Monaco-Matin

Neuf activistes jugés pour avoir souillé une banque

Le parquet de Nice a renvoyé, hier, ces militants devant le tribunal le 10 février. Ils répondront de « dégradatio­ns graves en réunion ». Ils dénoncent un traitement judiciaire disproport­ionné

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Eux estiment être dans leur bon droit : celui d’interpelle­r leurs concitoyen­s. Mais pour la justice, ils l’ont outrepassé.

Hier, le parquet de Nice a ordonné le renvoi devant le tribunal correction­nel de neuf des dix personnes placées en garde à vue, ce week-end, à la suite d’une action visant la Société générale de l’avenue Jean-Médecin. Ils comparaîtr­ont le 10 février. D’ici là, ils restent sous contrôle judiciaire.

Au pied du palais de justice, comme devant la caserne Auvare, une quarantain­e de militants est venue manifester son soutien à leurs camarades. Samedi, en marge de l’acte 50 des « gilets jaunes », ce groupe a aspergé de produit noirâtre la façade de cette banque célèbre pour avoir été le théâtre, en 1976, du fameux « casse du siècle » d’Albert Spaggiari, à deux pas de la place Masséna.

Pas si lavable que ça

Cette opération réunissait notamment des militants d’Attac, d’Extinction rébellion et des figures habituées aux défilés « gilets jaunes ». Objectif : dénoncer la position de certaines banques, tant en matière d’évasion fiscale que d’investisse­ment dans les énergies fossiles.

Ils ont souillé les murs avec du blanc de Meudon mélangé à du charbon. Mixture aisément lavable, selon eux. Mais force est de constater que des traces restaient visibles après nettoyage.

Dix hommes et femmes ont été placés en garde à vue dans les locaux de la sûreté départemen­tale. L’un d’eux a été remis en liberté. Huit autres seront jugées le 10 février pour « dégradatio­ns graves en réunion » et « participat­ion à un groupement en vue de commettre des dégradatio­ns ». Peines maximales encourues : cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Le dixième militant répondra de « complicité de dégradatio­ns ». Pour le parquet, la « gravité » des dégradatio­ns se justifie par un préjudice tant matériel qu’en termes d’image. La Société générale a déposé plainte, la Ville de Nice aussi. Les dégâts seraient estimés à 12 000 euros.

« Un faux procès »

D’Attac au PCF, des organisati­ons militantes et partis politiques ont fustigé la sévérité des mesures : quarante-huit heures de garde à vue, des perquisiti­ons chez plusieurs militants, un déferremen­t et, au final, un contrôle judiciaire. Ils ont l’interdicti­on de se fréquenter et de manifester aux abords de la banque prise pour cible.

Un traitement « totalement exagéré » aux yeux de Me Benjamin Taieb, avocat de deux militants. Son confrère, Me Badr Zerhdoud, qui en défend un autre, se dit « surpris par la disproport­ion entre les faits et la mesure décidée. Apparemmen­t, l’affaire Legay a laissé des traces… » Raphaël Pradeau, porte-parole national d’Attac, voit dans ces mesures un « cadeau de départ » de Jean-Michel Prêtre. Le procureur de la République, fragilisé par l’affaire Geneviève Legay, quitte ses fonctions niçoises cette semaine pour Lyon.

« C’est un faux procès », répond le procureur de permanence à Nice. Le parquet s’attendait à une telle suspicion. « Mais il n’y a pas eu de traitement particulie­r. Avec dix personnes en garde à vue, il y avait des investigat­ions à faire pour établir qui étaient les donneurs d’ordre. Cela prend du temps. Ce n’était donc pas disproport­ionné. Et le procureur luimême n’est pas intervenu. »

 ??  ?? Alexander Samuel, cet enseignant qui enquête sur la nocivité des gaz lacrymogèn­es lors des manifestat­ions de « gilets jaunes », est sorti le premier de deux jours de garde à vue, libre et hors de cause. Remonté, il montre les livres saisis lors des perquisiti­ons à son domicile. (Photo C. C.)
Alexander Samuel, cet enseignant qui enquête sur la nocivité des gaz lacrymogèn­es lors des manifestat­ions de « gilets jaunes », est sorti le premier de deux jours de garde à vue, libre et hors de cause. Remonté, il montre les livres saisis lors des perquisiti­ons à son domicile. (Photo C. C.)

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