Le livre du jour
L’amitié peut-elle survivre à la politique ? Résister au choc frontal des ambitions ? Responsable de la rubrique littéraire du
Journal du dimanche, Marie-Laure Delorme tente de démêler ce vaste sujet. En mesurant d’entrée le fossé qui sépare les « vassaux tolérés » des véritables « frères d’armes ».
Edouard Philippe : « On s’embrasse facilement en politique. Quand tout va bien, beaucoup de gens singent l’amitié. Il ne faut pas confondre amitié et camaraderie. » François Mitterrand, fidèle jusqu’au bout à René Bousquet, avait placé l’amitié au-dessus de tout. Mais ses véritables amis étaient ceux de sa jeunesse et n’appartenaient pas au cercle du pouvoir. Même l’amitié sincère peut se muer en froid réalisme. Lionel Jospin et Pierre Moscovici ont toujours été proches. Mais en , raconte Marie-Laure Delorme, le second s’est refusé à intercéder auprès de Dominique Strauss-Kahn pour qu’il laisse la possibilité à l’ancien Premier ministre de se relancer à la conquête de l’Elysée. De François Hollande, Moscovici dit qu’il
« est un galet, tout glisse sur lui. Il n’est l’ami de personne ». Aquilino Morelle est plus marri : « Je me suis trompé sur Hollande, j’ai cru qu’il était un ami. Sous des apparences bonhommes, il reste en fait un oiseau de proie. »
Un constat sibyllin qui revient, chez d’autres, au sujet de Macron, Bayrou, Juppé... Tous « solitaires irréductibles ». L’amitié en politique relève d’abord du compagnonnage. Qui se passe bien, façon Sarkozy-Hortefeux, lorsqu’il s’apparente aussi à « une servitude choisie ». « L’amitié en politique existe, jusqu’à ce qu’on entre en rivalité », note l’eurodéputé Gilles Boyer. Pour Sylvain Fort, ex-plume de Macron, « la politique est la pire des épreuves pour l’amitié ». Fils uniques qui se sont « choisis », les ministres Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu s’appellent chaque jour et partent en vacances ensemble. « Pour l’instant, ils en sont là. » La suite à lire, peut-être, dans quelques années.