«Le territoire doit davantage jouer de son attractivité»
Faire naître des licornes, améliorer l’image de la France pour attirer investisseurs et talents... La directrice générale de la Mission French Tech a une feuille de mission bien remplie
Elle arbore fièrement le coq rouge de la French Tech. Kat Borlongan, la directrice générale de la Mission French Tech, était en déplacement pour la première fois sur la Côte d’Azur. Au programme : une réunion de travail avec le board de la French Tech Côte d’Azur, la rencontre avec les lauréats du French Tech Tremplin à qui elle a prodigué de nombreux conseils et l’accompagnement de startuppers régionaux au salon cannois Ipem, dédié aux fonds d’investissement. La jeune directrice réitère son optimisme quant à la capacité de la France à créer les champions de demain et loue l’action de la French Tech Côte d’Azur.
Quels sont les défis de la French Tech en ?
Le tout premier concerne le recrutement des talents. Pour soutenir leur courbe de croissance, nos startups ont besoin de profils comme des VP qui ne sont pas forcément disponibles en France. Elles ne doivent pas hésiter à aller chasser certains profils à l’étranger. Quand elles lèvent plusieurs millions d’euros, c’est plus facile si elles disposent d’une équipe d’execs qui a déjà vécu ça. C’est la raison pour laquelle nous avions lancé le French Tech Visa (qui facilite pour les étrangers l’obtention d’un visa de long séjour, ndlr).
Les startups françaises sont-elles attractives pour les étrangers ?
Elles sont super attractives. Il suffit de voir la couverte médiatique internationale autour de la French Tech pour s’en rendre compte. Nos startups lèvent en France et à l’international. Même en série B, il y a % d’investisseurs étrangers. Ils ne sont pas forcément en lead mais ils sont bien présents. Et la France a levé Mds€ en (contre , Mds€ l’année précédente) et dépassé l’Allemagne en termes de taux d’attractivité d’investissement.
L’agitation sociale ne refroidit-elle pas les velléités des investisseurs étrangers ?
Pas forcément. Les grèves et les Gilets jaunes peuvent certes influer. Mais pour eux, la France est davantage un pays compliqué en termes du droit de travail. Jusqu’à récemment, le régime des stockoptions leur posait aussi souci mais ça a changé depuis la réforme annoncée il y a quelques jours par le président Macron. Index Ventures, l’un des fonds les plus connus en Europe, a d’ailleurs publié un communiqué de presse pour saluer ce changement. L’autre problématique pour les investisseurs est l’état d’esprit franco-français. Il y a cette idée reçue que la France est pour les Français, que les Français n’embauchent que des Français. Mais c’est aussi en train de changer.
Quel est le rôle de la French Tech ? Les autres pays ont-ils une organisation similaire ?
Non. J’ai beaucoup d’interlocuteurs dans les autres pays mais aucun homologue. Au sein de l’État, mon équipe et moi sommes un peu les DRH de l’écosystème. Nous gérons l’immigration par rapport aux visas, faisons en sorte que les problématiques réglementaires aillent plus vite, que les politiques de financement soient en adéquation avec les besoins de l’écosystème… Nous répondons aux besoins des startups sur la problématique Talents et travaillons l’image de la France. La French Tech est le symbole d’une volonté forte de tout un pays d’avancer ensemble. A ma connaissance, nous sommes les seuls où la stratégie startups est intégrée à celle nationale. Quand je pitche la France à l’étranger, je ne dis pas qu’on est les meilleurs mais je souligne notre dynamisme et notre évolution depuis dix-huit mois. C’est important de faire cette mise à jour car elle a un impact sur les VC qui investissent dans les startups hexgonales et sur ceux qui ont des startups àl’étranger et qui cherchent à ouvrir un bureau en France. Plus ils ouvrent des antennes dans l’Hexagone, plus il y aura de talents qui pourront rejoindre des startups françaises… C’est écosystémique.
Dans la liste du French Tech , des entreprises sélectionnées sont à Paris.
Le sujet des sièges sociaux n’est pas le vrai sujet.
C’est pourtant important pour les territoires…
Oui pour des raisons politiques. Mais il faut se demander si les basées à Paris sont vraiment parisiennes…
Pourquoi, alors, ce besoin d’aller à Paris ?
Pourquoi tout le monde va à San Francisco ? L’argent est là-bas et les clients, généralement BtoB, aussi. C’est la même chose pour Paris. En revanche, si la création d’emplois est à l’avenir concentrée dans la capitale, cela pourrait me poser davantage de problèmes.
On dit que pour réussir, une startup doit monter à Paris.
Elle doit être proche de ses clients. Et cela, d’autant plus que la France n’a pas d’ETI. Une startup en BtoB se focalise soit sur les TPE soit sur les grands comptes qui, effectivement, se trouvent pour la plupart à Paris. Mais attention, les startups ne sont pas des entités homogènes et c’est cela l’enjeu de votre territoire.
C’est-à-dire…
La création de startups est un phénomène déjà bien enclenché sur la Côte d’Azur mais il faut faire du territoire l’endroit où les boîtes ouvrent leur deuxième bureau. Et là, la Côte d’Azur a un réel avantage car il a le plus grand nombre d’écoles internationales per capita. Je parlais tout à l’heure de problème lié aux talents mais dans le Top , je mettrais les écoles internationales pour leurs enfants et un emploi pour le conjoint. Nice se brande comme une ville du Sud alors que c’est une ville internationale. On y entend beaucoup parler anglais, c’est une destination où les gens veulent vivre. La Silicon Valley n’est plus le centre de gravité, les gens et les startups commencent à la quitter et sont à la recherche d’endroit où ils peuvent élever leur famille. La Côte d’Azur a un rôle à jouer.