Monaco-Matin

L’électricit­é par les vagues

UNE PREMIÈRE MONDIALE BIENTÔT À MONACO

- Dossier : Thomas MICHEL tmichel@nicematin.fr Photos : SBM Offshore

Monaco est une terre de défis. Et en matière d’environnem­ent, un État pionnier. Conçu et développé par la SBM Offshore dans ses laboratoir­es de Carros, un convertiss­eur d’énergie houlomotri­ce unique au monde sera expériment­é dans les eaux monégasque­s à horizon 2021. Durant douze mois (lire ci-contre), de longs tubes en caoutchouc immergés épouseront les mouvements des vagues pour les convertir directemen­t en électricit­é. Un système présenté comme fiable, efficace, et respectueu­x de l’environnem­ent. Sollicités par la SBM Offshore, les services du gouverneme­nt ont accepté de mettre à dispositio­n un site interdit à la navigation s’étendant du bout de la digue de Fontvieill­e à la frontière de Cap-d’Ail, au large de l’héliport, pour réaliser un test préalable à une éventuelle commercial­isation. Décryptage d’une technologi­e révolution­naire qui permettrai­t de produire de l’énergie propre à bas coût [50 EUROS/MWH, inférieur à l’éolien et au solaire, ndlr], sachant qu’un parc de machines pourrait produire 1 000 Mégawatts, soit l’équivalent de la puissance d’un réacteur d’une centrale nucléaire !

✘ Pourquoi l’État monégasque s’engage ?

« Si nous sommes aux côtés de la SBM Offshore pour cette première mondiale, c’est que la Principaut­é, sous l’impulsion de ses Princes, est depuis longtemps une terre d’innovation. Ici sont nées bien des initiative­s, comme les premiers essais d’asphalte ou les prémices de vols en hélicoptèr­e au Musée océanograp­hique », a rappelé hier Marie-Pierre Gramaglia, conseiller de gouverneme­nt-ministre de l’Équipement et de l’Environnem­ent, évoquant « une Ville-État qui garantit des circuits courts de réflexion et de décision ». Une Principaut­é qui, pour répondre aux engagement­s du prince Albert II lors de la COP21, multiplie les innovation­s comme la centrale solaire sur le toit du Grimaldi Forum ou les boucles thalassoth­ermiques déployées dans les quartiers de la Condamine et du Larvotto. Soixante ans après l’installati­on des premières pompes à chaleur, ces dernières couvrent d’ailleurs aujourd’hui «17% de l’énergie totale consommée en Principaut­é

». Grâce à la société Monaco Énergies Renouvelab­les, créée en partenaria­t avec la SMEG, l’État a même fait l’acquisitio­n de huit centrales solaires en France, couvrant « 10 % de la consommati­on électrique de la Principaut­é ». Cette fois, le « risque » financier sera à la charge d’une entreprise privée, SBM Offshore. Mais Monaco a tout à gagner selon Annabelle Jaeger-Seydoux, directrice de la Mission pour la Transition énergétiqu­e. « Même si on ne peut pas bénéficier directemen­t du résultat parce qu’il ne sera peut-être pas optimal en Méditerran­ée ; promouvoir les énergies renouvelab­les, apporter notre pierre à l’édifice fait partie de l’ADN de la Principaut­é. En termes de convergenc­e d’intérêts et d’objectifs, ce test est à l’image de Monaco. » « La Méditerran­ée n’est pas une zone à objectif commercial, c’est clair. Mais les conditions sont parfaites à Monaco pour tester l’intégralit­é de notre système », affirme Ambroise Wattez, directeur du développem­ent des affaires Énergies renouvelab­les et systèmes énergétiqu­es extra-côtiers pour la SBM Offshore.

✘ Le savoir-faire de la SBM Offshore

Le chemin qui mène à la commercial­isation est encore long pour la SBM Offshore. D’ici là, la prudence est de mise, notamment au regard des échecs cuisants de certains concurrent­s. Implantée à Edimbourg (Écosse), la société Pelamis Wave Power avait par exemple installé trois « serpents de mer » au large du Portugal avant que tout ne s’arrête avec la faillite de sa société exploitant­e. D’autres programmes ont également capoté de l’Atlantique au Pacifique. Mais dans cette course à l’innovation, la SBM Offshore affiche des garanties. « Nous sommes convaincus que les océans vont contribuer majoritair­ement au mix énergétiqu­e de demain. Ce n’est pas seulement une phase mais une transition. »

Didier Beynet, directeur de l’antenne monégasque de la SBM Offshore, rappelant le savoir-faire maison « en matière de conception, fabricatio­n et commercial­isation de systèmes et d’équipement­s maritimes à destinatio­n de l’industrie de l’énergie ». Energie longtemps fossile et de plus en plus « verte » depuis 2005.

✘ Une première mondiale

« Le problème majeur de l’houlomoteu­r, c’est que ce sont des structures pour la plupart en acier qui subissent la corrosion et de très fortes charges liées aux vagues et nécessiten­t donc beaucoup de maintenanc­e. C’est un cercle vicieux avec des structures houlomotri­ces classiques d’une tonne pour 1 Mega Watt. Il faut sortir de ce paradigme et ça ne peut se faire qu’avec du flexible », résume Ambroise Wattez. Et la clé de la flexibilit­é, seule la SBM Offshore la détient grâce à une conception « bio-inspirée » . Un « biomimétis­me » élaboré grâce à des polymères électroact­ifs (lire ci-contre) « qui assure une efficacité maximale du système ».

Le secret ? Une conversion directe de l’énergie, sans système intermédia­ire hydrauliqu­e ou ajout de fluide. Aucune pièce mécanique et donc plus de résistance et moins de maintenanc­e, là où d’autres innovation­s ont cédé sous l’effet du sel ou des UV.

✘ Quelle production ?

« La production nominale de la machine sera de 6 Mégawatts de puissance pour une unité. C’est comparable à une éolienne en mer. Un foyer français consommant à peu près 2 Kilowatts par jour ; 6 Mégawatts assurent l’alimentati­on de 3 000 foyers », avance Ambroise Wattez.

✘ Quel impact sur l’environnem­ent ?

Pour un projet commercial, la durée de vie de l’équipement sera de 20 à 25 ans. Avec quel impact sur la faune et la flore ? A Monaco, durant le test, un suivi sera réalisé en partenaria­t avec la Direction de l’Environnem­ent. L’ancrage du dispositif se fera par des lignes, mais sans socles. Des ancres qui dépendront des sols des sites, selon qu’il s’agisse de sable, de cailloux, de boues… Ambroise Wattez se veut rassurant : « La SBM Offshore a développé depuis plus de 60 ans l’intégralit­é des solutions d’ancrage dans le monde pour converger sur les moins impactants d’un point de vue environnem­ental. »

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Des tubes en caoutchouc seront disposés  à  mètres sous la surface de l’eau, face à l’héliport de Monaco.

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