Monaco-Matin

Des derniers voeux sous forme d’au-revoir pour Michel Isnard

Le maire l’avait annoncé il y a un bon moment : il ne briguera pas un ses voeux à la population, formulés hier salle Henri-Monin, avaient-ils nouveau mandat. Aussi un goût de clap de fin

- ALICE ROUSSELOT

Maire de Gorbio depuis 19 ans, Michel Isnard n’est pas candidat aux prochaines élections municipale­s. Alors forcément, ses derniers voeux à la population – présentés hier salle HenriMonin – ne pouvaient qu’être empreints d’émotion. La gorge sèche et l’oeil parfois humide, sans jamais se départir de son inaltérabl­e ton mordant, l’élu a tenu à déclarer sa flamme au village. Une bonne fois pour toutes. « La commune m’a séduit dès mon arrivée par son charme et son authentici­té. Comme il arrive de l’être pour une femme dont on devine au premier regard qu’on va lui consacrer sa vie. C’était un jour d’automne 1977. »

Le « fourestier »

Brimé par les règles draconienn­es du Code électoral, Michel Isnard ne revient pas sur le bilan de ses trois mandats. Seulement sur la dernière année, où le cimetière a été rénové, un ministade et un city stade aménagés, la chapelle Saint-Lazare et l’autel de la crucifixio­n restaurés. Faute de pouvoir s’épancher sur toutes ses réalisatio­ns, le maire s’autorise à mettre en lumière les bienfaiteu­rs du village. Ce donateur monégasque qui a financé la part communale pour les travaux de la tour et des appartemen­ts des comtes de Lascaris ; le propriétai­re du château – M. Schulte – qui l’a cédé pour un huitième de sa valeur avec ses oeuvres ; l’artiste Raza qui a fait don de sa collection ; Ana et Michel Orso qui ont cédé un terrain constructi­ble pour agrandir l’école maternelle ; Raymonde Rabardel qui a offert son assurance vie à la commune. Sans oublier Joseph Rocca, dont la donation – en cours d’officialis­ation – sera destinée aux enfants de Gorbio. « Cette générosité a aussi été incarnée par les gens du village, qui ont participé aux nombreuses souscripti­ons de la Fondation du Patrimoine .» Faute de pouvoir parler de politique, Michel Isnard fait le choix de parler de lui. Ou plus précisémen­t de son rapport à Gorbio.

« Je suis arrivé il y a seulement 43 ans. Ma petite-nièce de 6 ans a des origines gorbarines par sa grandmère. Moi, je resterai à jamais le “Fourestier” : celui qui vient d’ailleurs. » Du Var, en l’occurrence. Même si les anciens, ceux dont la mémoire est encore vive, il les a tous connus. Baptiste et son bar, Louis et Pierrot Grisolia les «cochonnier­s », Yvonne Tirimagni (présente dans la salle) qui cultivait des fèves exprès pour lui, Paul Journaut « le conseiller », Ana Orso «labattante ». Et le curé Rochard, un « prêtre marginal » envoyé à Berre-lesAlpes où il mourut. Avant que des familles gorbarines ne plaident pour rapatrier ses restes à Gorbio. De souvenir en souvenir, d’anecdote en anecdote, Michel Isnard redonne vie à une époque pas si lointaine. Dont il aimerait que les valeurs perdurent. « Ana me racontait que son père, lorsqu’il allait jusqu’à Nice se faisait moquer par les Niçois. Quand ils lui disaient “Tu siès propre de Gova” – toi tu es vraiment de Gorbio – il y avait du mépris. J’ai tenu à en connaître les fondements et c’est un historien niçois qui m’a affirmé que cela remontait au plébiscite de 1870 et au rattacheme­nt à la France. Tandis que le “oui” avait fait partout des scores avoisinant les 100 %, on découvrit avec stupeur qu’un petit village nommé Gorbio avait largement voté pour rester italien. » Tout sourire, Michel Isnard se dit fier de ces ancêtres ayant fait preuve de liberté et d’esprit démocratiq­ue. « À Gorbio, on ne fait jamais les choses comme ailleurs. Et ce n’est pas demain que l’on va voter pour être englobés par la Métropole niçoise ! », ironise-t-il. Avant de quitter la scène – au sens propre comme au sens figuré – le maire passe aux remercieme­nts. À la population, aux employés communaux, aux associatio­ns, aux anciens. Aux habitants de Saint-Sauveur, aussi, dont la route est coupée depuis fin décembre (les travaux venant de démarrer).

Souhait pour l’avenir

« Je souhaite que l’avenir de Gorbio soit confié à des femmes et des hommes humbles, désintéres­sés, altruistes, tolérants, qui ne soient pas animés par un esprit de revanche », poursuit Michel Isnard. Quittant un instant ses notes, soigneusem­ent écrites à la main, l’élu raconte comment un jour, une journalist­e TV lui avait déclaré qu’elle cherchait un maire rencontran­t des problèmes. « J’aurais pu parler de cet abeliné de corbeau qui m’a emm... pendant des mois, de celui qui a forcé la porte de mon atelier. Mais je lui ai répondu d’aller chercher ailleurs. Je ne suis pas une pleureuse », s’amuse-t-il à rapporter. Avant de passer aux voeux à proprement parler. Dont on retiendra le dernier : « Je vous souhaite de vivre longtemps pour profiter longtemps du plaisir de vivre à Gorbio. Merci des moments privilégié­s que nous avons vécus et qui resteront dans mon coeur », conclut-il. Recevant une (standing) ovation, et quelques larmes discrètes, en retour.

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(Photos A.R.) Les voeux de Michel Isnard se sont achevés – tradition oblige – par un concert.
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