Un lieu de mémoire pour les rapatriés d’Afrique du Nord
Inauguré début octobre à Aix-en-Provence, le Conservatoire national de la mémoire des Français d’Afrique du Nord retrace 130 ans d’histoire dans un lieu unique en France
Quelques échelles traînent encore dans les couloirs, alors qu’un parfum de neuf et de peinture flotte dans l’air. Le Conservatoire de la mémoire des Français d’Afrique du Nord a été inauguré début octobre, à Aix-enProvence. « C’est un projet de dix ans, ce fut long, mais c’est un lieu unique en France », se réjouit le maître des lieux, Joseph Perez. Une fois les portes vitrées de ce bâtiment moderne passées, une grande fresque accueille les visiteurs. Sur cette toile, la représentation d’un bateau avec ses voyageurs. Parfois hagards. L’air perdu. Le tout parsemé de photos authentiques de rapatriés, sur les ports de Toulon et de Marseille, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie en 1962.
% des archives proviennent de dons
Des clichés signés, Pierre Domenech. Photographe au journal Le Méridional à l’époque, « il a offert plus de 250 de ses photos. Un don, comme 95 % des documents ou objets présents entre ces murs », explique Joseph Perez, président du Centre de documentation historique de l’Algérie (CDHA). « Depuis la création du CDHA, notre vocation est restée la même : sauvegarder des documents sous toutes les formes, ayant un lien avec l’histoire de France en Algérie, au Maroc ou en Tunisie », précise-t-il. Et de poursuivre« Nous parlons de 132 ans d’histoire. Tout ne se résume pas aux dernières années et à la guerre ». Dans cette quête d’archives et de moments d’histoire, les 250 m² des précédents locaux semblaient bien étroits. Le nouveau bâtiment de 1 400 m² permet d’abriter tous ces documents, dans des conditions optimales. Avec un silo sur quatre étages, permettant de garder à l’abri des variations de températures ou d’humidité les biens les plus précieux.
Mine d’or pour étudiants, chercheurs et familles
Parmi les pépites, on retrouve d’ailleurs des collections entières des journaux de l’époque comme L’Écho d’Oran ou Le Journal d’Oran. Mais aussi des revues spécialisées ou encore des catalogues entiers de cartes postales, des films et photos de famille également. Des tenues, armes ou objets du quotidien garnissent aussi les étagères. Autant de pièces indispensables pour comprendre et retracer la vie de l’époque. À cela, s’ajoutent « plus de 960 témoignages recueillis par nos bénévoles, sous forme d’interviews, autour des histoires de famille, pourquoi elles sont parties et comment elles ont été accueillies à leur retour en France », détaille Joseph Perez. Une mine d’or pour les étudiants, chercheurs ou documentaristes en quête de matière sur cette époque. Tout comme pour les enfants ou petits-enfants de pieds-noirs, à la recherche de « leur histoire ».
Le CDHA dispose également de cinq expositions, à consulter sur place ou itinérantes, autour des thèmes de l’exode, de l’art monumental en Algérie, de l’armée d’Afrique, les sections administratives spécialisées et une dernière sur les médecins de colonisation. Au sous-sol du bâtiment, des maquettes sont également installées. On y retrouve des reconstitutions de villages entiers, comme ceux de Oued-Taria ou Saïda. Des oeuvres offertes par des associations d’anciens de ces villages qui ont reproduit à l’identique ces lieux. « On se faisait à l’idée de n’avoir jamais un lieu de mémoire. C’est beaucoup de bonheur et d’émotion d’avoir ce centre pour raconter et transmettre cette histoire de la façon la plus authentique », conclut Jospeh Perez.