveau présumé. Déjà défendu par Mes Eric Dupond-Moretti, Gérard Baudoux et Philippe Armani, il a sollicité mardi, sans succès, une mise en liberté via Me Corentin Delobel. L’avocat a invoqué l’état de santé dégradé de Serena. Mais pas seulement : « Aucun élément objectif ne permet d’établir qu’il est l’instigateur. Ce ne sont que des extrapolations ! »