Monaco-Matin

Fascisme contre angélisme

- de THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

Ce pays est usant. Il est décidément impossible d’y traiter un sujet complexe, dont les solutions n’existent pas en kit, sans tomber dans les anathèmes et dans un pugilat puéril entre « fascistes » d’un côté, « candides » de l’autre. L’affaire de l’accompagna­trice voilée au conseil régional de Bourgogne - Franche-Comté nous replonge en plein village d’Astérix, dans une rixe à coups de poissons crevés. Les extrémiste­s d’un bord n’ont pas tardé à réveiller ceux de la rive opposée. A vouloir amplifier le problème, ou au contraire l’occulter par idéologie, on verse forcément dans la caricature. Or, par la seule audience qu’elle a prise, alors que le monde expire par ailleurs de guerres en tornades, cette histoire montre bien que le sujet crispe et bouscule. Evidemment, le conseiller régional Julien Odoul l’a abordé avec ses gros sabots, sans tact et avec l’évident souci de faire le buzz, cette détestable maladie du siècle. Faut-il, pour autant, balayer le débat d’un revers de manche outragé ?

Bien sûr que non.

Etre heurté par le port du voile,

à des degrés divers,

ne signifie en rien être islamophob­e.

Qu’on le veuille ou pas, deux tiers des Français se sont déclarés opposés aux signes religieux ostensible­s lors des sorties scolaires, dans un récent sondage. Ils ne sont pas tous racistes. Encore moins suppôts d’Hitler. L’irrationne­l prend le dessus, toutes les population­s étant loin d’être confrontée­s au cache-tête. Mais la perception est têtue : le voile, sans parler de terrorisme, est ressenti comme une barrière, une fermeture, une envie de rester entre soi et de ne pas s’ouvrir aux autres. Nier ce malaise, accabler ceux qui l’éprouvent, ne fera que jeter un peu plus de monde dans les bras de Marine Le Pen. Reste à avancer. Pour ce qui est des sorties scolaires, les interdire aux mamans voilées aggraverai­t sans doute les inégalités et un esprit revanchard. Faut-il donc benoîtemen­t fermer les yeux, se dire que ce qu’on tait ne fait finalement plus de vagues,

s’abandonner à la procrastin­ation, faute de savoir vraiment comment agir ? Ou, à l’inverse, se retrousser les manches pour refixer un cadre contempora­in toiletté à notre laïcité ? La question est si délicate qu’Emmanuel Macron n’en finit plus de l’ajourner. A tout le moins serait-il opportun que les musulmans modérés eux-mêmes, l’immense majorité, se saisissent davantage du problème. Ils sont trop souvent les grands absents du débat : on parle beaucoup d’eux, à tort et à travers parfois, comme s’ils n’étaient pas là…

« Le voile est ressenti

comme une barrière,

une fermeture, une

envie d’entre-soi. »

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