Le dialogue et la culture pour faire barrage au racisme
Ce mardi au Louis-II, des jeunes du centre de formation de l’AS Monaco ont échangé avec la Licra sur le thème des discriminations. Une interaction avec pour fil rouge un documentaire historique
Des cris de singe couplés à des saluts nazis. On donnerait tout l’or du monde pour voir bannis à jamais ces actes et gestes infectes dans les stades de football. Lundi soir, pourtant, dans les travées du stade national Vassil Levski – théâtre d’un match de qualification pour l’Euro 2020 entre la Bulgarie et l’Angleterre – une frange minoritaire de « supporters » bulgares a littéralement dérapé et s’en est pris frontalement aux joueurs noirs de l’équipe anglaise. L’arbitre a interrompu le match à deux reprises et l’UEFA s’est dit « déterminée à tout faire pour éliminer cette maladie [le racisme, ndlr] du football. » Ce mardi soir, dans une salle du Louis-II, les avis des jeunes du centre de formation de l’AS Monaco divergent sur l’attitude à adopter en match. Certains prêchent l’arrêt pur et simple de la rencontre, d’autres affirment qu’il faut ignorer cette haine et rester concentré sur le ballon rond. Dans le cadre des semaines FARE (1), l’association Licra de Monaco a souhaité un
(2) temps d’échange autour des discriminations raciales avec une quarantaine d’U17 et U19. Ces jeunes joueurs qui fouleront un jour, peut-être, les terrains professionnels. « Les mentalités évoluent avec le dialogue et la culture », martèle Rachid Boudni de la Licra Monaco.
« Sortir des tabous »
Et quoi de mieux que le factuel et l’histoire footballistique pour éclairer leur lanterne sur la diversité et la mixité de la France. Autant dans la société civile que sur le rectangle vert, les deux allant de pair. Au travers du documentaire Des Noirs en couleur, les jeunes footballeurs ont rembobiné le temps et découvert la saga des 103 joueurs afro-antillais, guyanais, malgaches, mauriciens, réunionnais et néocalédoniens qui ont porté le maillot tricolore frappé du coq. Du premier joueur noir en 1931, Raoul Diagne, jusqu’à la victorieuse génération « black-blanc-beur » de 1998. Au micro du réalisateur, des grands noms du football hexagonal : Lilian Thuram, Christian Karembeu, Basile Boli, Pape Diouf ou encore Marius Trésor. «Cefutun moment de partage sur leur ressenti, de prise de conscience, durant lequel on essaye de sortir des tabous, de parler de notre société actuelle qui progresse, tout en sachant que des dangers existent si on ne protège pas nos valeurs, confie Oren Gostiaux, président national de la commission sport à la Licra. Le racisme, le sexisme, l’homophobie n’ont pas leur place. C’est ça que prônent le sport et le football. » Manuel Dos Santos, coach des U17, embraye : « Il faut qu’ils soient au courant de ce qu’il se passe dans le monde réel, qu’il ne soit pas juste dans leur bulle sportive, qu’il sache que le racisme existe. S’ils y sont confrontés un jour, ils pourront avoir une réaction maîtrisée, des arguments pour y répondre. Je les ai sentis à l’écoute, plus mature que d’habitude »
« Ils ont essayé de nous déstabiliser »
Dans leur (courte) carrière sportive, n’évoluant pas devant des foules passionnées, les pensionnaires du centre de formation n’ont, pour l’immense majorité, jamais subi d’actes racistes. Heureusement, d’ailleurs. Mais des actes isolés arrivent. Jonathan Bakali, 17 ans, s’en souvient encore : « C’était il y a deux ans à Bastia. En sortant pour aller s’échauffer, un groupe de jeunes faisaient des bruits de singes. Ils ont essayé de nous déstabiliser. Quand tu es jeune, tu ne sais pas comment réagir, tu es choqué. Avec le temps, tu comprends que certains pensent avoir les bonnes idées mais ils se trompent. Sur un terrain de foot, ça ne doit pas exister. C’est la seule fois où j’ai été victime de racisme sur un terrain. » Et la dernière, espérons-le. Football against racism in Europe.
Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme.