MAILLOT RAVIVE L’HISTOIRE DE COPPÉLIA
Les frères Jean-Christophe et Bertrand Maillot préparent actuellement la nouvelle création des Ballets de Monte-Carlo. Le chorégraphe et le compositeur retracent l’histoire de Coppélia. Une création inédite et un gros défi pour la troupe.
L’un compose, l’autre chorégraphie. Un tandem qui s’équilibre. Une « osmose parfaite » assurent-ils. Une affaire de famille, surtout. Le chorégraphe-directeur des Ballets de Monte-Carlo, Jean-Christophe Maillot a sollicité son frère, le compositeur Bertrand Maillot pour la conception de son nouveau ballet.
Après avoir été absent de l’affiche traditionnelle de décembre au Grimaldi Forum l’an passé – pour achever 2019 et entamer 2020 – la compagnie donnera neuf représentations de leur Coppél-i.A du 27 décembre au 5 janvier sur la scène de la Salle des Princes. Un gros défi pour la troupe. Cette création inédite s’appuie sur la trame du ballet classique Coppélia. L’histoire demeure la même : celle d’un homme troublé par ses sentiments pour un automate aux contours féminins crée par un savant. Dans la version de Jean-Christophe Maillot, le savant sera un scientifique qui crée un robot à l’intelligence artificielle assurée. Un argument futuriste que le chorégraphe entend tout de même tenir dans les codes classiques de la danse pour sa nouvelle création. Ainsi, après avoir un temps envisagé d’écarter la partition classique originale de Léo Delibes, il a préféré la conserver. Il se la réapproprie avec l’aide de Bertrand, son frère.
Ensemble, ils ont revisité la musique de Delibes tombée dans le domaine public. Gardant la ligne mélodique classique et donnant un autre relief, parfois plus opératique pour servir le propos et accompagner la perception de la réalité des personnages. De la haute couture en somme pour adapter la musique à la vision chorégraphique.
Chorégraphie de l’instinct
Le processus de création a commencé il y a quelques semaines. Et il est toujours effervescent. Du studio de musique à celui de danse, il n’y a que quelques pas au sein de l’atelier de la troupe aux Moneghetti. Et le spectacle en création fait un va-et-vient incessant entre un et l’autre. Quand Bertrand compose sur ses machines, JeanChristophe est à ses côtés pour capter le pouls de la musique. Quand Jean-Christophe chorégraphie dans la salle de danse cathédrale de la troupe, Bertrand est aux premières loges pour s’imprégner.
Hier matin, travaillant sur une scène amoureuse entre Franz et Swanilda, Jean-Christophe Maillot a ouvert exceptionnellement les portes de ce studio où la chorégraphie est work in progress. Et c’est un spectacle dans le spectacle de le voir travailler. Il est tous les personnages à la fois. Passant d’un danseur à l’autre. « Un peu plus haut », «çavavenir» , « la jambe plus tendue », « c’est bien baby » . Sa voix résonne sans cesse, alternant du français à l’anglais. Si une caméra enregistre tous les gestes dans un coin de la salle, il n’y a ni notes, ni schéma. Tout se fait à l’instinct, face au miroir pour spectateur, pour écrire mouvement après mouvement, avec le corps des danseurs pour partition et pour mémoire, cette chorégraphie. « En ce moment, je produis 30 secondes à 1 minute 30 de spectacle par jour » souffle-t-il. Pour les danseurs choisis lors de cette répétition, l’enjeu est autant est de traduire les indications de leur chorégraphe que d’incarner leur personnage. Un travail qui influencera leur place dans la distribution finale du spectacle, qui sera dévoilée quelques jours avant la première. Au cours des deux heures de répétition, Maillot semble parfois animal, possédé par sa réflexion qu’il traduit en ondulation de son corps, que les danseurs dans sa lignée, imitent pas après pas. Un condensé de travail, où transpire aussi le plaisir. On comprend mieux pourquoi il avoue que « la construction du spectacle est plus jouissive que le spectacle ». Une fois livré, pour le patron des Ballets de Monte-Carlo, le spectacle appartient alors « à celui qui le regarde ».