Brexit : le Parlement force la main à Boris Johnson
Par l’un de ces coups de force ayant marqué la saga du Brexit, le Parlement britannique a contraint, hier, Boris Johnson à demander un report de la sortie de l’Union européenne (UE), relançant l’incertitude à douze jours de la date prévue du divorce. Annonçant de nouvelles turbulences politiques, le Premier ministre a aussitôt affirmé qu’il continuerait de « tout faire pour mettre en oeuvre le Brexit le 31 octobre ». A 23 h, Donald Tusk, président du Conseil européen, annonçait pourtant dans un tweet qu’il avait reçu de Londres une demande de report et qu’il allait consulter les Vingt-Sept. Un peu plus tôt dans la journée, appelée par Boris Johnson à se prononcer sur son accord de divorce, la Chambre des communes devait se réunir pour une séance historique et le vote s’annonçait serré. Les députés devaient décider s’ils approuvaient l’accord arraché laborieusement à Bruxelles par un Boris Johnson triomphant, permettant une sortie en douceur de l’UE le 31 octobre, ou s’ils le renvoyaient dans ses cordes. Alors que des dizaines de milliers de personnes réclamaient dans la rue un nouveau référendum, ils ont préféré repousser leur décision. Ils ont approuvé par 322 voix (306 contre) un amendement suspendant tout feu vert du Parlement à l’adoption d’une loi d’application de l’accord.
Un nouveau report de mois ?
A défaut d’accord formellement approuvé, ce texte déclenche de facto une loi existante qui oblige Boris Johnson à demander à l’UE un report de trois mois du Brexit en cas de no deal.
Pour ses partisans, il vise à donner plus de temps aux députés pour débattre de l’accord dans ses détails sans risquer, s’ils n’ont pas fini, un no deal aux conséquences économiques potentiellement désastreuses.
Nous avons voté « clairement pour éviter une sortie brutale sans accord de l’Union européenne », a salué le chef de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn. « Le Premier ministre doit désormais respecter la loi ». Arrivé au pouvoir fin juillet sur la promesse de réaliser le Brexit à tout prix le 31 octobre, Boris Johnson est vent debout contre tout report de la sortie de l’UE, initialement prévue le 29 mars et déjà repoussée deux fois. « Je ne négocierai pas de report avec l’UE », a-t-il déclaré après ce lourd revers. « Un nouveau report serait mauvais pour ce pays, mauvais pour l’Union européenne et mauvais pour la démocratie », a-t-il ajouté.
L’inflexible Premier ministre
Il a appelé les 27 pays membres, dont l’aval unanime est requis, à ne pas se laisser «attirer » par un report. C’est à Londres de nous donner la marche à suivre « dès que possible », a réagi la Commission européenne. « Un délai supplémentaire n’est dans l’intérêt de personne », selon la présidence française.
Inflexible, Boris Johnson a assuré qu’il présenterait «lasemaine prochaine » au Parlement la loi nécessaire à la mise en oeuvre du Brexit. L’amendement voté hier, qui porte le nom de son promoteur, l’ex-tory Oliver Letwin, laisse le Royaume-Uni en plein flou sur la manière dont il va sortir de l’UE. « Le public verra tout simplement plus de manigances parlementaires, [...] plus de tentatives d’arrêter le Brexit », a réagi le leader de l’europhobe Parti du Brexit.