Monaco-Matin

« J’ai fait peur à beaucoup »

- La triple vice-championne du monde était en visite à la patinoire Jean-Bouin, la semaine dernière. Elle a rencontré les enfants du Nice Baie des Anges Associatio­n. Club dont elle est devenue la marraine.

de la concurrenc­e.

Font-elles tout pour réussir ?

Les meilleurs s’entraînent aux Etats-Unis mais ça ne marche pas. Il manque quelque chose, notamment dans la mentalité. A mon époque, on avait vraiment faim. A part les Russes qui travaillen­t comme des forcenées, en France comme aux Etats-Unis, il ne faut pas forcer au risque de décevoir l’athlète et de le frustrer. C’est la nouvelle génération. Elle n’a pas envie de s’arracher.

Vous n’avez pas eu envie de travailler avec Maé-Bérénice Meité, la n° française ?

On ne me l’a jamais proposé. Je me suis renseignée une fois quand elle a eu des problèmes il y a trois-quatre ans. On m’a répondu qu’on n’avait pas besoin de mes services. C’est dommage. Je gagne mieux ma vie aux ÉtatsUnis que si j’étais en France, mais j’aimerais entraîner des champions, des patineurs qui veulent franchir un cap.

On vous disait « rebelle », avez-vous cultivé cette facette de votre personnali­té ?

C’est plus une étiquette qu’on m’a collée. Quelqu’un est rebelle dès qu’il cherche à garder sa propre personnali­té. Tout en respectant certaines règles, je voulais faire du sport sans avoir de limites. Ça me gêne un peu de n’être réduite qu’à ça, même si je comprends. Ça a marqué les gens. J’ai une personnali­té sur la glace mais je suis aussi très réservée en dehors.

En , vous refusez de monter sur la deuxième marche du podium aux Mondiaux, estimant mériter le titre. Feriez-vous la même chose aujourd’hui ?

Je ferais les choses peut-être d’une autre façon, mais je marquerais quand même le coup. Je conçois qu’il faut toujours rester fair-play, je transmets ce message à mes élèves, mais il faut parfois savoir frapper du poing sur la table. Je n’ai pas voulu être méchante. Avec Yuka Sato

(la championne du monde, ndlr), nous sommes restées amies. J’ai plus revendiqué contre les juges et le système.

La notation des juges a-t-elle progressé depuis ?

Un nouveau système de notation a été mis en place, c’est mieux, mais je ne pense pas que ce soit optimal. Je trouve encore des compétitio­ns où de bons patineurs finissent mal classés. Il y a moins de géopolitiq­ue, magouilles, mafias et pots-de-vin, mais on perd un peu les fans. Que veut dire aujourd’hui une note de  ou  points ?

Pensez-vous avoir été, parfois, victime du racisme de certains juges ?

Je n’ai jamais mis le racisme en avant. Ça peut être le point de vue des gens ou le vôtre pour expliquer certains de mes résultats. Ça a pu jouer mais je ne pense pas que ce fut le plus important. Quand je suis arrivée dans le patinage, j’ai toujours été précoce et j’ai fait peur à beaucoup de monde. J’étais toujours surclassée de deux ans et plus costaude que les autres. Il y avait aussi le cas de ma mère qui m’entraînait et qui n’avait pas les diplômes. J’ai rebattu les cartes. C’est ça qui a dérangé.

Votre mère n’a pas été épargnée par la critique. Son intransige­ance et son absence de diplôme ont été pointées du doigt…

Pour certains, elles étaient même un « gourou ».

Ce n’était pas mérité. Son but était d’être une mère et de me donner le maximum d’atouts et d’amour. Elle a dérangé d’autres entraîneur­s.

Elle aurait pu rester assise dans son fauteuil mais elle a souvent pris la place de coachs qui n’avaient pas fait leur travail. J’ai mieux travaillé avec ma mère qu’avec Tatiana Tarassova, une prof’ russe très célèbre. J’avais déménagé à Boston (Etats-Unis) pour ma dernière saison et les Jeux de Nagano. Au final, elle ne m’a pas entraînée, jouant un double jeu et favorisant l’équipe russe. J’avais un espion dans ma propre maison. Sans ma mère, je n’aurais pas pu participer aux Jeux. Elle m’a souvent sortie de gros problèmes.

Qu’est-ce qui manque le plus à votre palmarès ? La médaille mondiale ou olympique ?

Les Jeux restent le meilleur souvenir de ma carrière. Une médaille olympique aurait été l’apothéose mais ce n’est pas pour tout le monde. J’ai raté le bronze pour un demi-point à Lillehamme­r (). Des gens pensent que je l’ai eu. Dans le fond, je préfère ne pas l’avoir gagné et que les gens se souviennen­t de moi.

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En , aux Jeux d’Albertvill­e, vous êtes

e après le programme court. Didier Gailhaguet, votre entraîneur, vous demande d’assurer lors du libre mais vous ne l’écoutez pas et vous terminez e.

Je n’ai aucun regret. Etre prudente n’était pas ma façon de vivre (elle avait tenté de devenir la première femme de l’histoire à passer un quadruple boucle piqué en compétitio­n). Avec le stress et la malchance, parfois, ça ne passe pas.

Née le  décembre  à Nice ( ans). Ex-patineuse artistique retraitée depuis .

Elle coache aujourd’hui à Minneapoli­s et Las Vegas. Palmarès : nonuple championne de France en individuel entre  et , quintuple championne d’Europe de  à , triple vice-championne du monde de  à  et e des Jeux Olympiques en .

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