Monaco-Matin

« Moi, maire » : La parole est à vous

Transports, santé, commerce... À deux mois des municipale­s, des citoyens disent leurs craintes et espoirs pour leur commune. Ils formulent des propositio­ns pour améliorer le quotidien. Première étape de notre road trip hebdomadai­re dans un village en ébul

- Reportage : Christophe CIRONE ccirone@nicematin.fr Photos : Clément TIBERGHIEN

Le village se meurt ! » Ce diagnostic lapidaire résonne comme un écho, à Saint-Martin-Vésubie, sur les façades des commerces fermés pour congés, ou fermés pour de bon. Il y a pourtant foule, ce mardi matin, rue du Dr-Joseph-Cagnoli. Une foule en deuil. On célèbre des obsèques en l’église Notre-Dame-de-l’Assomption. La métaphore est tentante... Mais un peu rapide. « On dirait que le village périclite », soupire Gérard Giuglaris, 72 ans, qui lit son NiceMatin sur un banc ensoleillé. Ce Niçois vit entre le littoral et Saint-Martin. Il monte ici depuis 1954. « On a vu l’évolution... en mal. Ces dernières années, c’est de pire en pire ! Il y a plein de petits commerces qu’on ne retrouve pas. Beaucoup de gens travaillen­t sur la zone de Carros ; ils font leurs courses en bas. »

Bienvenue à Saint-Martin-Vésubie, dans « la petite Suisse niçoise ». Un village à la croisée des chemins, un village en ébullition à deux mois du premier tour des municipale­s. Sur ces terres ciottistes, qui ont vécu par procuratio­n la guerre Ciotti/Estrosi, ils sont au moins trois à convoiter la place du maire actuel, Henri Giuge. À commencer par Honoré Ghetti, finaliste coiffé sur le poteau en 2014. Au coeur du débat : la vie économique locale. Un seul commerce vous manque et tout est dépeuplé. À Saint-Martin, le grand absent, c’est le tabac-presse. Cette adresse centrale, sous les fenêtres de la mairie, a fermé l’an dernier. Paradoxe pour un tabac : c’est comme si le village était privé d’un poumon de vie sociale.

Le coup du tabac

Le nouveau propriétai­re du bâtiment – « le sauveur du village », ironisent certains – aurait arrêté les frais après un dégât des eaux. « Il attend un repreneur, mais ne trouve personne prêt à investir » ,explique Olivier Thiaville. Ce quadra a repris en gérance la brasserie-pizzeria des Alpes, ouverte, elle, 7 jours/7. Il se dit « premier lésé » par l’absence de tabac-presse. Mais il refuse de lui imputer tous les maux saint-martinois. Car le potentiel est là. Saint-Martin, c’est un village de 1400 âmes cerné de montagnes majestueus­es, tremplin pour le Mercantour et ses évasions enivrantes. Il y a là des équipement­s attractifs : Vesubia mountain park, parc Alpha au Boréon, tyrolienne de la Colmiane, thermes de Berthemont-les-bains... L’été, le village foisonne d’activités. Mais hors saison, comme dans bien des communes rurales, l’activité économique se grippe. Ou plutôt, elle tend à « se déplacer à Roquebilli­ère, remarque Yvon Cans, 64 ans, patron du restaurant La Trappa. Il faut enrayer cela ! »

Pour résumer, il manque la demande pour stimuler l’offre... et vice-versa. Olivier Thiaville énumère : manque de couverts, de lits, et même de places de stationnem­ent. « Un village ou une station de montagne, c’est comme une pièce de théâtre. Si un acteur n’est pas bon, la pièce s’en ressent. Et si des acteurs manquent à l’appel, la pièce se casse la figure ! »

Voeux de santé

Pourtant, certains y croient, à cette pièce. Tels Carine et Patrice Meghar. Voilà un an, ces jeunes quadras sont venus reprendre la supérette Casino. Un signal positif. Mais leur fille, 17 ans, a interrompu sa scolarité au lycée de Valdeblore. « Elle n’arrivait pas à faire les va-et-vient. À force, ça démotive... »

« Le gros problème ici, ce sont les déplacemen­ts », atteste Jean-Patrick Renaudi, ex-pizzaïolo avec « une « petite retraite » et pas de voiture. Corollaire ? L’accès aux soins limité. « Depuis un an, on n’a plus qu’un médecin, regrette Carine Meghar. Il faut faire la queue longtemps. Du coup, parfois, on s’auto-médicalise. Même lui, il fait des heures abominable­s ! »

La désertific­ation médicale. Voilà l’un des symptômes du mal des montagnes, sujet de bien des joutes politiques. Fin novembre, l’hôpital Saint-Antoine, perché sur les hauteurs du village, a vu ses huit lits de médecine transférés chez le voisin Roquebilli­ère.

« Provisoire­ment », assure le maire. Pour l’heure, le joli bâtiment rose s’en tient à la fonction d’Ehpad. Au moins, ses 43 lits sont pourvus. Le tableau serait-il donc si sombre ? Pas si sûr. Un peu plus haut, place aux grandes manoeuvres. Ouvriers, grues, pelleteuse­s : un vaste ballet s’active pour faire émerger une résidence hôtelière 4étoiles, de plus de 200 lits. Un projet XL orchestré par Habitat 06, l’opérateur immobilier du Départemen­t, et réalisé par des entreprise­s du cru. Le contraste avec l’ambiance apathique au village est saisissant...

Ouf ! On bâtit donc l’avenir à Saint-Martin-Vésubie. Mais ce n’est pas cela qui a incité Pierre Franco, 32 ans, à quitter l’Ariège avec sa compagne et leur bébé Armel, juste après sa naissance. « Il y a une qualité de vie sympa et c’est quand même moins cher qu’à Nice », résume Pierre, qui administre un site web en télétravai­l. Pourtant, le jeune papa aimerait voir Saint-Martin reverdir. Au sens propre, en se mettant au tri et au compostage. Au sens figuré aussi, en accordant plus de place aux jeunes dans la vie de la cité. Il résume : « Les gens veulent juste avoir un coin paisible pour vivre, du lien social et un travail qui a du sens. »

Des jeunes ? Il y en a, aussi, au Vesubia mountain park.

Inauguré en 2016, géré par l’UCPA, ce complexe sportif géant revendique 70 000 entrées par an, dix-huit CDI et une dizaine de saisonnier­s l’été. « Le Vesubia a créé de l’emploi, fait venir du personnel. Et il amène beaucoup de gens de Nice », estime Nathalie Clément, la jeune directrice. Finalement, Saint-Martin-Vésubie a donc de la vie à revendre. À l’image de sa zone d’activité, en contrebas – « un deuxième village »,

selon un artisan. Dès lors, certains habitants comptent vivre les élections avec passion. Tels la libraire Caroline Duhamel, qui « croit beaucoup à l’action locale. Ça me semble primordial. Et ça commence par là. »

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 ??  ?? Tout au long de notre journée de reportage, les villageois ont laisser leurs propositio­ns dans cette urne, en mode «avoté» . Les voici reproduite­s ci-contre.
Tout au long de notre journée de reportage, les villageois ont laisser leurs propositio­ns dans cette urne, en mode «avoté» . Les voici reproduite­s ci-contre.
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