Fiasco nucléaire
Souvent prompt à critiquer le passé, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, a tendance à oublier qu’il fut partie prenante des affaires gouvernementales de à avant de se rallier au macronisme en . On ne lui reprochera pas, cependant, sa dernière saillie contre EDF et son fiasco dans la construction de l’EPR (réacteur européen à eau pressurisée) de Flamanville dans la Manche, centrale nucléaire dite de troisième génération.
« Emmanuel Macron devra bien un jour ou l’autre se prononcer sur l’avenir de cette filière. »
Lancé en , ce projet devait voir le jour en et coûter , milliards d’euros. Nous sommes en et bien loin de la fin de l’histoire puisque, au mieux, la centrale pourrait être achevée en et son coût, pour l’heure, est évalué à , milliards ! La faute à qui ? La réponse est venue hier du rapport que Bruno Le Maire avait commandé à Jean-Martin Folz, ancien p.-d.g. de Peugeot-Citroën, pour comprendre ce terrible revers. Terrible parce que la France fut très longtemps le leader mondial de l’industrie nucléaire, volant de succès en succès à l’exportation. Or ce fleuron est aujourd’hui bien mal en point, selon Jean-Martin Folz. « La construction de l’EPR de Flamanville, écrit-il, aura accumulé tant de surcoûts et de délais qu’elle ne peut être considérée que comme un échec d’EDF. » Échec, au demeurant, assumé hier par JeanBernard Lévy, président d’EDF depuis , responsable mais pas seul coupable dans ce dossier vieux de ans. Mais le pire n’est pas dans ce seul constat. Le plus inquiétant est ce diagnostic de Jean-Martin Folz : la perte de compétences d’EDF et de toute la filière nucléaire française est généralisée. Alors que la concurrence internationale est de plus en plus vive dans ce secteur, cette défaillance est grave. Elle se vérifie en Finlande où EDF a pris aussi un terrible retard dans la construction d’un EPR débuté en et toujours pas livré. Ce feuilleton finlandais devrait en principe s’achever en . EDF, en revanche, a connu plus de succès en Chine où deux EPR ont déjà démarré (en puis en ) avec succès. Mais de sombres nuages s’accumulent sur les contrats conclus en GrandeBretagne pour la réalisation de quatre réacteurs avec pour horizon , et .
Il est évident que le dossier Flamanville ne fait pas les affaires d’EDF alors que le nucléaire, parce qu’il produit une énergie décarbonée qui ne contribue pas au réchauffement climatique, retrouve des partisans à travers le monde. On comprend donc que, hier, Bruno Le Maire ait sommé le p.-d.g. d’EDF de lui fournir un plan d’action dans les jours. En outre, Emmanuel Macron, très silencieux sur ce sujet, devra bien un jour ou l’autre se prononcer sur l’avenir de la filière. À trop attendre, d’ailleurs, on peut redouter que la perte de compétences ne cesse de s’aggraver.