Monaco-Matin

Le rouge et l’orange

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les syndicats « réformiste­s », portant non sur le principe d’universali­té mais sur le sujet – « l’intrus », dixit Berger – qui s’est invité dans la discussion : l’âge dit « d’équilibre ». En clair : ceux qui le souhaitent – et le peuvent ! – devraient bosser jusqu’à  ans pour toucher une retraite pleine. Les autres, chômeurs, travailleu­rs usés ou poussés vers la sortie, obligés – bon gré, mal gré – de partir à  ans, subiraient – à vie ! – une décote de  %. Pour la CFDT et l’UNSA, c’est une « ligne rouge ». Selon le Premier ministre, une mesure nécessaire pour installer le nouveau système sur des bases financière­s saines… à moins que les partenaire­s sociaux aient une meilleure idée.

La journée d’hier ne sera pas décisive.

Plutôt moins massive que ne l’espéraient les syndicats, mais pas moins déterminée, cette manif double plutôt qu’unitaire, où l’orange et le rouge ne se mêlaient pas, a, au fond, clarifié les choses : il n’y a pas une mais bien deux batailles des retraites. Un train peut en cacher un autre. Pour filer la métaphore ferroviair­e,

« Il y a bien une autre disons que l’affaire se joue sur deux voies parallèles – qui donc ne se rejoignent pas. Pas plus que ne se sont rejoints, hier, les cortèges de la CGT et de la CFDT – où Laurent Berger a fait un passage éclair. Sur la voie de gauche, deux trains sont lancés face à face : entre le gouverneme­nt et le front du refus (CGT,

Sud, LFI, PC, etc.), on n’aperçoit pas d’aiguillage susceptibl­e d’éviter le choc. Pas d’espace pour un compromis négocié. L’un des deux devra caler. Ou dérailler. Sur l’autre voie, un conflit de moindre intensité entre le gouverneme­nt et

Le problème, c’est que pour équilibrer des comptes, il n’y a pas trente-six solutions. On en connaît trois : .Allongerla­duréedecot­isation– c’est « niet » dit la CFDT ;

. Baisser le niveau des pensions (personne ne le veut) ;

. Augmenter les cotisation­s (pas question, dit le Medef).

Ah ! si, il y a bien une autre solution : c’est de renvoyer la décision à des jours meilleurs – quand on sera sorti de la crise actuelle – et laisser les partenaire­s sociaux régler ça entre eux, sans leur mettre un revolver sur la tempe.

C’est dans le périmètre dessiné par

solution : c’est de renvoyer la décision à des jours meilleurs. »

ces quatre hypothèses (carré ou quadrature du cercle) que se trouvent, bien cachés pour le moment, les termes d’un possible et nécessaire compromis.

Au gouverneme­nt de faire le premier pas. Après tout, c’est lui qui – en dépit des mises en garde – a assumé de mettre la CFDT dans la rue. Lui qui a fait le choix – et pris le risque – de charger la barque en ajoutant à la réforme « systémique » une mesure d’économie forcément impopulair­e, et qui, au surplus, n’avait pas été annoncée.

Habile manoeuvre destinée à se donner une marge de négociatio­n ? Les stratèges en chambre le pensent. On n’aurait introduit l’âge pivot que pour pouvoir le retirer le moment venu afin de briser le front syndical. Le chroniqueu­r n’en croit pas un mot. Entre le machiavéli­sme et l’erreur, toujours privilégie­r la seconde hypothèse. Mais au fond, à ce stade, peu importe. En opérant le « bougé » que les syndicats réformiste­s attendent de lui, sur l’âge d’équilibre, sur la pénibilité, le pouvoir a l’occasion de mettre sur de nouveaux rails un projet bien mal engagé.

Ce qui se joue là, ce n’est pas seulement le succès ou l’échec de la réforme phare du quinquenna­t. C’est la crédibilit­é du syndicalis­me réformiste, face à l’intransige­ance de la CGT. C’est la capacité de la société française à sortir de la culture de l’affronteme­nt où, de crise en crise, elle use ses forces et ses nerfs.

C’est ça, le vrai progressis­me.

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