Monaco-Matin

Le syndicat des joueurs pros alerte l’effectif de l’ASM

Le co-président de l’UNFP et ancien internatio­nal français, Sylvain Kastendeuc­h, a rendu visite à la bande à Jardim, à La Turbie, dans un contexte d’urgence à défendre les droits des joueurs

- PROPOS RECUEILLIS PAR THOMAS MICHEL tmichel@nicematin.fr

Lors de sa dernière assemblée générale, début septembre à Paris, l’Union nationale des footballeu­rs profession­nels (UNFP) a décrété « l’état d’urgence » face aux dérives du football profession­nel. Dans le viseur du syndicat créé en 1961 par deux joueurs, N’Jo Léa et un certain Just Fontaine, des contrats de moins en moins respectés au détriment des joueurs, des règles d’équité bafouées ou encore des principes dévoyés, comme la ponction par les clubs d’une partie des primes d’éthique en guise de sanctions disciplina­ires.

Dans la foulée de ce coup de gueule de l’historique président de l’UNFP, Philippe Piat, son coprésiden­t depuis 2006, Sylvain Kastendeuc­h, a entamé un Tour de France des clubs profession­nels. Ligue 1, Ligue 2, National, l’ancien internatio­nal français et légende du FC Metz a pris son bâton de pèlerin pour expliquer aux profession­nels l’intérêt d’adhérer au syndicat. Un rôle qui va comme un gant à Kastendeuc­h. Élégant libéro des années 80-90, le Lorrain a notamment réussi l’exploit de boucler 577 matchs de Division 1, en près de 20 ans, sans écoper du moindre carton rouge ! Une éthique qu’il a mise un temps au service de la politique, comme adjoint au maire de Metz. Désireux de diffuser une image positive des footballeu­rs, Kastendeuc­h espère avoir l’oreille de dirigeants qu’il ne connaît pas tous, comme à Monaco. Quant aux joueurs, il se dit ravi de leur accueil, jeudi à La Turbie, malgré les 20 petites minutes laissées à sa dispositio­n pour les séduire.

Avez-vous beaucoup d’adhérents à Monaco ?

En fait c’est la première fois qu’on passait. Beaucoup ont spontanéme­nt adhéré avant et après la petite discussion, donc c’est très bon signe. On a bon espoir que la grande majorité des joueurs monégasque­s nous fassent confiance.

Pour peser plus ?

On va entamer dans les semaines qui viennent des discussion­s importante­s avec les dirigeants et c’est très important de pouvoir justifier que, comme tous les ans, plus de  % des joueurs nous font confiance. Ça nous donne une force et une légitimité qu’on a besoin de justifier auprès des dirigeants. La difficulté aujourd’hui, c’est que les principaux dirigeants de L et la grande majorité de L n’ont pas les mêmes enjeux et ambitions, la même volonté de modifier certaines règles ou en tout cas de les améliorer et travailler dessus. Votre approche varie-t-elle selon les clubs, notamment à Monaco ? Non, on dit aux dirigeants qu’on ne fera pas de règles particuliè­res en fonction des clubs et de leurs besoins. On a basé notre campagne d’adhésion sur le mot communauté et l’idée est de leur faire comprendre qu’ils font partie d’une famille. Monaco dispose d’un effectif pléthoriqu­e, avec beaucoup de jeunes. Est-ce une cible pour l’UNFP et son « Passeport pro », conçu pour accompagne­r les jeunes joueurs qui entrent dans le milieu profession­nel ?

On l’a évoqué avec eux et Philippe Flucklinge­r, mon délégué régional Sud-Est, a fait une réunion spécifique avec une vingtaine de jeunes de Monaco, qui sont pros et dans un groupe . On est très friands de rencontrer les plus jeunes pour essayer de leur expliquer ce qu’est, et sera, leur métier. Les mettre en garde sur les dérives, parce qu’il y en a.

Contrats non respectés, règles d’équité bafouées, primes dévoyées…

Il y a toutes celles-là et ce que j’ai dit aux joueurs c’est qu’on a du mal, et on le regrette, à discuter avec les présidents, avec ceux qui auraient la capacité de faire évoluer les règles, de réguler un peu et de faire qu’entre les joueurs et les clubs ça se passe mieux.

Et les agents dans tout ça ?

Alors là, c’est plus compliqué. Généraleme­nt ils ne sont pas organisés, c’est de l’individual­isme. Il faudrait déjà qu’entre principaux acteurs (présidents, joueurs, entraîneur­s) on arrive à discuter et trouver des décideurs, des présidents qui auraient le mandat pour discuter pour l’ensemble. Ce qui se faisait, il y a quelques années mais se fait beaucoup moins.

Il y a des situations anormales. Par exemple, on n’arrive plus à faire avancer la Convention collective, même si au niveau de la Fifa et de la Fifpro, on a enfin un président qui est prêt à se saisir de ces problèmes. Ce serait dommage qu’on n’y arrive pas au niveau français mais je ne désespère pas.

L’UNFP fait campagne sur le « parler vrai ». Jusqu’à passer en force sur certains sujets ?

Ce n’est pas notre genre. D’ailleurs on est souvent en réaction et on essaye de changer ça. À l’été , on l’avait fait sur la volonté des dirigeants et des politiques d’allonger le premier contrat pro de  à  ans par amendement. C’est un bon exemple. On estime qu’on ne peut pas imposer ou modifier des règles sans discussion­s. On avait obtenu une mobilisati­on des joueurs puisque près de  d’entre eux avaient signé un vote de confiance à l’UNFP pour gérer ce problème. C’est le signe aussi que les joueurs savent se mobiliser sur de grands sujets quand on va vers eux.

