Neuf activistes jugés pour avoir souillé une banque
Le parquet de Nice a renvoyé, hier, ces militants devant le tribunal le 10 février. Ils répondront de « dégradations graves en réunion ». Ils dénoncent un traitement judiciaire disproportionné
Eux estiment être dans leur bon droit : celui d’interpeller leurs concitoyens. Mais pour la justice, ils l’ont outrepassé.
Hier, le parquet de Nice a ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel de neuf des dix personnes placées en garde à vue, ce week-end, à la suite d’une action visant la Société générale de l’avenue Jean-Médecin. Ils comparaîtront le 10 février. D’ici là, ils restent sous contrôle judiciaire.
Au pied du palais de justice, comme devant la caserne Auvare, une quarantaine de militants est venue manifester son soutien à leurs camarades. Samedi, en marge de l’acte 50 des « gilets jaunes », ce groupe a aspergé de produit noirâtre la façade de cette banque célèbre pour avoir été le théâtre, en 1976, du fameux « casse du siècle » d’Albert Spaggiari, à deux pas de la place Masséna.
Pas si lavable que ça
Cette opération réunissait notamment des militants d’Attac, d’Extinction rébellion et des figures habituées aux défilés « gilets jaunes ». Objectif : dénoncer la position de certaines banques, tant en matière d’évasion fiscale que d’investissement dans les énergies fossiles.
Ils ont souillé les murs avec du blanc de Meudon mélangé à du charbon. Mixture aisément lavable, selon eux. Mais force est de constater que des traces restaient visibles après nettoyage.
Dix hommes et femmes ont été placés en garde à vue dans les locaux de la sûreté départementale. L’un d’eux a été remis en liberté. Huit autres seront jugées le 10 février pour « dégradations graves en réunion » et « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ». Peines maximales encourues : cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Le dixième militant répondra de « complicité de dégradations ». Pour le parquet, la « gravité » des dégradations se justifie par un préjudice tant matériel qu’en termes d’image. La Société générale a déposé plainte, la Ville de Nice aussi. Les dégâts seraient estimés à 12 000 euros.
« Un faux procès »
D’Attac au PCF, des organisations militantes et partis politiques ont fustigé la sévérité des mesures : quarante-huit heures de garde à vue, des perquisitions chez plusieurs militants, un déferrement et, au final, un contrôle judiciaire. Ils ont l’interdiction de se fréquenter et de manifester aux abords de la banque prise pour cible.
Un traitement « totalement exagéré » aux yeux de Me Benjamin Taieb, avocat de deux militants. Son confrère, Me Badr Zerhdoud, qui en défend un autre, se dit « surpris par la disproportion entre les faits et la mesure décidée. Apparemment, l’affaire Legay a laissé des traces… » Raphaël Pradeau, porte-parole national d’Attac, voit dans ces mesures un « cadeau de départ » de Jean-Michel Prêtre. Le procureur de la République, fragilisé par l’affaire Geneviève Legay, quitte ses fonctions niçoises cette semaine pour Lyon.
« C’est un faux procès », répond le procureur de permanence à Nice. Le parquet s’attendait à une telle suspicion. « Mais il n’y a pas eu de traitement particulier. Avec dix personnes en garde à vue, il y avait des investigations à faire pour établir qui étaient les donneurs d’ordre. Cela prend du temps. Ce n’était donc pas disproportionné. Et le procureur luimême n’est pas intervenu. »