Monaco-Matin

Baffes, agressions à coups de clou, de pot de mayonnaise…  plaintes classées sans suite

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« Dans la rue, on se fait pourrir. On est tout en bas de l’échelle, mais, pour les usagers, c’est nous les fautifs. Alors on prend cher… »

Un agent de Moovia raconte le quotidien des « gilets bleus ». Un quotidien d’humiliatio­ns, d’insultes et, trop souvent, d’agressions.

« Trois collègues se sont pris des baffes. Un autre a reçu un pot de mayonnaise dans la tête. »

Il y a eu, aussi, « des pierres lancées depuis le deuxième étage sur un agent qui a été touché au thorax ».

Un peu plus tard, « un automobili­ste furieux a tenté de planter un clou dans la poitrine d’un agent ».

D’après les salariés de Moovia, depuis le 1er janvier 2018, « 23 plaintes ont été déposées pour agressions. Toutes classées sans suite ».

Des classement­s verticaux qu’ils lisent comme «unmanque de considérat­ion voire du mépris ».

« Nous ne sommes rien pour la justice, pour la société »

« Nos plaintes n’aboutissen­t jamais même quand on a des témoins, même quand on est blessés. Nos agresseurs ressortent libres avant même que nous ayons fini de déposer plainte. Nous ne sommes rien pour la justice, pour la société… »

Ça doit cesser, tape du poing sur la table Gilbert Ghini, le secrétaire de l’union locale CGT de Nice.

« Les agents n’ont même pas de cahier de danger grave et imminent pour répertorie­r les agressions dont ils sont victimes ! », s’indigne le leader syndical.

Dans un courrier, envoyé hier, à la direction de la société Moovia, il réclame, au nom des salariés, «lamiseen place de ce registre ». Mais aussi « une caméra piéton [un dispositif, testé par la police municipale niçoise, qui permet de filmer les interventi­ons] ». Il demande enfin « l’assistance de la police municipale lors des agressions ainsi que l’accès au service juridique de Transdev pour accompagne­r les agents dans leurs dépôts de plainte ». Gaël Nofri, le conseiller municipal délégué à la circulatio­n et au stationnem­ent, s’est dit « très attentif à la question » : « On a doté les agents d’un bouton d’alerte directemen­t relié au centre de supervisio­n urbain (CSU) et, selon nos rapports d’interventi­on, la police municipale est intervenue, à chaque fois, dans les dix minutes qui suivent le déclenchem­ent. » Équiper les verbalisat­eurs de caméras piéton ? « C’est autorisé pour les policiers mais pas légal pour les agents », répond l’élu. Et d’ajouter : « Filmer est un faux problème : quand on arrête les auteurs d’agressions, ils ne sont pas poursuivis. S’il n’y a pas de réponse pénale, la collectivi­té peut tout mettre en oeuvre mais cela ne fonctionne­ra pas ! »

« L’insécurité : un problème national »

Le président de la société Moovia, Xavier Heulin, se garde bien, lui, « d’émettre un jugement sur la justice de notre pays ».

En revanche, il est « très conscient du problème ». « Un problème national, expliquet-il. Nous contrôlons plus de 100 000 places de voirie en France, principale­ment à Paris, Nice et Bordeaux. Le phénomène d’insécurité est partout. »

Moovia est-elle suffisamme­nt aux côtés de ses agents ? « On les accompagne par des formations aux situations à risque. On les assiste juridiquem­ent quand les plaintes aboutissen­t, aux frais de la société. Nous déclarons toutes les agressions en tant qu’accidents du travail. Toutes sont également déclarées en commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) », assure le patron de Moovia. Xavier Heulin ne veut pas « minorer le sujet : je peux comprendre la colère. Ils font un métier très difficile : quand vous marchez 10 à 15 km par jour et que vous vous faites insulter ou agresser régulièrem­ent, ce n’est pas supportabl­e ! Et une nouvelle agression peut être la goutte d’eau… » L. B.

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