Monaco-Matin

«Droit de retrait» ou «grève sauvage»?

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Depuis quarante-huit heures, cet arrêt de travail fait couler beaucoup de salive : sommes-nous en présence d’un simple « droit de retrait » justifié par « un danger grave et imminent » comme le soutiennen­t les organisati­ons syndicales, ou s’agit-il, tout bonnement, d’« une grève sauvage », comme l’ont prétendu, hier matin, le Premier ministre et le patron de la SNCF ?

« Le droit de retrait, c’est un droit des travailleu­rs pour dire : “Attention il se passe quelque chose de grave” », a défendu, vendredi, le secrétaire général de la CGT

Philippe Martinez, interrogé sur Europe 1. Rappelons qu’il s’agit d’un droit individuel consacré par l’article L4131-1 du Code du travail permettant au travailleu­r de « se retirer d’une situation » dans laquelle il a « un motif raisonnabl­e de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». Cependant, l’exécutif et la SNCF n’ont pas la même lecture des faits. Pour Edouard Philippe, en effet, on est en présence d’un « détourneme­nt du droit de retrait » exercé par les agents SNCF, conduisant à une « grève sauvage » à « l’impact inacceptab­le pour des dizaines et des dizaines de milliers de Français ». Alors, qui a raison ?

« On peut penser qu’ici, nous avons à faire à une grève de solidarité. Il est difficile de considérer qu’il y a un danger imminent pour les cheminots », estime Alexandre Ebtedaei, avocat spécialist­e du droit du travail au cabinet FTPA, interrogé par le magazine Challenges. Mais ses consoeurs, contactées par Le Figaro, ne sont pas de cet avis. Valérie Duez-Ruff, avocate et membre du Conseil national des barreaux, explique que le juge n’a pas à apprécier «la réalité du danger » ,maisle caractère « raisonnabl­e du motif ».

« Apparence et bonne foi suffisent »

Et comme l’atteste la jurisprude­nce, cela tourne en général à l’avantage des employés. « Des situations comme celle-ci sont généraleme­nt admises par la jurisprude­nce, du fait de l’émotion qu’il peut y avoir » ,observe Audrey Pascal, avocate au barreau de Limoges et spécialist­e du droit du travail. En effet, « la loi exige seulement d’avoir un motif raisonnabl­e de penser que la situation de travail présente un danger grave et imminent. Elle n’exige pas une cause réelle de danger, l’apparence et la bonne foi suffisent », relève Valérie DuezRuff.

Ainsi, si le juge confirme la légitimité du droit de retrait, la SNCF s’exposerait au risque d’une condamnati­on pour ne pas avoir assuré la sécurité de ses employés. A l’inverse, si la justice estime que le droit de retrait était illégitime, les employés l’ayant exercé pourraient encourir des sanctions : retenues sur salaire, avertissem­ent, blâme voire licencieme­nt.

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