Manque de soignants : quelles solutions ?
Problème déjà aiguë dans certains établissements, le manque de professionnels, médecins, soignants... inquiète tous les acteurs de la santé
Menace de crise sanitaire liée à la raréfaction des professionnels de santé au coeur même de nos villes. Une fois n’est pas coutume, le sujet fait consensus. Aucun établissement de santé, public ou privé, maison médicale, centre mutualiste ou encore cabinet de ville n’est aujourd’hui épargné par des difficultés de recrutement ou de succession. Pour les uns, ce sont les généralistes qui manquent à l’appel. Avec comme corollaire, la problématique de permanence des soins rendue en grande partie responsable de l’afflux aux urgences. Des interventions différées ou annulées faute d’anesthésistes, des services entiers mis en péril par le manque d’urgentistes, de réanimateurs ou encore de pédiatres. Une population de plus en plus âgée – et souvent malade – qui appelle une prise en charge adaptée par des gériatres en nombre insuffisant pour répondre aux besoins. Des services menacés de fermeture du fait de la pénurie d’aides-soignants, une profession au rôle crucial mais découragée par le manque cruel de reconnaissance dont elle fait l’objet… Une véritable « fuite » des infirmiers hospitaliers – accablés par les tâches administratives et la prépondérance des actes techniques – vers un secteur libéral plus conforme à leurs aspirations et aussi plus lucratif…
En choisissant la thématique de la « Raréfaction des professionnels de santé. Quel impact ? Quelles réponses ? » pour les Rencontres de Santé matin, nous n’imaginions pas que nous ouvririons là la boîte de Pandore. Derrière cette problématique, dont on aurait pu imaginer qu’elle se résume à un déséquilibre entre offre et demande, et qu’il suffit d’ouvrir les robinets de la formation pour la résoudre, se cachent en réalité des mutations en profondeur de la médecine dans sa globalité, mais surtout de notre société, de ses valeurs, de ses priorités… Les progrès des technologies médicales ont ainsi conduit à une spécialisation toujours plus grande ; quand la médecine générale est confrontée à une crise des vocations, on constate un fort tropisme vers la médecine hyperspécialisée. Mais ce que l’on doit retenir au-delà de tout, ce sont les grandes mutations sociétales. Il faut désormais compter avec les nouvelles aspirations des futurs médecins, qui placent la qualité de vie au coeur de leurs préoccupations. Pour la nouvelle génération, il n’est plus question de travailler 80 h par semaine et de sacrifier la vie de famille. Quel que soit le secteur où l’on envisage d’exercer. Même tendance du côté des paramédicaux ; ce sont désormais les contrats à durée déterminée ou l’intérim qui rencontrent leur faveur. Moindre implication, temps de travail plus compatible avec une vie privée que l’on désire préserver, rejet d’une sédentarité professionnelle autrefois perçue comme sécurisante… Le sacerdoce ne fait plus recette.
Et aussi, surtout, chez un grand nombre de professionnels de santé, une « perte de sens » à laquelle le manque de reconnaissance des instances n’est pas étranger. Manque de reconnaissance aussi des patients ou plutôt des « usagers » incités à assimiler la consommation de soins à celle de n’importe quel autre produit. Sans oublier le défaut de valorisation financière, criant dans certaines professions comme celle d’aide-soignant. Osera-t-on ajouter que la solidarité collective est une valeur en perte de vitesse ? C’est peut-être la conclusion de Thierry Pattou de la Mutualité française qui résume le mieux la situation : « Notre système de santé a été installé après guerre. Le problème c’est qu’il a très peu bougé depuis. » Et ce n’est pas une série de petites mesures qui régleront la problématique, mais une vraie mise à plat du système adapté au nouveau visage de notre société.