L’électricité par les vagues
UNE PREMIÈRE MONDIALE BIENTÔT À MONACO
Monaco est une terre de défis. Et en matière d’environnement, un État pionnier. Conçu et développé par la SBM Offshore dans ses laboratoires de Carros, un convertisseur d’énergie houlomotrice unique au monde sera expérimenté dans les eaux monégasques à horizon 2021. Durant douze mois (lire ci-contre), de longs tubes en caoutchouc immergés épouseront les mouvements des vagues pour les convertir directement en électricité. Un système présenté comme fiable, efficace, et respectueux de l’environnement. Sollicités par la SBM Offshore, les services du gouvernement ont accepté de mettre à disposition un site interdit à la navigation s’étendant du bout de la digue de Fontvieille à la frontière de Cap-d’Ail, au large de l’héliport, pour réaliser un test préalable à une éventuelle commercialisation. Décryptage d’une technologie révolutionnaire qui permettrait de produire de l’énergie propre à bas coût [50 EUROS/MWH, inférieur à l’éolien et au solaire, ndlr], sachant qu’un parc de machines pourrait produire 1 000 Mégawatts, soit l’équivalent de la puissance d’un réacteur d’une centrale nucléaire !
✘ Pourquoi l’État monégasque s’engage ?
« Si nous sommes aux côtés de la SBM Offshore pour cette première mondiale, c’est que la Principauté, sous l’impulsion de ses Princes, est depuis longtemps une terre d’innovation. Ici sont nées bien des initiatives, comme les premiers essais d’asphalte ou les prémices de vols en hélicoptère au Musée océanographique », a rappelé hier Marie-Pierre Gramaglia, conseiller de gouvernement-ministre de l’Équipement et de l’Environnement, évoquant « une Ville-État qui garantit des circuits courts de réflexion et de décision ». Une Principauté qui, pour répondre aux engagements du prince Albert II lors de la COP21, multiplie les innovations comme la centrale solaire sur le toit du Grimaldi Forum ou les boucles thalassothermiques déployées dans les quartiers de la Condamine et du Larvotto. Soixante ans après l’installation des premières pompes à chaleur, ces dernières couvrent d’ailleurs aujourd’hui «17% de l’énergie totale consommée en Principauté
». Grâce à la société Monaco Énergies Renouvelables, créée en partenariat avec la SMEG, l’État a même fait l’acquisition de huit centrales solaires en France, couvrant « 10 % de la consommation électrique de la Principauté ». Cette fois, le « risque » financier sera à la charge d’une entreprise privée, SBM Offshore. Mais Monaco a tout à gagner selon Annabelle Jaeger-Seydoux, directrice de la Mission pour la Transition énergétique. « Même si on ne peut pas bénéficier directement du résultat parce qu’il ne sera peut-être pas optimal en Méditerranée ; promouvoir les énergies renouvelables, apporter notre pierre à l’édifice fait partie de l’ADN de la Principauté. En termes de convergence d’intérêts et d’objectifs, ce test est à l’image de Monaco. » « La Méditerranée n’est pas une zone à objectif commercial, c’est clair. Mais les conditions sont parfaites à Monaco pour tester l’intégralité de notre système », affirme Ambroise Wattez, directeur du développement des affaires Énergies renouvelables et systèmes énergétiques extra-côtiers pour la SBM Offshore.
✘ Le savoir-faire de la SBM Offshore
Le chemin qui mène à la commercialisation est encore long pour la SBM Offshore. D’ici là, la prudence est de mise, notamment au regard des échecs cuisants de certains concurrents. Implantée à Edimbourg (Écosse), la société Pelamis Wave Power avait par exemple installé trois « serpents de mer » au large du Portugal avant que tout ne s’arrête avec la faillite de sa société exploitante. D’autres programmes ont également capoté de l’Atlantique au Pacifique. Mais dans cette course à l’innovation, la SBM Offshore affiche des garanties. « Nous sommes convaincus que les océans vont contribuer majoritairement au mix énergétique de demain. Ce n’est pas seulement une phase mais une transition. »
Didier Beynet, directeur de l’antenne monégasque de la SBM Offshore, rappelant le savoir-faire maison « en matière de conception, fabrication et commercialisation de systèmes et d’équipements maritimes à destination de l’industrie de l’énergie ». Energie longtemps fossile et de plus en plus « verte » depuis 2005.
✘ Une première mondiale
« Le problème majeur de l’houlomoteur, c’est que ce sont des structures pour la plupart en acier qui subissent la corrosion et de très fortes charges liées aux vagues et nécessitent donc beaucoup de maintenance. C’est un cercle vicieux avec des structures houlomotrices classiques d’une tonne pour 1 Mega Watt. Il faut sortir de ce paradigme et ça ne peut se faire qu’avec du flexible », résume Ambroise Wattez. Et la clé de la flexibilité, seule la SBM Offshore la détient grâce à une conception « bio-inspirée » . Un « biomimétisme » élaboré grâce à des polymères électroactifs (lire ci-contre) « qui assure une efficacité maximale du système ».
Le secret ? Une conversion directe de l’énergie, sans système intermédiaire hydraulique ou ajout de fluide. Aucune pièce mécanique et donc plus de résistance et moins de maintenance, là où d’autres innovations ont cédé sous l’effet du sel ou des UV.
✘ Quelle production ?
« La production nominale de la machine sera de 6 Mégawatts de puissance pour une unité. C’est comparable à une éolienne en mer. Un foyer français consommant à peu près 2 Kilowatts par jour ; 6 Mégawatts assurent l’alimentation de 3 000 foyers », avance Ambroise Wattez.
✘ Quel impact sur l’environnement ?
Pour un projet commercial, la durée de vie de l’équipement sera de 20 à 25 ans. Avec quel impact sur la faune et la flore ? A Monaco, durant le test, un suivi sera réalisé en partenariat avec la Direction de l’Environnement. L’ancrage du dispositif se fera par des lignes, mais sans socles. Des ancres qui dépendront des sols des sites, selon qu’il s’agisse de sable, de cailloux, de boues… Ambroise Wattez se veut rassurant : « La SBM Offshore a développé depuis plus de 60 ans l’intégralité des solutions d’ancrage dans le monde pour converger sur les moins impactants d’un point de vue environnemental. »