Monaco-Matin

Les sans-domicile, de plus en plus souvent des personnes seules

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« On se retrouve seul, avec la honte d’être à la rue. » Comme Ramdane Rouabah, 71 ans, les sans-domicile sont de plus en plus souvent des personnes seules, alerte la fondation Abbé-Pierre (FAP), qui vient de publier son rapport annuel sur le mal-logement. Aujourd’hui, 65 % des 143 000 Français sans-domicile sont sans conjoint ni enfant à charge, selon la FAP, qui met en garde contre un phénomène qui s’aggrave mais reste « un angle mort » des politiques de lutte contre la pauvreté. Ruptures du couple plus fréquentes, entrée dans la vie adulte et conjugale plus tardive des jeunes et un vieillisse­ment des population­s qui laisse souvent des personnes veuves pendant de longues années, nourrissen­t le phénomène.

« On vous abandonne »

Après une faillite et un divorce, acculé par les dettes et les loyers impayés, Ramdane, d’origine algérienne, se retrouve à la rue. Pendant plusieurs mois, il passe alors ses nuits gare de Lyon à Paris, « avec l’espoir de rentrer au pays » mais sans un sou pour acheter un billet d’avion. Ses proches en France se détournent de lui, « tandis qu’auprès de sa famille restée en Algérie », l’ancien chef d’entreprise préfère entretenir l’illusion.

Homme isolé à la rue, sans enfant à charge, Ramdane n’est pas prioritair­e pour accéder à une place d’hébergemen­t. L’analyse des appels au 115 (numéro d’urgence des sans-abri) durant l’hiver 20162017 montre que la moitié des hommes seuls n’ont jamais été hébergés à la suite de leur demande. « On vous abandonne », dit Ramdane sans cacher son amertume. « La priorité, c’est les couples qui ont des enfants. Et même avec l’âge, quand on est seul, on n’a pas le privilège d’avoir ce qu’obtiennent les familles », constate-til.

Ces dernières années, dans un système d’hébergemen­t d’urgence totalement saturé, des centres exclusivem­ent dédiés à certains publics (familles, femmes isolées) ont ouvert, notamment à Paris.

 millions de mal-logés

Le risque, selon la FAP, est de créer « une sorte de hiérarchie » parmi les plus précaires. La France compte quatre millions de mal-logés et la crise du logement touche, à des degrés divers, 15 millions de personnes, selon la dernière enquête nationale « sans domicile » de l’Insee en 2012, sur laquelle s’appuie le rapport de la fondation.

« On est tous plus sensible au fait que des enfants soient à la rue. Mais une personne seule, même si c’est un homme, dans la force de l’âge, à la rue ou en hébergemen­t, c’est intolérabl­e », rappelle Emmanuel Domergue, directeur d’étude à la FAP.

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