Monaco-Matin

Tel est pris qui croyait prendre

- L’ÉDITO de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

L’affaire, finalement, n’aura pas traîné. Après une semaine de révélation­s sur ses activités associativ­es et ses revenus non déclarés à la Haute Autorité pour la transparen­ce de la vie publique (Hatvp) Jean-Paul Delevoye, haut-commissair­e aux Retraites, avec rang de ministre, a donc remis hier sa démission au chef de l’Etat. Certes, Emmanuel Macron n’a pas manqué d’exprimer ses « regrets » mais il ne fait aucun doute qu’il l’ait lui même incité à renoncer à ses fonctions. La première grande loi du quinquenna­t, promulguée dès le  septembre , n’était-elle pas consacrée à la moralisati­on de la vie publique ! Promis pendant la campagne présidenti­elle, ce texte voulait être un marqueur du nouveau monde macronien.

François Bayrou, grand moralisate­ur, en avait été la première victime. Garde des Sceaux dès mai , il avait préparé la loi mais, pris dans l’affaire des emplois fictifs des assistants parlementa­ires de son parti (le Modem) au Parlement européen, il avait dû abandonner son ministère au bout de  jours. Bien que clamant son innocence, il a été mis en examen le  décembre dernier, comme d’autres de ses proches, pour « complicité de détourneme­nt de fonds publics ».

En matière de morale, souvent s’applique le proverbe “tel est pris qui croyait prendre” C’est aussi le cas, aujourd’hui, avec Jean-Paul Delevoye, belle âme qui déclarait en juin  :

« Personne n’est épargné par l’applicatio­n des principes et du devoir de respecter les règles et les principes de transparen­ce et de moralité par rapport à l’argent public. » Surprise, il a luimême oublié de déclarer à la Hatvp  de ses  mandats associatif­s et, plus sérieux, il a continué à être payé

(  euros mensuels) par un think tank alors que l’article  de la Constituti­on stipule sans la moindre ambiguïté que « les fonctions de membre du gouverneme­nt sont incompatib­les avec [...] toute activité profession­nelle ». Jean-Paul Delevoye a avancé sa bonne foi. Reste que la faute de cet homme pourtant très expériment­é est bien réelle. Les conséquenc­es politiques de “sa légèreté” sont, en outre, considérab­les. C’est, d’abord, un rouage essentiel de la réforme des retraites, peut-être le meilleur expert du dossier, apprécié en outre des syndicats, qui saute alors que le conflit social sur le projet gouverneme­ntal se durcit. Son départ montre, ensuite, que la macronie est bien loin d’avoir les vertus qu’elle prêche. Quelques-uns de ses membres ont, d’ailleurs, réagi comme dans l’ancien monde, dénonçant, à la manière conspirati­onniste d’Elisabeth Borne, «une ficelle un peu grosse faite pour déstabilis­er Delevoye ». Sauf que les faits sont têtus ! Emmanuel Macron a bel et bien dû s’incliner devant eux.

« Son départ montre, ensuite, que la macronie est bien loin d’avoir les vertus qu’elle prêche »

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