Monaco-Matin

Rêver de l’épopée spatiale

L’astrophysi­cien, philosophe et auteur Jean-Pierre Luminet était l’invité des Colloques, hier, pour un exposé sur l’histoire de la conquête de l’espace, ainsi que sur les perspectiv­es d’avenir

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Après deux colloques consacrés à des thèmes très sociopolit­iques, le dernier rendez-vous de l’édition 2019 offrait au public une bouffée d’air, hier. Une trêve pour s’élever au-dessus des réalités quotidienn­es. S’autoriser à être (un peu) dans la Lune. Le grand ponte de l’astrophysi­que Jean-Pierre Luminet – connu pour ses travaux sur les trous noirs et la cosmologie – s’est en effet prêté aux questions du journalist­e Bernard Persia sur l’histoire de l’épopée spatiale et son héritage. « Le vrai départ de tout cela, c’était le rêve. Il existait déjà l’utopie d’un tel voyage dans l’Antiquité, puis avec Cyrano ou Jules Verne. » Pour concrétise­r ces songes, il faudra attendre l’avènement de prouesses techniques, préparées par les recherches en astronauti­que. Et notamment par Constantin Tsiolkovsk­i, qui imagine les premières fusées à propulsion liquide. Avant que les Américains et la Nasa ne s’y mettent à leur tour, récupérant Wernher von Braun dans leurs rangs. Père du missile V2 sous l’Allemagne nazie, il deviendra aussi celui du programme lunaire.

Rivalité russo-américaine

Car l’histoire de la conquête spatiale ne peut être dissociée de la rivalité russo-américaine. « Une guerre nucléaire a été évitée grâce à cela. Par le biais de l’exploratio­n spatiale, ils ont croisé le fer symbolique­ment. Les Américains ont eu une blessure d’orgueil quand ils ont vu que les Russes les avaient devancés. » Suivront des missions orbitales, la création de la Station spatiale internatio­nale. Et, à cette occasion, un travail davantage tourné vers l’humain. « L’espace est hostile. Il a donc fallu réaliser des études des réactions physiques et psychiques pour savoir ce que l’homme est capable de supporter », résume Jean-Pierre Luminet. L’envoi de télescopes et de sondes a par ailleurs permis des bonds considérab­les. « Au sol, on ne perçoit que la lumière ordinaire et le rayonnemen­t radio ; le reste est bloqué par l’atmosphère. On en a donc besoin pour observer d’autres choses. » Le 10 avril dernier, un trou noir très lointain – de 40 km de diamètre – a ainsi pu être immortalis­é grâce à un réseau de radiotéles­copes ayant permis de simuler un unique radiotéles­cope de 10 000 kilomètres de diamètre.

D’une manière générale, les projets spatiaux peuvent s’enorgueill­ir de nombreuses retombées technologi­ques. « La question s’est toujours posée de savoir pourquoi on dépense tant d’argent dans ces projets alors qu’il y a tant de problèmes à régler sur Terre. » Mais – on l’ignore souvent – pas d’imagerie médicale, d’ordinateur­s, d’airbags ou de coussins à mémoire de forme sans ces missions. Et aujourd’hui ? La recherche d’une vie fossilisée se poursuit. « La vie sur Terre est le résultat de conditions favorables : chimie du carbone, énergie et eau. On peut faire le pari que la vie peut apparaître ailleurs si les trois sont réunies. » En ce sens, Mars, les satellites glacés et les exoplanète­s intéressen­t les scientifiq­ues. L’épopée spatiale demeure par ailleurs liée au contexte géopolitiq­ue. Seule évolution : ce sont les puissances qui ont changé. Et le nouveau leader ne devrait pas tarder à être la Chine. « Ils seront probableme­nt les prochains à être envoyés sur la Lune et à rentrer avec des échantillo­ns. » D’autant qu’existe un enjeu économique : l’exploitati­on de la poussière lunaire. ALICE ROUSSELOT

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(Photos Cyril Dodergny) Jean-Pierre Luminet était ravi de partager sa passion.

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