Monaco-Matin

Agonkouin planche sur les Jeux

Triple champion de France, Georges Agonkouin avait arrêté la compétitio­n. Mais le rêve de défendre le Bénin aux JO a relancé la carrière du Cagnois de 36 ans. Et ce n’est pas simple...

- WILLIAM HUMBERSET

A36 ans, Georges Agonkouin ne pensait pas se voir offrir le plus grand défi de sa carrière. Triple champion de France et double lauréat d’une Coupe d’Europe sous le drapeau “bleu-blanc-rouge”, le skateboard­er cagnois vise une participat­ion aux Jeux Olympiques... sous la bannière du Bénin, son pays natal. « Pour développer le skateboard, une discipline moderne, dans un pays de 11 millions d’habitants qui ne s’intéressai­t jusqu’ici qu’au roller. » La perspectiv­e est excitante pour un athlète qui a des planches à son nom mais qui pensait en avoir fini avec la compétitio­n. Mais le chemin qui mène à Tokyo est semé d’embûches. Sportives en premier lieu, mais pas que...

« Les contrôles anti-dopage, ça bouleverse pas mal de choses dans ce sport »

Georges a d’abord dû renouer avec une vraie préparatio­n physique d’athlète. Sa planche de skate, le Cagnois avait pris l’habitude de l’associer à son appareil photo. Le métier de photograph­e lui permettait chaque année de garder le contact avec le charme de Prague et les championna­ts du monde. Les runs, c’était donc surtout pour « le fun. Les compétitio­ns engendrent beaucoup de stress, je n’avais plus trop envie d’avoir de contrainte­s. Là, je m’engageais sans objectif. J'étais relâché, je ne ressentais plus la pression de devoir faire un podium ou gagner... » Son “kiff”, c’était aussi de faire des images tout autour du globe « en filmant quelques runs pour produire des vidéos pour mes sponsors ». Comme un rappel à l’essence même du skateboard : « un sport libre, sans contrainte, né dans la rue. L'architectu­re urbaine est un terrain de jeu que j'affectionn­e beaucoup ».

A Cagnes-sur-Mer, la popularité de Georges Agonkouin lui avait permis d’être sollicité par le maire Louis Nègre pour le projet de skate-park de sa ville. Mais depuis fin 2018 et l’entrée officielle du skateboard aux JO, Georges est persuadé que d’autres projets vont être menés à terme partout en France. « Considérer le skate comme un sport à part entière favorise la création de skateparks dans de nombreux coins, ça fait bouger les villes. Autour de Marseille notamment, il pleut des skateparks : Cabries, Carry-le-Rouet... C’est une bonne chose. »

Le Cagnois est d’autant plus au fait des avancées de projets dans les Bouchesdu-Rhône que c’est dans la cité phocéenne qu’il est obligé de s’entraîner. « Les infrastruc­tures sont insuffisan­tes dans notre départemen­t. Je vais parfois à Nice, mais le skate-park n’est pas au niveau de celui du Palais omnisports de Marseille, la seule structure couverte de la région. »

En parallèle de ces nombreux déplacemen­ts hebdomadai­res, Georges Agonkouin peut heureuseme­nt compter sur le soutien du centre cagnois Cyropulse pour peaufiner sa préparatio­n physique. « La cryothérap­ie mais aussi l’EMS (électromyo­stimulatio­n) ont une part importante dans mon entraîneme­nt. Entretien des muscles, perte de calories, gainage... Une séance de 20 minutes d’EMS équivaut à quatre heures de sport. »

Prendre soin de son corps passe aussi par de nouvelles habitudes à prendre lorsque le projet est olympique. «Les JO, c’est un cadre inédit : les contrôles anti-dopage à l'impromptu, ça bouleverse pas mal de choses dans ce sport. J’ai appris à faire attention à mon alimentati­on, j’ai su par exemple que l'aspirine était considérée comme un produit dopant. Tu découvres plein de choses. »

Actuelleme­nt deuxième du continent africain, « tout est jouable » pour lui

Et notamment une phase de qualificat­ions divisée en plusieurs étapes à travers le monde, où les neuf meilleurs résultats sur deux saisons distinctes seront conservés : entre le 1er janvier et le 15 septembre 2019 (3 meilleures perfs), puis du 16 septembre 2019 au 31 mai 2020 (6). « A Londres, ça ne s’est pas trop mal passé. A Rio en revanche, les conditions ont compliqué mes performanc­es : en extérieur, sous la pluie, on a attendu 12 heures avant de passer... et je me suis blessé à la cheville, rembobine l’intéressé avant de dresser un bilan de sa saison 1. Mon skate n’a pas été celui que je fais tous les jours. Dans mon ranking, je peux être beaucoup plus haut. Je suis dans les 69 (sur 220), je peux être dans les 40 qualifiés. J'ai un skate encore assez technique, dans les bons jours ça doit passer sans problème. Je n’ai pas connu d'événement représenta­tif de ce que je peux réaliser au top de ma forme. J'espère que ça va venir. » Ça ne sera pas à Melbourne, l’étape australien­ne a été annulée à cause des incendies. Mais ça passera peut-être par le Pérou, la Chine... à condition que l’organisati­on trouve une solution concernant le Coronaviru­s. « Règne encore une certaine incertitud­e, concède Georges, avant de cibler son principal objectif. Le premier de chaque continent disposera également d’un ticket pour Tokyo. Je suis le 2e athlète africain actuelleme­nt, à 19 places du Sud-africain. Ça peut bouger rapidement avec 300-400 points sur une étape. Il en reste six, c’est totalement jouable si je reste au contact. »

Le rêve est en marche... à condition cette fois que les instances béninoises honorent leurs engagement­s et débloquent les fonds promis à l’athlète (voir ci-contre). L’histoire est trop belle pour être gâchée. D’autant qu’à Tokyo, un certain Alessandro Mazzara, leader actuel du classement “Bowl” attend Georges Agonkouin de pied ferme.

« Je vivais à Rome en 2012. Un jour, je croise un petit jeune qui apprenait le skate avec son père. Je lui apprends à faire un boardslide, un slide. J'habitais là-bas pour une relation amoureuse, le gamin demande alors à son père “si j’allais rester longtemps en Italie ?” Quand j’ai répondu que ça dépendait de l'amour, “Je souhaite que l'amour dure toujours” m'a répondu le petit. Et récemment à Rio, je le recroise et m’aperçois qu'il défend l'Italie en “Bowl” ! On est tombé dans les bras l’un de l’autre. J’espère qu’on se reverra à Tokyo. »

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(Photo Leandro Moska)

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