Monaco-Matin

Maltraitan­ce sur animaux, un procès inédit

Poursuivie pour abandon et actes de maltraitan­ce sur animaux, la propriétai­re d’une quarantain­e d’équidés a comparu hier à Nice devant le tribunal qui rendra sa décision le 5 décembre

- MATHILDE TRANOY mtranoy@nicematin.fr

En juillet 2018, à la suite d’une plainte de l’associatio­n Les Sabots du Paradis, les services de police, saisis de l’enquête, se rendent à Saint-Roman-de-Bellet, à l’Élevage des anges où ils font une découverte déconcerta­nte. Sur ce terrain en restanques de 2 hectares, sont concentrés quarante-deux chevaux amaigris, côtes apparentes, infestés de parasites, sans abris contre les intempérie­s et les prédateurs. Leur nourriture repose à même le sol, en contact avec une couche d’excréments datant de plusieurs mois.

« Ce sont mes enfants »

Une partie des équidés saisis sont placés en famille d’accueil via des associatio­ns de défense des animaux. D’autres sont à ce jour introuvabl­es.

Les cheveux noués en chignon, toute de noir vêtue, Florentine, 41 ans, explique : « J’ai été emportée par ma passion. Je me suis laissée déborder, j’ai eu du mal à vendre certains poulains et chevaux et à contrôler les naissances. »

Parce que les juments et les entiers (mâles non castrés) étaient mélangés, le cheptel n’a cessé de grossir. Il accueillai­t aussi des équidés en fin de vie, pour leur éviter l’équarrissa­ge.

La prévenue concède « des erreurs », mais réfute tout acte de maltraitan­ce et abandon : « Je les aime, ce sont mes enfants, les chevaux c’est tout pour moi. Ils avaient tout ce dont ils avaient besoin. Je donnais du foin à volonté. Je ne sais pas pourquoi ils ont maigri. Ils étaient malades mais je les traitais. »

Syndrome de Noé

L’expert psychiatre a détecté chez l’éleveuse « des troubles psychiques ayant altéré son discerneme­nt » et « un état dépressif manifeste ». « Il indique que vous avez inconsciem­ment reconstitu­é avec vos chevaux votre propre histoire familiale », ajoute la présidente, faisant référence à son abandon, à l’âge de 3 mois, par ses parents biologique­s.

« Vous n’êtes pas dans en état psychologi­que de posséder des animaux. En avez-vous conscience ? », interroge Me Franck Koubi, avocat de l’Associatio­n pour la protection des animaux, partie civile, qui suggère que la prévenue souffrirai­t du syndrome de Noé, « qui consiste, de la part d’une personne en manque affectif, à accumuler des animaux pour se voir dans leurs yeux et considérer qu’elle est importante pour eux. »

« On nous dit qu’elle n’a pas toutes ses facultés. Elle en a eu suffisamme­nt pour faire disparaîtr­e treize chevaux, les éloigner, les troquer. Elle est incapable de nous dire aujourd’hui combien lui appartienn­ent et de produire des documents », s’agace Me Julie Valkenaere conseil des Sabots du Paradis et Rien que pour eux. Pour le parquet, il y a bien eu abandon, délit caractéris­é par des négligence­s graves qui mettent la vie des animaux en danger, et mauvais traitement par absence de prise en charge suffisante. « Quarante animaux ont souffert. D’autres sont morts. Elle ne pouvait ignorer leur situation de détresse », rappelle le procureur avant de suggérer quatre mois de prison avec sursis, l’interdicti­on définitive de posséder des chevaux et d’exercer, pendant cinq ans, une activité profession­nelle en relation avec les animaux.

En défense Mes David-André Darmon et Sylvia Stalteri plaident «le surmenage, l’épuisement physique » d’une personnali­té introverti­e « qui ne présente pas de danger pour la société » avant de demander la relaxe.

Le tribunal rendra sa décision jeudi 5 décembre.

 ?? (Photo Éric Ottino) ?? Une partie des chevaux de l’Élevage des Anges, à Nice, avait été saisie et confiée à des associatio­ns.
(Photo Éric Ottino) Une partie des chevaux de l’Élevage des Anges, à Nice, avait été saisie et confiée à des associatio­ns.

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