Le syndicat des joueurs pros alerte l’effectif de l’ASM
Le co-président de l’UNFP et ancien international français, Sylvain Kastendeuch, a rendu visite à la bande à Jardim, à La Turbie, dans un contexte d’urgence à défendre les droits des joueurs
Lors de sa dernière assemblée générale, début septembre à Paris, l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) a décrété « l’état d’urgence » face aux dérives du football professionnel. Dans le viseur du syndicat créé en 1961 par deux joueurs, N’Jo Léa et un certain Just Fontaine, des contrats de moins en moins respectés au détriment des joueurs, des règles d’équité bafouées ou encore des principes dévoyés, comme la ponction par les clubs d’une partie des primes d’éthique en guise de sanctions disciplinaires.
Dans la foulée de ce coup de gueule de l’historique président de l’UNFP, Philippe Piat, son coprésident depuis 2006, Sylvain Kastendeuch, a entamé un Tour de France des clubs professionnels. Ligue 1, Ligue 2, National, l’ancien international français et légende du FC Metz a pris son bâton de pèlerin pour expliquer aux professionnels l’intérêt d’adhérer au syndicat. Un rôle qui va comme un gant à Kastendeuch. Élégant libéro des années 80-90, le Lorrain a notamment réussi l’exploit de boucler 577 matchs de Division 1, en près de 20 ans, sans écoper du moindre carton rouge ! Une éthique qu’il a mise un temps au service de la politique, comme adjoint au maire de Metz. Désireux de diffuser une image positive des footballeurs, Kastendeuch espère avoir l’oreille de dirigeants qu’il ne connaît pas tous, comme à Monaco. Quant aux joueurs, il se dit ravi de leur accueil, jeudi à La Turbie, malgré les 20 petites minutes laissées à sa disposition pour les séduire.
Avez-vous beaucoup d’adhérents à Monaco ?
En fait c’est la première fois qu’on passait. Beaucoup ont spontanément adhéré avant et après la petite discussion, donc c’est très bon signe. On a bon espoir que la grande majorité des joueurs monégasques nous fassent confiance.
Pour peser plus ?
On va entamer dans les semaines qui viennent des discussions importantes avec les dirigeants et c’est très important de pouvoir justifier que, comme tous les ans, plus de % des joueurs nous font confiance. Ça nous donne une force et une légitimité qu’on a besoin de justifier auprès des dirigeants. La difficulté aujourd’hui, c’est que les principaux dirigeants de L et la grande majorité de L n’ont pas les mêmes enjeux et ambitions, la même volonté de modifier certaines règles ou en tout cas de les améliorer et travailler dessus. Votre approche varie-t-elle selon les clubs, notamment à Monaco ? Non, on dit aux dirigeants qu’on ne fera pas de règles particulières en fonction des clubs et de leurs besoins. On a basé notre campagne d’adhésion sur le mot communauté et l’idée est de leur faire comprendre qu’ils font partie d’une famille. Monaco dispose d’un effectif pléthorique, avec beaucoup de jeunes. Est-ce une cible pour l’UNFP et son « Passeport pro », conçu pour accompagner les jeunes joueurs qui entrent dans le milieu professionnel ?
On l’a évoqué avec eux et Philippe Flucklinger, mon délégué régional Sud-Est, a fait une réunion spécifique avec une vingtaine de jeunes de Monaco, qui sont pros et dans un groupe . On est très friands de rencontrer les plus jeunes pour essayer de leur expliquer ce qu’est, et sera, leur métier. Les mettre en garde sur les dérives, parce qu’il y en a.
Contrats non respectés, règles d’équité bafouées, primes dévoyées…
Il y a toutes celles-là et ce que j’ai dit aux joueurs c’est qu’on a du mal, et on le regrette, à discuter avec les présidents, avec ceux qui auraient la capacité de faire évoluer les règles, de réguler un peu et de faire qu’entre les joueurs et les clubs ça se passe mieux.
Et les agents dans tout ça ?
Alors là, c’est plus compliqué. Généralement ils ne sont pas organisés, c’est de l’individualisme. Il faudrait déjà qu’entre principaux acteurs (présidents, joueurs, entraîneurs) on arrive à discuter et trouver des décideurs, des présidents qui auraient le mandat pour discuter pour l’ensemble. Ce qui se faisait, il y a quelques années mais se fait beaucoup moins.
Il y a des situations anormales. Par exemple, on n’arrive plus à faire avancer la Convention collective, même si au niveau de la Fifa et de la Fifpro, on a enfin un président qui est prêt à se saisir de ces problèmes. Ce serait dommage qu’on n’y arrive pas au niveau français mais je ne désespère pas.
L’UNFP fait campagne sur le « parler vrai ». Jusqu’à passer en force sur certains sujets ?