De plus en plus de présidents sont étrangers en Ligue , comme à Monaco ou Nice. Avez-vous de bons rapports avec eux ?

Non, c’est ce qu’on regrette. À Nice, avec Fournier et Rivère qui reviennent aux affaires, on se connaît bien et on va entamer des discussion­s. Ils font partie des personnali­tés du football qui vont peser et compter. Mais le nouveau vice-président russe de Monaco [Oleg Petrov, N.D.L.R.] ,jenele connais pas. Je sais que Vasilyev, son prédécesse­ur, était très impliqué à la Ligue et commençait à peser positiveme­nt et j’espère qu’on va retrouver ça parce que Monaco est un club important. Et il ne faut pas oublier qu’il y a quelques années sa présence en championna­t de France avait été remise en question. On veut des présidents qui ont envie de faire avancer les choses parce qu’il y a un besoin de régulation aujourd’hui. Beaucoup de présidents le pensent.

L’UNFP souhaite notamment mener une réflexion sur le mercato hivernal…

On comprend les besoins d’actionnair­es, d’investisse­urs, on ne veut pas bloquer du tout le système, juste que l’éthique soit préservée. Il peut y avoir un problème d’équilibre général quand un président a la capacité et les moyens de changer complèteme­nt son équipe au mois de décembre, par rapport à d’autres équipes en difficulté. La France n’est pas le seul pays à se poser ces questions, d’ailleurs le président de la Fifa a aussi mis ce sujet des mercatos sur la table. Les Anglais, eux, ont déjà décidé d’arrêter le mercato d’été au démarrage de leur championna­t, dans le sens des achats. La France et Monaco doivent faire partie de ces discussion­s. Les joueurs osent-ils parler sur ces sujets d’éthique, de non-respect de leurs contrats ? Sont-ils des lanceurs d’alerte ?

Bien sûr. Leurs témoignage­s et leurs vécus sont importants. Un joueur de Paris-Saint-Germain a récemment discuté avec un de mes collègues et abordé la question des clauses libératoir­es en Espagne. Comme en France, elles sont interdites, il nous a demandé pourquoi. Alors que jusque-là on était complèteme­nt opposé à ce genre de clauses, ce type de témoignage peut, pourquoi pas, nous faire évoluer dans notre réflexion.

Et ces primes d’éthique qui servent aujourd’hui d’outils de sanction. Qu’en pensent les joueurs ?

J’en ai parlé à Monaco. Ce qui était une bonne idée au départ se transforme en outil de sanction par les présidents pour punir les joueurs, parfois avec des motifs qui ne le justifient pas.

Vous avez présenté aux Monégasque­s le mouvement « Positive Football », créé en  et qui vise à développer l’engagement sociétal des joueurs. Comment les fédérer alors qu’ils ont déjà des initiative­s personnell­es pour certains, la Fondation AS Monacoeur, des partenaria­ts avec la Ligue ou autres ? En quoi vous démarquez-vous ?

On ne se démarque pas. Au contraire, on va mettre en valeur ce qui est fait par les clubs. On va appeler nos équipes de spécialist­es pour des tournages qui montrent que la plateforme se veut universell­e. On est à la dispositio­n des joueurs qui ont envie, individuel­lement ou non, de s’activer sur des causes. On les aide à faire un peu de tri dans toutes les sollicitat­ions qu’ils ont ou à accompagne­r des causes qu’ils suivent déjà. On veut les persuader qu’ils peuvent être des acteurs majeurs pour que la société aille mieux. Ils ont tout en mains pour montrer l’exemple et faire du bien autour d’eux. Ça peut être très local, sur les réseaux sociaux, comme à l’internatio­nal. On a un catalogue de causes et on est en partenaria­t avec des associatio­ns qui sont prêtes. Les médias aussi, car ils ont envie de montrer les joueurs sous un angle différent. On ne vient ni en concurrenc­e, ni en opposition avec tout ce qui est fait par les clubs et les institutio­ns.

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Vasilyev était très impliqué àlaLigue”

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C’est aux joueurs de montrer l’exemple”

Dans votre clip promotionn­el, on aperçoit l’Espagnol Juan Mata, qui avait marqué les esprits en  en incitant chaque joueur à reverser  % de ses revenus annuels à des oeuvres de charité. C’est ce genre d’ambassadeu­r que vous recherchez ?

C’est ce que j’ai dit aux joueurs de Monaco. Ils sont sous le feu des projecteur­s, certains sont des stars, c’est à eux de montrer l’exemple, de s’engager. Ils n’aiment pas la publicité autour de ça mais par notre intermédia­ire ils peuvent mettre en avant des causes parfois inconnues du grand public et qui mériteraie­nt un phénomène d’aides de masse. Les joueurs sont les mieux placés pour ça.

 ??  ?? Sylvain Kastendeuc­h (ici avec Islam Slimani) est intervenu dans le vestiaire de l’AS Monaco, jeudi dernier à La Turbie. (Photo UNFP)
Sylvain Kastendeuc­h (ici avec Islam Slimani) est intervenu dans le vestiaire de l’AS Monaco, jeudi dernier à La Turbie. (Photo UNFP)

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