Monaco-Matin

Manque de soignants : quelles solutions ?

Problème déjà aiguë dans certains établissem­ents, le manque de profession­nels, médecins, soignants... inquiète tous les acteurs de la santé

- NANCY CATTAN

Menace de crise sanitaire liée à la raréfactio­n des profession­nels de santé au coeur même de nos villes. Une fois n’est pas coutume, le sujet fait consensus. Aucun établissem­ent de santé, public ou privé, maison médicale, centre mutualiste ou encore cabinet de ville n’est aujourd’hui épargné par des difficulté­s de recrutemen­t ou de succession. Pour les uns, ce sont les généralist­es qui manquent à l’appel. Avec comme corollaire, la problémati­que de permanence des soins rendue en grande partie responsabl­e de l’afflux aux urgences. Des interventi­ons différées ou annulées faute d’anesthésis­tes, des services entiers mis en péril par le manque d’urgentiste­s, de réanimateu­rs ou encore de pédiatres. Une population de plus en plus âgée – et souvent malade – qui appelle une prise en charge adaptée par des gériatres en nombre insuffisan­t pour répondre aux besoins. Des services menacés de fermeture du fait de la pénurie d’aides-soignants, une profession au rôle crucial mais découragée par le manque cruel de reconnaiss­ance dont elle fait l’objet… Une véritable « fuite » des infirmiers hospitalie­rs – accablés par les tâches administra­tives et la prépondéra­nce des actes techniques – vers un secteur libéral plus conforme à leurs aspiration­s et aussi plus lucratif…

En choisissan­t la thématique de la « Raréfactio­n des profession­nels de santé. Quel impact ? Quelles réponses ? » pour les Rencontres de Santé matin, nous n’imaginions pas que nous ouvririons là la boîte de Pandore. Derrière cette problémati­que, dont on aurait pu imaginer qu’elle se résume à un déséquilib­re entre offre et demande, et qu’il suffit d’ouvrir les robinets de la formation pour la résoudre, se cachent en réalité des mutations en profondeur de la médecine dans sa globalité, mais surtout de notre société, de ses valeurs, de ses priorités… Les progrès des technologi­es médicales ont ainsi conduit à une spécialisa­tion toujours plus grande ; quand la médecine générale est confrontée à une crise des vocations, on constate un fort tropisme vers la médecine hyperspéci­alisée. Mais ce que l’on doit retenir au-delà de tout, ce sont les grandes mutations sociétales. Il faut désormais compter avec les nouvelles aspiration­s des futurs médecins, qui placent la qualité de vie au coeur de leurs préoccupat­ions. Pour la nouvelle génération, il n’est plus question de travailler 80 h par semaine et de sacrifier la vie de famille. Quel que soit le secteur où l’on envisage d’exercer. Même tendance du côté des paramédica­ux ; ce sont désormais les contrats à durée déterminée ou l’intérim qui rencontren­t leur faveur. Moindre implicatio­n, temps de travail plus compatible avec une vie privée que l’on désire préserver, rejet d’une sédentarit­é profession­nelle autrefois perçue comme sécurisant­e… Le sacerdoce ne fait plus recette.

Et aussi, surtout, chez un grand nombre de profession­nels de santé, une « perte de sens » à laquelle le manque de reconnaiss­ance des instances n’est pas étranger. Manque de reconnaiss­ance aussi des patients ou plutôt des « usagers » incités à assimiler la consommati­on de soins à celle de n’importe quel autre produit. Sans oublier le défaut de valorisati­on financière, criant dans certaines profession­s comme celle d’aide-soignant. Osera-t-on ajouter que la solidarité collective est une valeur en perte de vitesse ? C’est peut-être la conclusion de Thierry Pattou de la Mutualité française qui résume le mieux la situation : « Notre système de santé a été installé après guerre. Le problème c’est qu’il a très peu bougé depuis. » Et ce n’est pas une série de petites mesures qui régleront la problémati­que, mais une vraie mise à plat du système adapté au nouveau visage de notre société.

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Les adhérents de Santé matin ont débattu avec un public nombreux composé notamment d’étudiants en soins infirmiers.

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