L’« amour secret » de B.B.
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■ était adhérent à la cave coopérative. Je me souviendrai toujours de cette fête de la vigne en septembre 1959 où, grappe de raisin à la main, il s’était écrié ‘‘Mon coeur crie vendange !’ », raconte Fernand Vié, parmi les fondateurs de cette institution vinicole ramatuelloise.
Deux mois plus tard, ce même coeur s’arrêtait subitement de battre...
Cru « Fanfan la Tulipe » Comme en témoignent les villageois à l’époque, « Gérard Philipe n’était pas un vigneron du dimanche. Il ne rechignait pas à mettre la main à la grappe ou à aider les paysans à défricher le vignoble en conduisant le tracteur ! Son beau domaine de 27 hectares donnait près de 1 000 hectolitres d’un vin délicieux et luimême présentait ses bouteilles qui portaient la mention ‘‘Mise en bouteille au clos Gérard Philipe’’ ».
Son souhait était, dit-on, de créer un cru qu’il aurait baptisé Fanfan la Tulipe, rôlephare qu’il citait aussi comme son héros de fiction préféré...
Capricieuse Ford A
Bon pied bon oeil à 95 ans, Fernand revoit également le fringant comédien au volant de sa vieille Ford A décapotable de 1920, dont les caprices mécaniques déroutaient les garagistes du golfe de SaintTropez.
Quant à ses pétarades infernales, elles rameutaient tous les gamins du village qui l’aidaient à gravir la pente qui mène au Café de l’Ormeau où il s’installait avec femme et enfants. L’antique guimbarde sera retapée par le Maximois François Lubert. « Je l'ai rachetée à un ferrailleur ramatuellois il y a une vingtaine d'années. C'était pire qu'une épave. À l'époque, je ne savais pas à qui elle avait appartenu, je suis avant tout collectionneur. J'ai passé une dizaine d'années à la restaurer et pour les 50 ans de sa disparition, j’ai fait faire un tour à la fille de Gérard Philipe ! », s'émerveille le président du club Var Automobiles Randonnées, qui profite encore de son rutilant tacot de 19 chevaux équipé de freins à tringle ancestraux, d'un moteur 3,3 litres et d'une boîte trois vitesses.
Fin des histoires du soir Dans son mas aux murs bas surnommé la « Maison rose » par les villageois en raison de la teinte de son crépi, Gérard Philipe « vivait en short et espadrilles, mangeait sous la tonnelle avec un enfant sur chaque cuisse, sortait la Ford pour aller se baigner à Pampelonne et savourer un loup au fenouil pêché du matin sur le port de Saint-Tropez, inventait chaque soir, avant le coucher pour Anne-Marie et Olivier, l’histoire de Zoé, la-petite-fille-quiavait-de-l’initiative », conte Jérôme Garcin dans Le Dernier hiver du Cid. Témoignage poignant sur les derniers jours de son beau-père qui vient de sortir chez Gallimard.