La réalité virtuelle pour préparer le post-opératoire Prévention
L’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille va lancer une expérimentation : les patients en attente de greffe pulmonaire bénéficieront d’une préparation psychologique pour limiter l’angoisse
La greffe de poumon est une opération lourde mais vitale pour les quelque 400 malades qui en bénéficient chaque année en France. A l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille (APHM), une cinquantaine de personnes retrouvent ainsi un nouveau souffle tous les ans. Sauf que le réveil en salle de réanimation apparaît toujours très violent. Il faut imaginer qu’un patient nouvellement greffé du poumon reprend ses esprits au bout de 24 heures à plusieurs jours, dans un environnement médical très anxiogène. Il est dans un box, intubé, encore relié au ventilateur et avec des drains un peu partout. A cela s’ajoute les bruits des alarmes, les soignants qui parfois se précipitent au chevet de quelqu’un d’autre… De quoi susciter beaucoup d’inquiétude.
« Pour nous, l’anxiété voire la dépression qui peut s’emparer des patients est délétère : ils n’ont plus la force de se battre, de ce fait ils récupèrent moins vite. Nous savons qu’ils ne sont pas assez préparés à ce qu’ils vont vivre en post-opératoire », raconte, lucide, le Dr Benjamin Coiffard, pneumologue à l’APHM. Pour améliorer la préparation, le médecin a travaillé de concert avec le Dr François Maltese, psychologue du service, sur un projet de réalité virtuelle. « Pour l’instant, on ne se sert de cette technologie qu’en traitement curatif d’un trouble psychologique déjà présent. Or notre objectif était de travailler en amont, pour éviter qu’ils ne développent un traumatisme psychologique », commente le médecin. Les professionnels de santé ont développé avec C2Care – une société toulonnaise spécialisée dans le développement de logiciels thérapeutiques en réalité virtuelle – un programme qui sera prochainement lancé en phase de test. Si les résultats sont probants, la technologie pourrait être proposée à tous les patients bénéficiant d’une chirurgie programmée avec réveil en salle de réanimation.
Thérapie de l’habituation
Concrètement, un patient dont l’état de santé justifie une greffe de poumon, se verra proposer, au cours du bilan préalable à l’inscription sur la liste des personnes en attente de greffe, de bénéficier de séances de réalité virtuelle. « C’est ce qu’on appelle la thérapie de l’habituation : on plonge le patient dans l’univers de la salle de réanimation pour qu’il sache globalement à quoi s’attendre », explique le Dr Coiffard.
Le malade va ainsi suivre trois séances de 45 minutes, pour trois scénarios progressifs. D’abord, il sera « spectateur ». Il visitera les locaux de la réanimation, le box dans lequel il se réveillera. Il verra l’équipe soignante (les médecins, les infirmiers, etc.) qui se présentera et expliquera son rôle. Lors de la deuxième étape, il sera cette fois-ci allongé sur le lit tel qu’il sera à l’issue de l’opération. Il sera donc intubé et relié au ventilateur, aux capteurs avec le bruit du monitoring. Il va ainsi comprendre dans quelle situation et dans quel environnement il se trouvera au réveil. Il saura ce que sont les instruments et à quoi ils servent, comment les soins vont se dérouler mais aussi les séances de kiné, etc. Enfin, dernière séance, la plus réaliste et la plus impressionnante. Il sera encore dans la position du nouveau greffé mais avec en plus, l’environnement stressant que peut représenter la réanimation. Des alarmes vont retentir comme dans la réalité. Car même si elles ne signalent pas nécessairement un danger vital, elles peuvent être impressionnantes.
Basé sur les retours d’expérience
« Pour concevoir les scénarios, nous nous sommes basés sur ce que nous ont rapporté les patients greffés et sur la manière dont ils avaient vécu la période postopératoire en réanimation. Ils ont cité tout ce qui avait été source de stress pour eux. Par exemple, ils expliquent s’être sentis seuls dans le box, alors qu’ils étaient très surveillés mais ne s’en rendaient pas compte », confie le Dr Coiffard. Cette expérience d’anticipation des répercussions psychologiques basée sur la réalité virtuelle est très attendue. Si les résultats sont positifs, cela permettrait d’apporter un service inestimable aux malades avec des répercussions bénéfiques sur le plan médical. Car un patient confiant est un patient qui récupère mieux.