Monaco-Matin

Un couvre-feu à Fréjus « cible les migrants » selon l’opposition

- P. P.

Dans un arrêté pris le 30 septembre dernier, le maire de Fréjus, David Rachline, interdit aux mineurs de circuler seuls entre 22h et 6h du matin « lorsque cette circulatio­n est de nature à porter atteinte au bon ordre, à la tranquilli­té ou à la sécurité publique » . Une curieuse condition pour ce couvre-feu applicable jusqu’au 31 janvier prochain et restreint à quelques rues aux alentours de l’hôtel Kangourou, qui officie comme centre d’accueil pour jeunes migrants depuis juillet dernier.

« Inspirés de l’arrêté de Cagnessur-Mer »

Car ce sont bien ces derniers qui sont ciblés par la mesure. En atteste une lettre signée de la main du premier édile, daté du 7 octobre, et postée à de nombreux riverains : « Ces dernières semaines, un certain nombre d’actes délictueux ont été constatés et signalés dans votre quartier. Ceci concomitam­ment à l’arrivée de migrants “mineurs non accompagné­s” [...], débute le courrier. Dans le souci de maintenir la sécurité et la tranquilli­té publiques, j’ai pris un arrêté portant limitation de la circulatio­n nocturne des mineurs dans votre quartier. [...] Je souhaite que cette mesure préventive soit de nature, parallèlem­ent à la présence renforcée de la police municipale, à garantir le maintien de la tranquilli­té de votre quartier. »

L’adjoint à la sécurité précise de son côté s’être inspiré de l’arrêté de Cagnessur-Mer. L’élu précise que le centre d’accueil pour jeunes migrants se trouve à proximité de crèches et d’écoles et souligne que « des plaintes et des mains courantes ont été déposées par les riverains ». Il rappelle également qu’un couteau a été utilisé lors de la bagarre du mois dernier, « ce qui est très inquiétant ».

« Intérêt électoral »

Cette initiative fait suite à une première mesure, votée en conseil municipal le 26 septembre dernier : le voeu demandant au Départemen­t et au député de la circonscri­ption le départ de l’ensemble de ce groupe de mineurs étrangers installés à Fréjus.

« À l’approche des élections municipale­s, les jeunes migrants sans parents sont, une fois de plus, stigmatisé­s et discriminé­s, s’indigne Marie-José De Azevedo, présidente du Forum républicai­n, qui accuse le maire d’agiter auprès des électeurs la peur de l’étranger.

Elle précise : « Plutôt que d’accompagne­r l’aide sociale à l’enfance qui a en charge la protection et la formation de ces jeunes pour leur bonne insertion dans la société française, David Rachline prend prétexte de l’incident entre les deux jeunes migrants pour imposer un couvre-feu discrimina­toire et par conséquent illégal. Cette décision n’est pas dans l’intérêt du public, mais seulement l’intérêt électoral. » Jacky Giral, (Europe-écologie-les-verts) candidat aux prochaines élections municipale­s met en doute lui aussi la « sincérité » de cet arrêté et demande au préfet du Var, Jean-Luc Videlaine, d’en examiner la légalité.

L’affaire pourrait être portée devant les tribunaux comme ce fut le cas notamment à Béziers, en 2018.

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(Photo Adeline Lebel) L’avenue Giraud et l’impasse du Kangourou, où se situe le centre d’accueil pour jeunes migrants, inclues dans le périmètre du couvre-feu.

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