Monaco-Matin

Medvedev : « J’ai toujours détesté perdre »

Le Russe Daniil Medvedev, 23 ans, s’entraîne au sein de l’Elite Tennis Center de Cannes depuis près de six ans. Le 5e joueur mondial est revenu avec nous sur sa folle année 2019

- FABIEN PIGALLE

L’invitation avait été envoyée par ses équipement­iers Tecnifibre et Lacoste qui organisaie­nt à Cannes un camp de base d’une semaine pour une poignée de jeunes talents français et européens âgés de  ans.

Nom de code : “Les petits crocos”. Le ciel était gris mais personne ne tirait la tronche. Il faut dire qu’à l’Elite Tennis Center dirigé par l’ex-pro Jean-René Lisnard, à Cannes-La Bocca, Daniil Medvedev a bien joué le jeu. Serrant les points et offrant le meilleur de lui. Sur le court, et en dehors. Un moment de partage que les jeunes ont apprécié même si dans l’échange, le Russe filiforme n’a pas fait de cadeau. Arrivé sur la Côte d’Azur à  ans, Medvedev,  ans, vit à Monaco. Mais c’est à Cannes qu’il transpire le plus. Coaché par Gilles Cervara, c’est dans un français parfait qu’il nous a compté sa folle ascension. Celle d’un joueur passé de la e place mondiale au top  en l’espace de  ans. Un Russe au tempéramen­t latin.

Vous avez échangé des balles avec “les petits crocos”... Quel type de joueur étiez-vous àans?

Je jouais plutôt bien pour être bien classé au niveau européen. J’étais n°, top . Mais j’avais du mal à faire de gros résultats dans les grands tournois. Je n’ai pas réussi à aller ne serait-ce qu’en quart. Ça m’a apporté beaucoup d’expérience et c’est pour cela que j’aime bien partager mes émotions et jouer avec les enfants, car ça peut leur apporter beaucoup. En me voyant jouer ça peut leur être utile dans leur carrière. J’espère que ça va leur apporter. Si ce n’est pas le cas, ça voudra dire que j’ai échoué dans quelque chose (rire).

Jeune, vous ne gagniez pas, et pourtant vous n’avez jamais lâché. Pourquoi ?

Parce que j’ai toujours détesté perdre. J’ai toujours été comme ça. Quand je perdais, j’étais défait. Je ne gagnais pas et je n’aimais pas ça. A  ans, je pleurais après chaque défaite. J’ai commencé le tennis à  ans, donc ça faisait déjà  ans que je tapais la balle, je ne pouvais pas m’arrêter en me disant que je n’avais rien réussi à faire. Je savais que je voulais me donner toutes les possibilit­és pour y arriver. Je me serais arrêté si à un moment je n’avais pas été convaincu de pouvoir être au top. Mais j’ai toujours été sûr de moi.

A cet âge-là,  ans, le piège et de vouloir cogner toutes les balles.

Vous avez connu ça...

Jusqu’à ,  ans, je ne savais que frapper. Encore et toujours. Je ne ralentissa­is le jeu que lorsque j’étais tendu et que j’avais peur de rater. C’est mal. Avec l’âge et l’expérience j’ai changé mon tennis pour être plus réfléchi. Certains continuent de tout taper sur le circuit et ça leur réussi, attention. A  ans, on a encore le temps de découvrir ce qui vous convient le mieux.

La plus grosse erreur que font les jeunes c’est qu’ils pensent que nous, les tops joueurs, on attaque toutes les balles et qu’on frappe cinq fois plus fort qu’eux. Mais ce n’est pas vrai.

Même à l’entraîneme­nt face à des jeunes, il n’est pas question de faire de cadeaux...

Oui. C’est normal. J’ai essayé de jouer au max. Le but est bien de leur montrer comment je joue, et leur montrer le chemin qui leur reste à accomplir pour se jauger, non ?

Parlez-nous de votre arrivée sur la Côte ?

Je suis arrivé ici quand j’avais  ans. Mes parents ont choisi ça pour moi, et c’était une bonne décision avec le recul. Ma soeur habitait là et c’est pour cela que nous sommes venus ici pour s’entraîner. Si ça ne marchait pas, on aurait continué à chercher quelque chose d’encore mieux pour progresser. Mais je suis toujours là et ça marche plutôt bien (rire). Je suis content d’être tombé là par hasard, mais pas que.

Malgré votre explosion, vous continuez de vivre normalemen­t, à commander le plat du jour comme tout le monde au milieu du club house...

Pourquoi voulez-vous que je change ? Évidemment mes résultats et l’argent que je gagne ont changé quelques aspects de ma vie. Ma maison sera un peu mieux, et ma voiture aussi. J’ai beaucoup plus de possibilit­és de me faire plaisir alors qu’avant je ne pouvais pas, c’est vrai. Mais sinon, ma vie ce n’est pas de chercher sur Google le restaurant le plus cher où aller manger à Cannes pour perdre  minutes puis revenir m’entraîner. Il n’y a aucune raison à faire ça. Je regarde toujours les mêmes séries, je joue encore à la PlayStatio­n, plus à Rainbow six qu’à Fortnite. Je fais ce que j’aime. M’entraîner ici et être avec mes amis, des gens que j’ai connus plus jeune, ça me fait plaisir. Ici, il y a aussi beaucoup de Russes, des amis que j’ai connus en junior et qui le resteront.

Qu’avez-vous été obligé de changer dans votre vie avec le succès ?

Je veux rester moi-même, mais il faut que je fasse attention à ce que je dis. Je ne peux pas dire de gros mots, même si un joueur de tennis est un homme comme un autre dans le fond. On est aussi des enfants. Gueuler sur la route avec un ami, c’est drôle... mais il faut comprendre que ça peut ne pas l’être pour tout le monde et qu’avec les réseaux sociaux il faut faire attention. Le moindre écart peut sortir dans la presse, et après t’es mort (sourire).

Ce n’est pas changer, mais faire attention. Sinon le plus simple, c’est de rester le même.

C’est dur pour vous de devoir faire attention alors que vous êtes réputé pour être volcanique ?

Dans la vie, je ne suis pas un énervé ou un fou dans l’expression des émotions. Dans la vie, tout va bien. C’est sur le court de tennis où c’est difficile et j’ai dû beaucoup travailler. Quand j’entends certaines personnes me dire que je suis fou, dans ma tête, je me rappelle d’où je viens... Je me dis heureuseme­nt qu’ils ne m’ont pas connu quand j’avais  ou  ans. Mais j’ai beaucoup progressé dans cet aspect et je dois encore le faire pour être très bien mentalemen­t.

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Pourquoi voulez-vous que je change ? ”

C’est ce qui vous manque pour faire mieux que e mondial ?

(Il hésite) Parfois. Je peux perdre quelques matches à cause de ça. Mais si je n’avais pas cette folie, je pense que j’aurais pu aussi perdre d’autres matches que j’ai remportés. L’adrénaline m’aide. C’est comme le physique ou la technique, on ne sait pas quel aspect en particulie­r va vous permettre d’aller plus haut, et c’est pour ça qu’on travaille les trois.

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(Photos Patrice Lapoirie) Daniil Medvedev n’a fait aucun cadeau sur le court.
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