Monaco-Matin

Sur l’A, Jean-Claude veille avec sagesse sur nos vies

Depuis le début de l’année, huit fourgons d’interventi­on ont été heurtés sur le réseau Vinci autoroutes. Chaque jour, les patrouille­urs voltigent au milieu de nos imprudence­s

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Si vous saviez le nombre de conducteur­s que je vois avec un ordinateur portable sur les genoux... Et le téléphone, n’en parlons pas...» Jean-Claude Jarus, 60 ans, patrouille depuis vingt ans sur l’A8 pour Vinci Autoroutes, entre Mandelieu et Saint-Laurent-du-Var. Nous avons embarqué avec ce témoin quotidien de nos petites et grandes imprudence­s.

Le 16 janvier, un véhicule d’interventi­on a été percuté sur le réseau Vinci par un poids-lourd, vers Narbonne. La vidéo qui tourne sur les réseaux sociaux est saisissant­e. Vendredi dernier, un nouveau fourgon a été percuté sur l’A10. Le huitième depuis le début de l’année. En 2019, 47 véhicules d’interventi­on avaient été heurtés.

Équilibris­te en jaune

Chaque nouvel accident replonge Jean-Claude et les patrouille­urs dans des souvenirs douloureux. Des collègues décédés, d’autres blessés. À la direction régionale d’Escota de Cannes la Bocca, où nous l’avons retrouvé, une carcasse de fourgon témoigne de la violence des impacts.

« Deux collègues, Hélène et Eric, ont été grièvement blessés. C’était le 13 décembre 2018 à hauteur de la sortie Cannes-Mougins. Le chauffeur de poids-lourd s’était endormi, il les a percutés alors qu’ils balisaient une zone. » Alors, sur l’A8, Jean-Claude joue les équilibris­tes en jaune. Chacun de ses gestes est calculé. Un self control indispensa­ble lorsque l’on est frôlé par des 38 tonnes lancés à 110 km/heure. Devant nous, juste avant la barrière de péage d’Antibes, un carton obstrue une voie. Le patrouille­ur positionne son camion en amont, allume un signal lumineux à l’arrière pour prévenir les automobili­stes, puis descend. On frémit pour lui. Malgré la grande proximité du péage, des véhicules passsent à pleine vitesse, à quelques mètres.

Le patrouille­ur ramasse le carton et remonte fissa. « Pour faire ce métier il ne faut pas avoir peur, sinon on se met en danger. Quand tout est réglé, et qu’on a mis les gens en sécurité, on est contents. » Ses enfants s’inquiètent de ce métier à risques et lui rappellent souvent d’être prudent. L’interventi­on qu’il redoute le plus ? Des piétons sur l’autoroute. « Une fois, on nous en avait signalé un au niveau de Cagnessur-Mer. On a mis les gyrophares. Quand nous sommes arrivés, il était au terre-plein central près du parapet en béton. Nous étions prêts à intervenir. À ce moment-là, il a traversé. Une voiture arrivait. Le gars a volé devant nous. C’est terrible à vivre. » À l’évocation du drame, le silence s’installe dans la cabine.

« Prenez soin de vous »

L’homme en jaune jette un oeil un peu désabusé sur nos mauvaises habitudes d’automobili­stes. « Beaucoup sont égoïstes. Il faut qu’ils arrivent à l’heure coûte que coûte. Il y a les ordinateur­s et les portables, mais aussi des dames qui se maquillent, se brossent les dents. Parfois ils nous insultent parce qu’ils pensent que c’est de notre faute s’il y a un bouchon. Mais une fois qu’ils sont concernés, c’est autre chose, ils ont de la compassion. »

Il y a quelques jours, une dame lui a glissé un chaleureux « Prenez soin de vous. » Il se souvient aussi de ce courrier reçu de la part d’automobili­stes auxquels il a vraisembla­blement sauvé la vie après avoir stoppé une voiture à contresens.

Après ce reportage on a juste envie de dire aux automobili­stes, « Prenez soin de vous ».

Et prenez soin de Jean-Claude.

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Sur l’A, le patrouille­ur ramasse un plot arraché par un camion. À quelques mètres, des poidslourd­s lancés à pleine vitesse. (Photos Patrice Lapoirie)
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