Monaco-Matin

Ces champignon­s redoutable­s pour les plus fragiles

Très présents dans notre environnem­ent et sans danger pour les bien-portants, certains champignon­s sont responsabl­es d’infections très graves chez les personnes vulnérable­s

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Il est partout. Greniers, plafonds, climatiseu­rs, lieux humides comme les salles de bains ou les cuisines… Extrêmemen­t répandu, Aspergillu­s est un champignon microscopi­que, dont les spores sont véhiculées par l’air. Impossible dès lors d’y échapper : nous en inhalons tous. « On trouve de 2 à 3 spores par mètre cube en moyenne, beaucoup plus dans des lieux propices aux moisissure­s. Si l’on est bien-portant, ce champignon est totalement inoffensif ; on crache et on évacue les spores. Et celles qui ne sont pas ainsi évacuées sont éliminées par des cellules spécialisé­es, les macrophage­s. Par contre, ce champignon peut mettre en grand danger des patients fragiles ou immunodépr­imés, quelle qu’en soit la cause : leucémie aigue, greffe de cellules souches hématopoïé­tiques ou transplant­ation d’organes, corticothé­rapie prolongée…… Chez ces personnes, tous les tissus peuvent rapidement être envahis par ces champignon­s, engageant le pronostic vital.»

Le médecin qui s’exprimait ainsi à l’occasion d’un congrès à Nice

préside la société française de (1) mycologie médicale, une science peu connue qui étudie les champignon­s microscopi­ques. Et si Jean-Pierre Gangneux, souhaite sensibilis­er sur ce sujet, c’est pour essayer de prévenir ces risques. « Aujourd’hui encore, les aspergillo­ses invasives, infections gravissime­s provoquées le plus souvent par Aspergillu­s fumigatus restent heureuseme­nt très peu fréquentes. Mais avec l’arrivée massive sur le marché de médicament­s modifiant la réponse immunitair­e, comme les biothérapi­es utilisées pour plusieurs pathologie­s chroniques ( maladies inflammato­ires chroniques ou certains cancers solides…), le nombre de personnes à risque de développer ce type d’infections a récemment augmenté. »

Des perspectiv­es inquiétant­es, encore assombries par un autre phénomène préoccupan­t : la résistance accrue des Aspergillu­s aux médicament­s azolés antifongiq­ues. Pour des raisons proches de celles à l’origine de l’antibiorés­istance. « L’émergence de cette résistance aux antifongiq­ues est en partie associée à l’utilisatio­n croissante de fongicides (pesticides conçus pour éliminer les champignon­s parasites des végétaux, Ndlr) ; ces produits chimiques sont très proches des antifongiq­ues utilisés en médecine humaine, d’où des résistance­s croisées », explique le Pr Gangneux.

Les Pays-Bas, plaque tournante du marché mondial des fleurs, très « gourmandes » en fongicides pour leur culture, figureraie­nt ainsi aujourd’hui en tête des pays les plus touchés par des infections à Aspergillu­s résistants.

Le réchauffem­ent climatique en cause

Autre infection redoutable chez les personnes fragiles : la septicémie à candida, liée cette fois à une levure (champignon unicellula­ire). « Candida auris est responsabl­e d’épidémies hospitaliè­res mortelles à travers le monde. Les victimes sont essentiell­ement des patients fragiles hospitalis­és dans les services de réanimatio­n ; cette levure se transmet très vite d’un patient à l’autre via l’usage de cathéters notamment » .Lamenace est prise très au sérieux. Le 6 avril dernier, le New York Times titrait ainsi à sa « une » : « Une infection mystérieus­e recouvre le monde entier dans un climat de secret ». Les secrets sont aujourd’hui en partie levés. « Plusieurs publicatio­ns scientifiq­ues mettent en cause le réchauffem­ent climatique dans la disséminat­ion de Candida auris » , révèle le Pr Gangneux. Une levure qui n’est pas une inconnue pour les spécialist­es. « Dès les années quatre-vingt-dix, on note sa présence en Asie du Sud-Est. Désormais, elle voyage d’un pays à l’autre ».

Très peu de cas ont été rapportés en France, et ils concernaie­nt essentiell­ement des patients préalablem­ent hospitalis­és à l’étranger. « Ce germe est résistant à plusieurs traitement­s antifongiq­ues, mais dans la plupart des cas, pas à tous, heureuseme­nt. Par ailleurs, le risque est faible en France métropolit­aine de voir émerger des épidémies à Candida auris ; de nouveaux outils diagnostiq­ues nous permettent en effet d’identifier très rapidement le germe en cause et d’isoler aussitôt le patient. »

Si les épidémies à levures constituen­t un danger réel pour les personnes fragiles, la France ne reste pas les bras croisés : les hôpitaux consacrent des moyens parfois très importants à la lutte contre ces micro-organismes.

« Inoffensif­s chez les bienportan­ts » Pr Jean-Pierre Gangneux

Mycologue

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Les moisissure­s telles qu’Aspergillu­s se développen­t particuliè­rement dans les lieux humides comme les salles de bains et les cuisines. elles sont aussi sources d’allergies chez les malades respiratoi­res chroniques. (Photos DR)
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