Monaco-Matin

UNE LOI POUR ENCADRER LA FINDEVIE

Le gouverneme­nt princier vient de déposer un projet de loi au Conseil national sur le délicat sujet de la fin de vie. L’objectif est de donner un cadre législatif aux médecins.

- JOËLLE DEVIRAS jdeviras@monacomati­n.mc

Toute personne malade a droit au respect de sa dignité. » Le premier des vingt-quatre articles du projet de loi sur la fin de vie, reçu le 21 janvier par le Conseil national, saura certaineme­nt susciter le plus grand intérêt des élus des Monégasque­s. Parce que « c’est aborder des questions fondamenta­les de société » et qu’« il faut « protéger d’abord le patient », soulignait hier matin, au ministère d’État, Didier Gamerdinge­r, conseiller de gouverneme­nt-ministre des Affaires sociales et de la Santé, lors d’une conférence de presse. Or, «aujourd’hui à Monaco, il y a très peu de dispositio­ns juridiques àcesujet».

Le texte n’est pas encore à l’étude de la Haute Assemblée mais il est considéré par le gouverneme­nt comme « extrêmemen­t important et sensible, poursuit le ministre. Un sujet de conscience. C’est l’approche humaine que j’ai voulu placer au coeur de notre réflexion. Le soin et la prise en compte de la douleur apparaisse­nt en premier lieu. »

Dans un pays où le catholicis­me est religion d’État, on comprend que les articles ont été rédigés pour répondre aux « questions humaines, éthiques et scientifiq­ues » en faisant évoluer le droit selon les lois fondamenta­les de l’Église. « C’est un texte sur la vie, explique ainsi d’emblée Didier Gamerdinge­r. Il n’est évidemment pas question d’accélérer la survenance de la mort. Ce n’est pas le rôle de notre société. Nous sommes là pour accompagne­r la vie. La fin de vie appartient au patient. Notre rôle est de le soulager. Mais nous ne pouvons pas le déposséder de sa vie. Ce projet a donné lieu à une très large concertati­on avec le conseil de l’Ordre des médecins, le docteur Jean-François Ciais, chef de service de soins de support et de soins palliatifs du Centre hospitalie­r Princesse-Grace, la Direction de l’action sanitaire et le diocèse. »

Le texte s’articule autour de deux grands thèmes : l’apaisement de la souffrance avec les soins et l’accompagne­ment, et le refus de l’acharnemen­t thérapeuti­que avec sa définition et les directives de fin de vie.

« Notre rôle est d’alléger les souffrance­s »

À Monaco, il n’y a pas de groupement­s favorables à l’euthanasie ou à un accompagne­ment pour mourir. Donc la question ne se pose même pas. « Nous ne sommes pas allés consulter les associatio­ns étrangères. Les associatio­ns monégasque­s ne portent pas un discours sur un accompagne­ment accéléré de la fin de vie. Ce n’est, de toute façon, pas notre vision. C’est un moment extrêmemen­t important dans la vie du patient. Il ne s’agit pas d’abréger les souffrance­s en mettant fin à la vie. Notre rôle, au contraire, est d’alléger les souffrance­s pour accompagne­r la vie. »

Toutefois, le Titre II du projet de loi traite de l’acharnemen­t thérapeuti­que. « C’est un vrai défi quotidien d’évaluer où se situe l’acharnemen­t, note le docteur JeanFranço­is Ciais. On débat làdessus en équipe. La question est éthique. »

« Aujourd’hui, on fait appel à la conscience des soignants, convient le conseiller de gouverneme­nt-ministre. On les laisse seuls. Il faut un cadre de loi parce que ce sont des sujets difficiles. Qu’est-ce que l’obstinatio­n déraisonna­ble, par exemple ? C’était, de mon point de vue, un devoir moral de répondre par la loi. Et c’est l’ambition de ce projet. »

Dans une situation où chacun est unique de par sa maladie, sa culture, ses croyances, sa langue, son âge, sa personnali­té et autres, seule une approche multidisci­plinaire peut permettre une réponse la plus juste possible. « Nous devons faire du surmesure. Le patient est un être humain. Il n’y a pas de stéréotype. Chacun est différent. »

« Il faut instaurer le dialogue »

Le docteur Jean-François Ciais insiste sur cette transversa­lité. « Une approche multidisci­plinaire est fondamenta­le pour prendre la personne en compte, dans sa dimension humaine, jusqu’à son dernier souffle. » Didier Gamerdinge­r explique ainsi qu’il s’agit de «respecter la proportion­nalité entre le bénéfice des soins et le risque lié au traitement médical, en s’assurant à tout moment que le traitement est effectivem­ent profitable pour le patient. Car il faut garder toujours à l’esprit de respecter le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagné­e. C’est ce qui est au coeur de la loi. C’est notre point de repère. Et il faut pour cela instaurer un dialogue. » Carde nombreuses questions, notamment éthiques, se posent : « Quand faut-il arrêter le traitement ? Jusqu’où aller ? Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut rester raisonnabl­e dans l’approche. » Aux conseiller­s nationaux, maintenant, d’étudier le projet de loi afin de faire les amendement­s qui leur sembleraie­nt nécessaire­s.

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(Photo Manu Vitali / Dir. Com.) Didier Gamerdinge­r et le docteur Jean-François Ciais.

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