Ce n’est pas notre genre. D’ailleurs on est souvent en réaction et on essaye de changer ça. À l’été , on l’avait fait sur la volonté des dirigeants et des politiques d’allonger le premier contrat pro de à ans par amendement. C’est un bon exemple. On estime qu’on ne peut pas imposer ou modifier des règles sans discussions. On avait obtenu une mobilisation des joueurs puisque près de d’entre eux avaient signé un vote de confiance à l’UNFP pour gérer ce problème. C’est le signe aussi que les joueurs savent se mobiliser sur de grands sujets quand on va vers eux.
De plus en plus de présidents sont étrangers en Ligue , comme à Monaco ou Nice. Avez-vous de bons rapports avec eux ?
Non, c’est ce qu’on regrette. À Nice, avec Fournier et Rivère qui reviennent aux affaires, on se connaît bien et on va entamer des discussions. Ils font partie des personnalités du football qui vont peser et compter. Mais le nouveau vice-président russe de Monaco [Oleg Petrov, N.D.L.R.] ,jenele connais pas. Je sais que Vasilyev, son prédécesseur, était très impliqué à la Ligue et commençait à peser positivement et j’espère qu’on va retrouver ça parce que Monaco est un club important. Et il ne faut pas oublier qu’il y a quelques années sa présence en championnat de France avait été remise en question. On veut des présidents qui ont envie de faire avancer les choses parce qu’il y a un besoin de régulation aujourd’hui. Beaucoup de présidents le pensent.
L’UNFP souhaite notamment mener une réflexion sur le mercato hivernal…
On comprend les besoins d’actionnaires, d’investisseurs, on ne veut pas bloquer du tout le système, juste que l’éthique soit préservée. Il peut y avoir un problème d’équilibre général quand un président a la capacité et les moyens de changer complètement son équipe au mois de décembre, par rapport à d’autres équipes en difficulté. La France n’est pas le seul pays à se poser ces questions, d’ailleurs le président de la Fifa a aussi mis ce sujet des mercatos sur la table. Les Anglais, eux, ont déjà décidé d’arrêter le mercato d’été au démarrage de leur championnat, dans le sens des achats. La France et Monaco doivent faire partie de ces discussions. Les joueurs osent-ils parler sur ces sujets d’éthique, de non-respect de leurs contrats ? Sont-ils des lanceurs d’alerte ?
Bien sûr. Leurs témoignages et leurs vécus sont importants. Un joueur de Paris-Saint-Germain a récemment discuté avec un de mes collègues et abordé la question des clauses libératoires en Espagne. Comme en France, elles sont interdites, il nous a demandé pourquoi. Alors que jusque-là on était complètement opposé à ce genre de clauses, ce type de témoignage peut, pourquoi pas, nous faire évoluer dans notre réflexion.
Et ces primes d’éthique qui servent aujourd’hui d’outils de sanction. Qu’en pensent les joueurs ?
J’en ai parlé à Monaco. Ce qui était une bonne idée au départ se transforme en outil de sanction par les présidents pour punir les joueurs, parfois avec des motifs qui ne le justifient pas.
Vous avez présenté aux Monégasques le mouvement « Positive Football », créé en et qui vise à développer l’engagement sociétal des joueurs. Comment les fédérer alors qu’ils ont déjà des initiatives personnelles pour certains, la Fondation AS Monacoeur, des partenariats avec la Ligue ou autres ? En quoi vous démarquez-vous ?
On ne se démarque pas. Au contraire, on va mettre en valeur ce qui est fait par les clubs. On va appeler nos équipes de spécialistes pour des tournages qui montrent que la plateforme se veut universelle. On est à la disposition des joueurs qui ont envie, individuellement ou non, de s’activer sur des causes. On les aide à faire un peu de tri dans toutes les sollicitations qu’ils ont ou à accompagner des causes qu’ils suivent déjà. On veut les persuader qu’ils peuvent être des acteurs majeurs pour que la société aille mieux. Ils ont tout en mains pour montrer l’exemple et faire du bien autour d’eux. Ça peut être très local, sur les réseaux sociaux, comme à l’international. On a un catalogue de causes et on est en partenariat avec des associations qui sont prêtes. Les médias aussi, car ils ont envie de montrer les joueurs sous un angle différent. On ne vient ni en concurrence, ni en opposition avec tout ce qui est fait par les clubs et les institutions.
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Vasilyev était très impliqué àlaLigue”
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C’est aux joueurs de montrer l’exemple”
Dans votre clip promotionnel, on aperçoit l’Espagnol Juan Mata, qui avait marqué les esprits en en incitant chaque joueur à reverser % de ses revenus annuels à des oeuvres de charité. C’est ce genre d’ambassadeur que vous recherchez ?
C’est ce que j’ai dit aux joueurs de Monaco. Ils sont sous le feu des projecteurs, certains sont des stars, c’est à eux de montrer l’exemple, de s’engager. Ils n’aiment pas la publicité autour de ça mais par notre intermédiaire ils peuvent mettre en avant des causes parfois inconnues du grand public et qui mériteraient un phénomène d’aides de masse. Les joueurs sont les mieux placés pour ça.